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Marché : Entre la guerre et l'inflation, comment les banques centrales peuvent-elles s'en sortir?

dimanche 13 mars 2022 à 07h00
La guerre en Ukraine, nouveau casse-tête des banques centrales

(BFM Bourse) - Après une réunion de politique monétaire de la BCE et quelques jours avant celle de la Fed, deux experts du gérant d'actifs allemand DWS décryptent les possibles stratégies auxquelles les banques centrales pourraient avoir recours, dans un environnement économique rendu bien plus délicat par la guerre en Ukraine.

La guerre en Ukraine, nouveau casse-tête des banquiers centraux en vue d'une normalisation monétaire? Alors que Christine Lagarde a surpris le marché ce jeudi en adoptant un biais moins accommodant que celui auquel s'attendaient les observateurs, l'économiste Europe de DWS Ulrike Kastens estime qu'il 'agit d'une "bonne nouvelle". "Malgré les incertitudes économiques causées par la guerre en Ukraine, la BCE est prête à mettre fin à son programme d'achat d'actifs [l'APP, NDLR] au 3e trimestre 2022. Ce faisant, elle fait clairement un pas vers la normalisation de la politique monétaire, tout en se gardant une porte de sortie ouverte" estime-t-il.

La Banque centrale européenne a de fait précisé que si les conditions de financement se détériorent et que les perspectives d'inflation évoluent de telle sorte que l'objectif d'inflation ne sera pas atteint, elle reconsidérerait le volume des achats d'actifs en termes de taille et/ou de durée. "De cette façon, elle garde toutes les options ouvertes" commente Ulrike Kastens.

"Contrairement à ce que la Fed a prévu, des hausses rapides et brutales des taux d'intérêt ne sont toutefois pas prévues. La présidente de la BCE a expressément souligné que les hausses de taux d'intérêt ne devraient également être que progressives" ajoute-t-il.

Une inflation qui s'emballe

Selon les dernières projections, la BCE prévoit un taux d'inflation de 5,1 % pour 2022 - un chiffre sensiblement rehaussé ce jeudi par rapport à l'estimation précédente (+3,2%) même si l'on peut selon l'expert "encore se demander si toutes les hausses de prix de l'énergie et des autres matières premières ont déjà été prises en compte". Il y aura en outre "des accords salariaux plus élevés à moyen terme et des dépenses publiques plus importantes, également au niveau de l'UE avec un éventuel nouveau fonds pour le financement commun des dépenses de défense et d'énergie" prédit-il. "Dans ce contexte, il semble douteux que la BCE puisse maintenir la perspective d'une augmentation seulement progressive des taux d'intérêt", scénario privilégié à ce stade par l'autorité monétaire européenne.

Dans le même temps, outre-Atlantique, la prochaine réunion de la Fed (mardi et mercredi prochains) "marquera très probablement un tournant historique pour la politique monétaire américaine" avance Christian Scherrmann, économiste US chez DWS. La Fed devrait en effet relever de 25 points de base (soit 0,25 point de pourcentage) sa fourchette de fonds fédéraux, la première hausse depuis qu'elle a abaissé les taux à zéro de manière agressive en réponse à la pandémie de Covid-19 qui se profilait. "Ce ne sera très probablement que le début d'un cycle de hausse des taux, car il semble que la lutte contre l'inflation soit devenue l'objectif principal de la Fed" souligne l'expert.

Une guerre qui change la donne

L'environnement dans lequel la Fed va s'attaquer à l'inflation est toutefois "soudainement devenu beaucoup plus difficile pour les banquiers centraux" note-t-il. "Les risques géopolitiques découlant du conflit entre l'Ukraine et la Russie ont rendu les perspectives économiques beaucoup plus incertaines, ont détérioré les conditions financières et pourraient prolonger certaines pressions sur les prix qui, sans cela, auraient pu s'atténuer" énumère Christian Scherrmann.

Autre difficulté identifiée par l'économiste: tous les éléments de l'inflation actuellement élevée ne peuvent être contrôlés par la politique monétaire. "Les pressions sur les prix provoquées par les perturbations de la chaîne d'approvisionnement mondiale, par exemple, ne disparaîtront pas parce que les taux directeurs sont relevés" explique-t-il. Pour l'instant, l'objectif premier des banques centrales doit donc selon lui être de "contrôler les anticipations d'inflation, ce qui suppose que les banquiers centraux maintiennent la confiance de la population dans leur capacité à mettre en œuvre les politiques nécessaires pour stabiliser les prix". "Compte tenu de la grande incertitude, du niveau très élevé de l'inflation et des fortes attentes d'inflation future, la réunion de mars de la Fed sera donc un test important de crédibilité" juge-t-il.

Jouer sur la taille du bilan

En avance par rapport à la BCE, la Fed veut également commencer à réduire son bilan et "commencera très probablement à le faire en juillet de cette année" anticipe Christian Scherrmann, qui rappelle que l'achat actif de bons du Trésor et de titres adossés à des créances hypothécaires est considéré comme un moyen d'apporter des liquidités au système financier en période de tensions, ce qui assouplit les conditions financières. "La réduction du bilan est donc un signe de confiance de la part des banques centrales, qui pensent que le pire est passé" indique-t-il. Mais étant donné que l'incertitude géopolitique actuelle pèse lourdement sur les conditions financières, "toute réduction par la Fed pourrait être plus modérée que prévu initialement".

Dans l'ensemble, donc, "il semble qu'il ne sera pas facile pour la Fed d'organiser un "atterrissage en douceur" - dans lequel la hausse des taux directeurs permet de modérer la demande pour réduire l'inflation sans nuire à la dynamique économique globale". "Mais à l'heure actuelle, nous ne pensons pas que l'économie soit engagée sur la voie de la récession avec la hausse des taux" rassure-t-il. Avant d'expliquer: "Le marché du travail se remet de la pandémie, la demande de travailleurs reste à des niveaux records et la dynamique économique semble être robuste. La réalité à laquelle nous sommes très probablement confrontés, cependant, est qu'une inflation et des taux plus élevés impliquent une croissance moindre. Nous nous attendons à ce que ce scénario soit reflété dans la mise à jour du résumé des projections économiques de la Fed".

Et en termes de crédibilité, "les projections à long terme sur la trajectoire appropriée de la politique seront cruciales lors de la réunion de mars" conclut-il. Des taux d'intérêt trop bas pourraient en effet suggérer aux marchés que la Fed ne prend pas suffisamment au sérieux son rôle de lutte contre l'inflation, tandis que des taux élevés pourraient peser lourdement sur les conditions financières.

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