(BFM Bourse) - Le Dow Jones ou Dow pour les boursicoteurs les plus aguerris, reste encore l'indice emblématique des marchés américains. Mais faute d'avoir évolué avec la transformation de Wall Street, ce vénérable indice renvoie à des temps anciens.
Depuis vendredi, Nvidia fait partie intégrante du Dow Jones, l'un des célèbres indices de Wall Street avec le S&P 500. Le spécialiste des processeurs graphiques a ainsi rejoint Amazon, Apple et Microsoft, les trois autres sociétés technologiques déjà présentes dans l'indice.
Surtout, cette promotion se fait au détriment de son concurrent Intel, puni en Bourse pour avoir tardé dans le développement de puces adaptées à l'intelligence artificielle.
"Nvidia est une entreprise bien gérée et son entrée dans le Dow Jones montre à quel point son redressement a été puissant ces dernières années, car elle était au bon endroit au bon moment, quand personne d'autre ne l'était", a déclaré Scott Colyer, directeur général de Advisors Asset Management à Bloomberg.
Effectivement, les superlatifs ne manquent pas pour caractériser l’inexorable ascension du spécialiste des cartes graphiques en Bourse. Nvidia a progressé sur l'année de plus de 200%, revendique une capitalisation boursière de 3.630 milliards de dollars, et est redevenue la plus importante entreprise cotée au monde devant l’icône de la tech Apple (*), selon companiesmarketcap.com. Pour le spécialiste des processeurs graphiques, cette promotion est donc une véritable consécration boursière.
"Pour la plupart des gens, le Dow Jones est synonyme de marché boursier", a déclaré Art Hogan, stratège du marché, cité par CNN. Même remarque du côté de Nick Colas, cofondateur de la société d'études de marché DataTrek qui signale au média américain que le nombre de recherches sur Google pour "Dow Jones " est toujours plus élevé que pour "S&P 500".
L'indice le plus célèbre
C'est que le Dow Jones Industrial Average (DJIA) de son nom complet - souvent raccourci en Dow Jones - est l'un des plus vieux indices boursiers puisqu'il va fêter en 2026 ses 130 années d'existence.
À sa création en 1896 l'échantillon comportait 12 titres. Mais depuis 1928, il comprend trente titres du New York Stock Exchange (Nyse). Les valeurs sont choisies pour leur représentativité, notamment leur capitalisation boursière au sein de chaque secteur. Ce sont les équipes du Wall Street Journal et de la société S&P Global qui ont la responsabilité du choix des valeurs. Les entreprises des secteurs des transports ou des services aux collectivités (puisqu’elles sont présentes dans des indices spécifiques) sont exclues de l’indice. Pour y entrer, les entreprises doivent à la fois faire montre d’une longue croissance historique et jouir d’un large intérêt de la part des investisseurs.
Un vestige des temps anciens
Pour calculer l'indice, Charles Dow, éditeur au Wall Street Journal, et Edward Jones, son associé, à l’origine de cet indice, n'ont pas cherché à se compliquer la vie. Ils ont tout simplement choisi de faire la moyenne (Average) des cours de 12 actions représentant chacune l'un des principaux secteurs dits industriels (Industrial) - hors les chemin de fer, qui représentaient alors l'essentiel de la cote et déjà représentés dans le Transportation Index. Soit l'addition des cours des douze titres choisis divisé par 12. Depuis, le principe est resté le même, mais les termes de l'opération ont changé.
Ainsi au numérateur on additionne désormais les cours de non plus 12 mais 30 titres: jusqu'ici rien de compliqué. Mais au niveau du dénominateur les choses se sont corsées au fil des années. En effet, chaque opération financière (dividendes exceptionnels, division du nominal, etc.) a modifié la valeur nominale de l'un ou l'autre des titres de l'échantillon, entraînant un retraitement. Ce dénominateur (appelé le Dow "divisor") était très précisément de 0,1517, en janvier 2023, selon Forbes.
Autrement dit la somme des 30 cours n'est plus divisée (le dénominateur étant devenu inférieur à 1 en 1986) mais multipliée par un facteur d'environ 6,59. L'indice ne donne plus une moyenne, mais un produit, ce qui explique que sa valeur soit désormais supérieure au total des cours des trente actions référencées. À noter que jusqu'en 1963 le calcul était réalisé à la main et affiché une fois par heure seulement, avant d'être informatisé.
Avec le Nikkei 225 japonais, relativement ancien lui aussi (1949), c'est donc l'un des rares indices boursiers à conserver cette méthodologie. Mais ce mode de calcul donne lieu à quelques situations un peu ubuesques...
Par exemple Microsoft, Apple et Amazon sont moins bien représentés dans l'indice, alors que Goldman Sachs bénéficie dans le Dow Jones d'un poids disproportionné simplement parce que son cours nominal est particulièrement élevé (un peu comme si ID Logistics, avec son cours de plus de 400 euros, était la troisième pondération du SBF 120 français).
Il faut bien comprendre que le DJIA n'est pas représentatif de la capitalisation boursière des entreprises qui le composent et qu'il ne constitue donc qu'un échantillon très aléatoire de l'ensemble du marché américain.
"Le Dow Jones est sans aucun doute un indice anachronique", a déclaré à CNN Daniel Alpert, associé gérant de Westwood Capital
Le S&P 500, indice phare des professionnels de la finance
Pour les gérants, c'est donc le S&P 500, créé en 1957, qui est le meilleur baromètre de la santé du marché boursier américain. Cet indice s'appuie sur un échantillon beaucoup plus large (503 titres actuellement, représentant près de 80% de la capitalisation totale de Wall Street) dont les composantes sont pondérées en fonction de leur capitalisation réelle.
Pour intégrer cet indice, l'entreprise doit revendiquer une capitalisation boursière supérieure à 18 milliards de dollars et un bénéfice net positif sur le dernier trimestre ainsi que sur le cumul des quatre derniers trimestres, en données comptables américaines (US GAAP). Les règles posées par S&P Global impliquent aussi qu'une société doit être "domiciliée aux Etats-Unis" pour intégrer ses indices références.
Mais les investisseurs sont parfois étonnamment sentimentaux et le Dow reste populaire dans les médias et auprès des épargnants : plus de 32 milliards de dollars sont à ce jour investis sur le principal tracker destiné à répliquer sa performance, le SPDR Dow Jones Industrial Average ETF.
(*) Les cours ont été arrêtés à la clôture de Wall Street de jeudi