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Marché : Le dollar est-il menacé par une crise de confiance sur le marché?

mercredi 9 avril 2025 à 11h21
Ca va mal pour le dollar

(BFM Bourse) - Le billet vert chute nettement face aux autres devises depuis le début de l'année, et la baisse s'est accentuée dans la foulée de l'annonce par Donald Trump des surtaxes douanières. Deutsche Bank invite à faire attention à une potentielle "crise de confiance" sur le billet vert, dont le statut de valeur refuge vacille.

Le "roi dollar" perd de sa grandeur. Longtemps souverain face aux autres devises sur le marché, le billet vert souffre, désormais. Ce mercredi, la devise américaine plonge encore de 0,6% face à l'euro vers 11h30, heure française, une chute importante sur le marché des changes.

Sur l'ensemble de l'année, le dollar abandonne désormais 6% face à l'euro, et l'indice dollar DXY, qui mesure la performance de la monnaie américaine face à un panier de grandes devises, perd 5,6%. Comme nous l'avons écrit dans un précédent article, plusieurs facteurs expliquent ce repli de la devise américaine. Le billet vert a notamment été pénalisé par des indicateurs économiques américains décevants et par la fuite des investisseurs vers les actifs non américains (comme des actions européennes) au détriment des titres états-uniens.

En mars, Barclays notait également que la "politique erratique" de Donald Trump sur les droits de douane avait malmené le dollar.

Sur ce dernier point, les droits de douane américains appliqués à l'ensemble des importations (20% pour l'Union européenne, 104% pour la Chine) ont fait monter la pression d'un cran sur le billet vert.

Dans la foulée de l'annonce de cette mesure, le dollar a plongé de 1,8% face à l'euro, une baisse impressionnante sur le marché des changes, tandis que l'indice DXY a perdu 1,7%.

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Un dollar très décevant

L'offensive américaine a provoqué soit une riposte (de la part de la Chine) soit des projets de représailles, notamment du côté de l'Union européenne. Les investisseurs ont paniqué devant le risque d'escalade qui pourrait mener à une véritable guerre commerciale, et affaiblir la croissance mondiale. La semaine dernière, la banque JPMorgan a relevé à 60% la probabilité d'une récession de l'ensemble des économies, cette année.

"Le drame de la guerre commerciale continue d’agiter les marchés, et ce n’est probablement pas fini", résume Xavier Chapard, stratégiste de LBPAM. "Si les droits de douane restent globalement proches des niveaux d’aujourd’hui, nous estimons que cela poussera l’économie américaine vers la récession dès le milieu d’année, et pèsera significativement sur le reste du monde", ajoute-t-il.

Cet important climat d'incertitudes et de tensions commerciales est censé être propice aux valeurs refuge, comme, justement, le dollar. Lors des précédentes périodes de turbulences boursières (pandémie, éclatement de la guerre en Ukraine), la devise américaine avait été recherchée par les investisseurs.

Or, un peu comme l'or, le dollar a déçu. Une partie de cette déception peut s'expliquer par des raisons assez simples. Avec ces surtaxes douanières, les consommateurs américains risquent de moins consommer et les entreprises de moins investir.

Ce qui se traduit, donc, par un risque de récession des États-Unis, avec en filigrane, la possibilité que la Réserve fédérale (Fed) américaine, baisse ses taux directeurs. Or plus des taux d'intérêts dans un pays sont bas, plus la demande pour la monnaie de ce pays s'affaiblit toute chose égale par ailleurs.

Les droits de douane réciproques affaibliront "l'économie américaine" et "en conséquence, il est plus probable que la Réserve fédérale doive assouplir sa politique monétaire de manière plus énergique, ce qui fragilisera un soutien essentiel à la monnaie", explique ainsi UBS.

La crédibilité des États-Unis au tapis

George Saravelos, stratégiste devises réputé chez Deutsche Bank, évoque d'autres facteurs. L'expert de marché cite notamment le fait que le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, a évoqué une réduction du déficit américain peu après les annonces sur les surtaxes douanières, quand les autres pays devraient au contraire dépenser davantage pour soutenir leur économie. Ce qui réduit les prévisions de croissance des États-Unis par rapport au reste du monde, et pèse ainsi sur le dollar.

Surtout, George Saravelos estime que la façon dont les États-Unis ont calculé les droits de douane réciproques appliqués aux autres pays - grosso modo une formule niveau collège - "soulève des inquiétudes sérieuses sur la crédibilité de la politique économique (américaine)" malmenant par la même le dollar.

Le stratégiste de Deutsche Bank redoute même "un risque de crise de confiance" sur le dollar, alors que le statut de valeur refuge de la devise "s'érode".

La banque allemande craint que les investisseurs n'aient plus foi dans les perspectives de l'économie américaine. Ce qui pourrait créer un bouleversement majeur: les flux de capitaux qui se sont constamment déportés, lors de la dernière décennie, du reste de monde vers les États-Unis (ou plus exactement sur les actifs américains) pourraient repartir vers leurs pays d'origine. Un tel scénario affaiblirait considérablement le dollar.

"À la fin des fins, les États-Unis ont un important déficit courtant (le déficit commercial auquel on ajoute les flux nets de services et les flux nets de revenus financiers, NDLR) et la stabilité de leur monnaie dépend des entrées de capitaux", explique-t-il.

Pas plus tard que ce mercredi martin, le stratégiste en a remis une couche. George Saravelos estime que sa thèse d'une crise de confiance a été validée ces derniers jours, et va jusqu'à écrire que le marché "se 'dé-dollarise' rapidement".

Le dollar "la chemise la plus sale du panier à linge"

Stephen Innes, de Spi AM, est également inquiet. Cet expert de marché remarque qu'une adjudication – pour simplifier une vente "aux enchères" sur le marché – de dette souveraine américaine à trois ans ne s'est pas bien passée, mardi. Le ratio de couverture, un indicateur de l'appétit des investisseurs, est tombé à un plus bas de six mois.

Cet évènement, couplé notamment à des craintes de "désinvestissement" des pays étrangers aux États-Unis, fait que "le dollar commence à ressembler à la chemise plus sale de la corbeille à linge", souligne Stephen Innes.

Dans une longue analyse publiée lundi, l'agence de presse Reuters évoque également "une crise de confiance" pour le dollar, ajoutant que le statut du billet vert s'érode.

"Nous voyons aujourd'hui que la structure et la nature du dollar vis-à-vis du marché mondial change", déclare à l'agence Thierry Wizman de la banque Macquarie.

À voir si cette "crise de confiance" représente un épisode durable pour une monnaie qui reste - en dehors des vacillations de marché - difficilement contournable.

Selon des données du FMI citées par John Plassard de Mirabaud, le dollar représentait encore 57,8% des réserves de change mondiales fin 2024. "S’il est vrai que la domination du dollar dans les réserves mondiales a baissé depuis l’arrivée de l’euro et qu’un groupe de plusieurs petites devises prennent de plus en plus d’importance, la domination du billet vert va se poursuivre pendant encore de nombreuses années", prédit l'expert de marché.

Julien Marion - ©2025 BFM Bourse
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