(BFM Bourse) - Depuis qu'Unicredit ne fait plus mystère de sa volonté de fusionner avec Commerzbank, le marché se réinterroge sur d'hypothétiques mariages transeuropéens. Mais, pour les banques françaises cotées, des opérations de consolidation, sont quasi-impossibles. Même au niveau national.
C'est le grand sujet d'actualité du secteur bancaire en cette rentrée 2024: les velléités de mariage de la banque italienne Unicredit avec sa consoeur allemande Commerzbank. L'établissement transalpin a acquis 9% de sa rivale la semaine dernière. La direction d'Unicredit n'a pas fait mystère de vouloir, in fine, fusionner avec Commerzbank. Le directeur général, Andrea Orcel, a encore vanté auprès du Handelsblatt les mérites d'une telle union, lundi.
Cette opération a ramené à la surface le sujet de la consolidation bancaire transfrontalière, un serpent de mer et un potentiel catalyseur pour les actions du secteur en Europe.
En mai, le président de la République, Emmanuel Macron avait d'ailleurs un peu alimenté les spéculations du marché, en déclarant à Bloomberg qu'il n'était pas fermé à l'idée d'un rachat d'une banque française par un autre établissement européen.
S'il n'avait pas cité de nom, l'action Société Générale, la banque avec la valeur en Bourse la plus petite, avait progressé à la suite de ces propos. Le locataire de l'Elysée avait ensuite précisé sa pensée, indiquant à L'Express qu'il n'avait ni à "souhaiter" ni à "bloquer" une consolidation bancaire.
Pour autant, les annonces sur Unicredit et Commzerbank n'ont cette fois pas bénéficié aux actions des banques françaises cotées, à savoir BNP Paribas, Crédit Agricole SA et Société Générale. Le marché n'a pas effectué de lecture croisée qui l'aurait conduit à juger que cette potentielle fusion pourrait signaler d'autres opérations pour les établissements tricolores.
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Les patrons de BNP et Société Générale ne croient pas à des fusions transfrontalières
Plusieurs éléments expliquent cette absence de réaction. Tout d'abord, si Unicredit est une banque italienne et Commerzbank une banque allemande, le caractère transfrontalier d'un potentiel mariage doit être relativisé. Unicredit est en effet très présent en Allemagne, où le groupe italien est entré en 2005 avec le rachat de Hypovereinsbank (HVB). L'Allemagne représentait ainsi son deuxième marché en 2023, avec 22% du total de ses revenus.
Dans une note publiée la semaine dernière, le bureau d'études Alphavalue considérait ainsi que les intentions d'Unicredit devaient davantage être considérées "comme une approche domestique plutôt qu'une opération transfrontalière, la banque italienne étant davantage susceptible de rechercher une fusion avec sa division allemande HVB plutôt que de vouloir créer un géant bancaire européen ".
Au-delà du cas spécifique Unicredit-Commerzbank, la consolidation reste un catalyseur qui a peu de probabilité de se concrétiser pour les banques françaises.
Des opérations transfrontalières apparaissent compliquées pour ne pas dire impossibles à mener en France.
En mai, le directeur général de BNP Paribas, Jean-Laurent Bonnafé, avait déclaré ne pas croire à de telles opérations en Europe. "Seul un acteur domestique peut acheter un autre acteur domestique", avait-il expliqué lors de l'assemblée générale de sa banque.
Le directeur général de Société Générale, Slawomir Krupa, a exactement tenu le même discours, jugeant d'ailleurs que la probabilité d'une opération transfrontalière de grande ampleur était "nulle". "Les opérations de consolidation en Europe sont extraordinairement improbables, ce pour une série de raisons", déclarait-il en mai, également lors de l'assemblée générale de son groupe.
La première de ces raisons était "d'ordre réglementaire : il y a des surcharges en capital importantes qui sont liées à la taille des établissements bancaires", avait-il fait valoir. Le dirigeant soulignait aussi qu'il était historiquement difficile d'extraire des synergies dans le cadre d'une opération transfrontalière. Une des synergies en question est "celle de pouvoir utiliser la liquidité au niveau du groupe bancaire et non pas de ses différentes implantations nationales". Or cela est aujourd'hui "très largement limité par la structure de l'union bancaire" avec les restrictions "liées à la circulation des liquidités transfrontalières", expliquait-il.
