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Marché : Pourquoi vendre ses actions en mai, comme le veut l'adage, n'est pas forcément un conseil avisé

samedi 3 mai 2025 à 12h00
Faut-il suivre au pied de la lettre ce vénérable adage

(BFM Bourse) - Parmi ces injonctions qui font le folklore de la Bourse figure le célèbre "sell in may and go away" ou "vends en mai et va-t'en" dans la langue de Molière. Les données historiques révèlent que la période la plus performante, en moyenne, s'étend de novembre à avril. Faut-il suivre aveuglement ce vénérable adage boursier? Pas si sûr selon les spécialistes.

Comme à chaque mois de mai, l'adage préféré des boursiers "sell in may and go away" refait surface. La plus ancienne mention de ce dicton a été relevée dans une édition de 1935 du Financial Times, l'article le présentant déjà comme "un vieil adage". L'hypothèse la plus probable serait que les classes aisées quittaient Londres pour la campagne aux beaux jours en délaissant leurs portefeuilles (ou du moins en n'intervenant qu'épisodiquement pendant cette période).

La croyance veut donc qu’il convient de s’abstenir en Bourse à compter du 1er mai avant de réinvestir à partir de la veille du 1er novembre et donc le jour d’Halloween. Ce dernier jour a lui aussi son effet sur les marchés. C’est le Halloween effect ou "effet Halloween'" en français qui implique que la période de novembre à avril offre le plus fort potentiel de hausse sur les marchés financiers.

Un marronnier boursier

Et en ce début mai, la question revient naturellement sur le devant de la scène. Surtout après un mois d’avril où le CAC 40 a perdu un peu plus de 2,5%, secoué par l'onde de choc provoquée par Donald Trump et ses droits de douane "réciproques".

Plusieurs facteurs tendent à valider la théorie du "sell in may and go away". Deux universitaires, spécialisés dans les questions de saisonnalité, ont testé l'effet "Halloween/sell in may" sur l'échantillon le plus important jamais recueilli, et leur conclusion est claire : investir à Halloween et prendre ses profits en mai rapporte 4% de plus qu'une stratégie consistant à détenir indéfiniment ses titres.

Les professeurs Zhang Yi de la Nottingham University Business School (Chine) et Ben Jacobsen de TIAS Business School (Pays-Bas) ont retenu un échantillon qui commence en 1693 avec la Bourse de Londres et comprend jusqu'au plus récent des indices, celui du marché rwandais inauguré en 2013, soit 114 marchés au total et plus de 63.000 mois de performances boursières à décortiquer... Et le résultat est surprenant par son ampleur puisqu'ils n'ont identifié qu'un seul marché -la Bourse de l'Ile Maurice- présentant sur la durée un rendement supérieur pendant la période estivale

L'étude de Zhang et Jacobsen présume que cet effet correspondant à la prise des congés estivaux est toujours à l’œuvre aujourd'hui. D'autant que la saisonnalité de l'Halloween Indicator est plus marquée en Europe et aux États-Unis, où l'habitude de prendre des vacances l'été est plus répandue que dans le reste du monde.

À première vue, cette saisonnalité des performances des indices boursiers tend à se confirmer, avance Deutsche Bank. Les équipes de la banque allemande ont testé plusieurs hypothèses en se basant sur un investissement sur l'indice paneuropéen Stoxx Europe 600 depuis 1987.

"De 1987 à aujourd'hui, la stratégie [sell in may] aurait généré une performance annualisée de 9% contre seulement 7,4 % pour la stratégie Buy and Hold (acheter et conserver). La différence de performance cumulée s'élèverait à 1.182 %", remarquent les stratégistes de la banque allemande.

Une stratégie qui a ses limites

Les données historiques ont donc tendance à valider la véracité de cet adage. "Mais ne vous laissez pas berner par la performance cumulée", préviennent les spécialistes de Deutsche Bank, qui viennent déconstruire ce célèbre adage boursier pour la troisième année consécutive.

La stratégie "vendre en mai" se serait révélée moins payante 24 fois sur 38 que de tout simplement acheter et ensuite conserver ses titres.

Deutsche Bank a pris l'hypothèse de vendre le Stoxx 600 à la fin du mois d'avril et de réinvestir au début du mois de septembre, tel que l'adage le préconise. "Pour que cette affirmation soit vraie, il faudrait espérer que les performances exceptionnelles des marchés d'actions européens en 1998, 2001, et 2002 se reproduiront", remarque Deutsche Bank.

Cette stratégie a fonctionné avec une surperformance de 29% en 2022, de 28% en 1998 et de 23% en 2001. "Si l'on ne tient pas compte de ces années, la stratégie se montre moins performante qu'une simple stratégie d'achat et conserver", remarque Deutsche Bank.

Et au cours des 10 dernières années, cette stratégie de vendre en mai pour revenir en septembre n'a pas été à l'avantage de l'investisseur sept fois sur 10. Par exemple, un investisseur qui aurait suivi ce adage stricto sensu aurait accusé une perte de 1,6 % sur l'ensemble de l'année 2024. "La saisonnalité des marchés d'actions est surestimée", abondent-ils.

Deutsche Bank a pris une autre hypothèse selon laquelle vendre des actions en mai et investir ensuite dans des obligations d'État européennes augmenterait la probabilité de surperformer le marché.

Autant "tirer à pile ou face"

Dans le rétroviseur, cette stratégie semble encore plus prometteuse, ironise la banque allemande. "De 1998 à 2024, la stratégie "Sell in May" avec des obligations aurait généré une performance annualisée de 11,0%, surpassant à la fois une stratégie "Buy and Hold" standard (6,4% par an) et la stratégie Sell in May avec des liquidités (9,2 % par an). Mais là encore, le taux de réussite de la stratégie aurait été très décevant. La stratégie avec obligations n'aurait surpassé la stratégie Buy and Hold que 13 années sur 27", décortiquent les stratégistes.

Les conclusions des spécialistes de la banque allemande sont sans appel: "Vous pouvez vendre en mai, mais vous pourriez tout aussi bien tirer à pile ou face et vos chances de succès seraient les mêmes", ironisent-ils.

Deutsche Bank se penche aussi sur la véracité de cet adage sur les marchés américains, et notamment sur le S&P 500. "Depuis 1973, la stratégie "Sell in May" avec des liquidités aurait donné une performance annualisée de 9,2 %, alors qu'une stratégie "Buy and Hold" aurait rapporté 10% par an", remarque la banque allemande.

"Le taux de réussite aux États-Unis serait encore plus mauvais qu'en Europe: la stratégie n'aura fonctionné que pendant 22 des 52 dernières années", déplore l'étude.

"En 2024, les actions américaines ont enregistré une performance de 10% entre mai et septembre, tandis que les bons du Trésor américain n'ont rapporté que 6% au cours des mois d'été. Par conséquent, la stratégie Sell in May aurait sous-performé de 4% par rapport à une stratégie Buy and Hold l'année dernière", conclut Deutsche Bank.

En résumé, faut-il "vendre en mai et partir"? "Probablement pas, si l'on en croit les données historiques, car il peut y avoir de meilleures options si vous êtes un investisseur actif. Si vous êtes un investisseur à long terme, des facteurs plus importants devraient influencer vos décisions d'investissement", rappelle de côté Fidelity .

Sabrina Sadgui - ©2025 BFM Bourse
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