(BFM Bourse) - Derrière l’engouement croissant pour la culture populaire coréenne, les labels musicaux enregistrent des performances boursières contrastées cette année. Un ETF dédié à la K-pop et lancé en septembre signe de son côté des performances sans grand relief.
Ce n’est un secret pour personne, la K-pop, c’est-à-dire la culture populaire coréenne, est en plein boom. Les boys band et girls band BTS et Blackpink sont placés en tête de gondole des grands disquaires. En parallèle, la série sud-coréenne à succès Squid Game a dopé l’an passé les abonnements de Netflix, avec des revenus estimés autour de 900 millions de dollars pour un coût de production de seulement 21 millions de dollars.
Selon des chiffres du ministère du commerce coréen cités par deux universitaires de l’Université de Melbourne dans une étude publiée en août 2022, les revenus générés à l’export par la K-pop ont été multipliés par six entre 2017 et 2021 pour atteindre 230 milliards de wons, soit 170 millions d’euros. BTS aurait contribué au produit intérieur brut de la Corée du Sud à hauteur de 4,6 milliards de dollars en 2019, soit 0,3% du total, toujours selon cette étude. Au point que, comme le soulignent ces chercheurs, la K-pop est parfois décrite comme le nouveau "Samsung" de la Corée.
Les grands labels sont cotés
Les marchés financiers ne sont pas tenus à l’écart du phénomène, loin de là. Le label Hybe, qui produit BTS, s’était ainsi introduit il y a deux ans en grande pompe à la Bourse de Séoul. YG Entertainment, à l’origine de Blackpink, dont les quatre chanteuses sont les égéries de grands noms de la haute couture et du luxe, est lui coté depuis 2011. JYP Entertainment, qui produit le célèbre girls band Twice, s’était lui introduit en Bourse en 2001, un an après SM Entertainment (qui compte dans son écurie le boys band Exo), pionnière de ces sociétés sur le marché.
Pour les investisseurs occidentaux souhaitant convertir cette popularité croissante en opportunités d’investissements, un fonds indiciel (ETF, Exchange Traded Funds) a même été lancé en septembre dernier, conçu par CT Investments, un gestionnaire d’actif sud-coréen. Cet ETF dénommé tout simplement "KPOP ETF" est coté à New York et rassemble une trentaine de valeurs en lien avec la culture populaire sud-coréenne.
Les trois plus importantes pondérations sont SME, Hybe et JYP. En comptant également YG Entertainement, les quatre grands labels de la K-pop représentent environ 35% du portefeuille. On trouve également Kakao, une plate-forme web qui propose des services comme Kakaotalk, sorte de WhatsApp coréen, AfreecaTv, une plateforme TV avec une appétence prononcée pour l’e-sport, ou encore Studio Dragon, producteur de séries télévisées coréennes et du film oscarisée Parasite. Cet ETF compte actuellement 2,7 millions de dollars d’actifs sous gestion .
Des fortunes diverses
Reste que la performance de cet ETF s’avère terne. Depuis son lancement en septembre, son cours a reculé de 5%. Sur la même période le Kospi Composite, plus important indice de la Bourse de Séoul, a été perdu 2,4%. Si Morningstar, connue pour ses notations de fonds, a créé une page dédiée à cet ETF sur son site, il n’est pas (encore) couvert par ses analystes, ce qui peut peser sur son attrait
Il faut aussi dire que les sociétés dans le portefeuille connaissent des fortunes diverses en Bourse. Hybe plonge ainsi de plus de 50% depuis le début de l’année, pénalisé au printemps par la décision des chanteurs de BTS de mettre le groupe entre parenthèse. Quelques mois plus tard, en octobre, la maison de disques a confirmé que tous les membres du groupe effectueraient leur service militaire, toujours obligatoire en Corée, ce qui repousse tout espoir de réunion du groupe à 2025. Et continue de peser sur l’action.
YG perd pour sa part 18,7% depuis janvier, une baisse en ligne avec le Kospi de Séoul (-20,7%), qui pâtit notamment des difficultés économiques de la Chine, dont le commerce extérieur coréen est très dépendant. A contrario, SM Entertainement s’adjuge 5,1% et JYP Entertainment 28,6%. Comme le souligne KoreaJoongAng Daily, ces entreprises ont publiés des résultats solides au troisième trimestre 2022.
"Point d'inflexion"
Pour revenir à KPOP ETF, le directeur de CT Investments, Jangwon Lee, avait assuré à CNBC en novembre que malgré un départ difficile pour le fonds indiciel, des jours meilleurs s’annonçaient. Le dirigeant estimait que l’engouement pour la culture populaire coréenne n’en était "qu’à ses débuts". Ce car "nous assistons à un point d'inflexion dans le domaine de la K-pop et des ‘contenu K’, qui deviennent progressivement un courant dominant dans le monde, alors qu'il s'agissait plutôt d'une sous-culture dans le passé", faisait-il valoir.
Selon Jangwon Lee, les sociétés comprises dans le portefeuille de l’ETF prospéreront à long terme avec la réouverture des frontières et la levée de restrictions sanitaires en Corée ou au Japon. En raison du haut degré d’engagements des amoureux de la K-pop sur les réseaux sociaux, le dirigeant juge qu’il pourrait y avoir un important taux de conversion de ces fans en actionnaires des sociétés du secteur. Et donc un important réservoir d’investisseurs dans KPOP ETF.
Todd Rosenbluth, directeur de recherche de la société d’analyse financière VettaFi, se montre sceptique sur le potentiel intérêt des occidentaux pour un tel fonds. "Alors que nous disposons d'ETF cotés aux États-Unis étroitement ciblés et liés au cannabis, à la cybersécurité, au changement climatique, aux jeux vidéo et même à l'exploration spatiale, il n'y a rien de similaire" à KPOP ETF, expliquait-il au Financial Times en octobre. Cet intermédiaire financier doute également de l’attrait de l’ETF par rapport aux habitudes des investisseurs étrangers. "Lorsque les investisseurs pensent à l'exposition aux actions sud-coréennes, ils veulent [généralement] bénéficier des avantages des multinationales basées là-bas, comme Samsung Electronics ou Hyundai Motor", explique-t-il.
A voir donc si la K-pop saura jouer la bonne partition auprès de la communauté financière occidentale pour que sa notoriété boursière, elle aussi, se mondialise davantage .