Un analyste du secteur interrogé par BFM Bourse en mai allait dans leur sens: "Il n'y a pas de marché unique bancaire en Europe et la consolidation transfrontalière est passée de mode", avançait-il.
Une consolidation étrangère impossible
Certes, dans d'autres pays européens, des banques étrangères peuvent avoir d'importantes filiales locales, ce qui peut faciliter des rapprochements.
Mais la donne s'avère bien différente dans l'Hexagone. La sino-britannique HSBC et la néerlandaise ING sont récemment sorties du marché français, après s'y être cassées les dents. Si bien que la présence étrangère en France se limite aux néobanques (N26, Revolut). Par essence, cela restreint, là encore, les synergies qui seraient créées par le biais d'un rapprochement avec d'autres banques européennes.
Alphavalue estime, en outre, que les conditions de marché difficiles en France font que l'Hexagone reste peu attrayant pour des opérations transfrontalières. La concurrence s'y avère intense en raison de la présence d'établissements mutualistes puissants, et la régulation est très importante. "La compétition acharnée sur le marché des prêts hypothécaires et le lourd poids de la régulation ont comprimé les marges et la croissance des volumes dans un marché fragmenté , limitant l'attractivité pour les acteurs encore non présents" en France, fait valoir Alphavalue.
Le bureau d'études évoque aussi le "darwinisme", c'est-à-dire que les banques françaises sont aujourd'hui devenues trop grandes, avec une trop forte présence à l'international, pour être considérées comme des proies.
Des opérations domestiques improbables
Reste la consolidation domestique. Mais celle-ci s'avère là encore quasi-impossible à mettre en œuvre. Crédit Agricole SA doit de toute façon être sortie de l'équation, car le groupe reste avant tout le véhicule coté de Crédit Agricole, une banque mutualiste. Ce qui rend très complexe tout rapprochement.
Plus largement, des fusions entre des banques cotées et des banques mutualistes sont improbables, leurs cultures d'entreprises étant très différentes de même que leurs expositions en termes de revenus, note Alphavalue. Les banques cotées ont par exemple une présence bien plus importante dans la banque de financement et d'investissement ainsi que dans le leasing automobile.
Le bureau d'études souligne donc que la seule option viable serait, sur le papier, une fusion entre BNP Paribas et Société Générale. Mais Alphavalue ne trouve qu'un intérêt très limité à une telle opération.
Au vu de sa taille, plus importante que celle de Société Générale, BNP Paribas serait forcément le consolidateur. Et, selon le bureau d'études, le seul actif potentiellement intéressant de Société Générale pour la banque de la rue d'Antin serait sa banque de financement et d'investissement. Or jusqu'ici, BNP Paribas a largement préféré la croissance organique dans cette activité, plutôt que des acquisitions.
Et de toute façon, les banques françaises ont choisi, dans leur stratégie, de se développer dans des métiers sur lesquels elles possèdent des avantages concurrentiels, plutôt que de grandir largement en rachetant des groupes généralistes. Crédit Agricole SA a particulièrement développé les métiers de collecte d'actifs et le financement automobile, BNP s'est renforcé dans la gestion d'actifs. Et Alphavalue juge que ces établissements poursuivront cette stratégie.
Par ailleurs, même si Alphavalue n'évoque pas vraiment ce point (sauf pour le leasing automobile sur lequel il juge que des problèmes de concurrence se poseraient), un mariage Société Générale-BNP Paribas provoquerait sans aucun doute des difficultés réglementaires et des pressions politiques.
Contactées par BFM Bourse, Société Générale et BNP Paribas ont toutes deux rappelé qu'elles ne commentaient pas les spéculations de marché.
Enfin, il convient de souligner que la consolidation domestique a déjà eu lieu il y a plusieurs années en France, avec désormais un nombre limité d'acteurs de grande taille. La dernière grande opération reste la fusion entre les groupes Banques Populaires et Caisses d'Epagne, en 2009. Cette consolidation domestique est bien moins avancée en Italie, par exemple.
Les investisseurs devront donc se trouver d'autres arguments que la consolidation pour jouer les banques françaises en Bourse. Cela n'empêche pas les groupes tricolores de présenter plusieurs attraits: ils sont faiblement valorisés et devraient, en plus, moins souffrir des baisses de taux que les autres établissements européens.
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