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Electronic Arts, Hilton, Vilmorin... Pourquoi des groupes cotés claquent la porte de la Bourse

Aujourd'hui à 07:00
Pourquoi les entreprises quittent la bourse

(BFM Bourse) - Le géant des jeux vidéo Electronics Arts a récemment annoncé son rachat par un groupe d'investisseurs pour un montant de 55 milliards de dollars. Il s'agit d'un retrait de la cote record. Pourquoi des groupes décident-ils de dire "au revoir" à la Bourse?

Lundi 29 septembre, Electronics Arts connu pour ses franchises sportives, notamment la série "Fifa" (renommée "EA Sports FC" ces dernières années) et coté à Wall Street, a annoncé son rachat par un consortium d'investisseurs pour 55 milliards de dollars.

Selon Electronic Arts, son rachat représente la plus importante sortie de Bourse d'un groupe avec une transaction financée entièrement en numéraire. D'après le New York Times, le précédent record datait de 2007 avec le retrait de la cote de Texas Utility pour 32 milliards de dollars.

Pour vivre heureux, vivons cachés?

Quitter la Bourse ne doit pas être perçu comme une sanction par les observateurs. Après un certain temps passé sur le marché, les fonds d’investissement ou les actionnaires historiques d'une entreprise peuvent prendre conscience de la perte d’intérêt de la cotation, sans pour autant que la viabilité et la solidité de la société soient remises en cause.

Les raisons d'un retrait de cote sont multiples: baisse du cours de l’action avec ou sans lien avec les fondamentaux de la société, réglementation lourde ou inadaptée ou encore les coûts d'une présence en Bourse trop lourd à supporter.

Ces arguments avaient été formulés par l'entreprise de services numériques SII, pour justifier son départ de la Bourse. La société familiale avait, avec l'appui de fonds gérés par Blackstone, lancé une offre publique en février 2024.

"Le groupe Familial Huvé, le dirigeant (Eric Matteucci, NDLR) et les managers souhaitent désormais être accompagnés d’un partenaire financier professionnel pour délivrer le plan d’affaires au cours des prochaines années et être en mesure de saisir des opportunités de développement tout en allégeant les contraintes réglementaires et administratives et les coûts liés à la cotation", avait expliqué SII pour justifier cette opération.

"Les causes sont multiples: déconnexion croissante entre création de valeur et valorisation boursière, une insuffisance de liquidité pénalisante entraînant un manque de suivi de la part des analystes, la volonté des investisseurs de bénéficier de la prime de retrait et enfin les sociétés qui trouvent facilement des fonds de dette ou de private equity pour financer l’opération", avait détaillé Degroof Petercam pour expliquer ce désamour des entreprises à taille intermédiaire familiales pour la Bourse.

La méconnaissance ou l'incompréhension des métiers de la société par les investisseurs ou l'impossibilité pour l'entité de se financer correctement sur le marché sont aussi les raisons évoquées pour un retrait de la cote.

Une fois l'entreprise revenue dans "l'anonymat", l'actionnariat et/ou la direction de l'entreprise peuvent avoir les coudées franches pour piloter une restructuration, ou un changement stratégique. En échappant aux fourches caudines d'un marché parfois court-termiste.

La phase de mue peut durer plusieurs années. Elle est susceptible d'entraîner une augmentation de l’endettement de la société, notamment pour financer la croissance externe ou interne, les recrutements de talents et investissements indispensables au repositionnement de l’entreprise, etc...

"Les émetteurs optent de plus en plus pour le retrait de la Bourse afin de se concentrer sur des stratégies à long terme loin des pressions des marchés", avait signalé Herbert Smith Freehills Paris dans son premier bulletin semestriel dédié aux fusions-acquisitions ciblant des sociétés cotées françaises publié en octobre 2024.

Cet argument a été évoqué à de multiples reprises par les sociétés visées par une offre publique, en France. Le groupe Somfy a quitté la cote parisienne début 2023, après une offre de rachat de son actionnaire majoritaire. Cette opération s'inscrivait dans "la volonté de l’actionnaire de référence d’accompagner la croissance des activités sur le long terme", avançait la société.

En 2023, le spécialiste français de la vente à distance d’équipements de bureau et d’équipements industriels Manutan a décidé de tirer un trait sur son passé boursier. Le groupe ne ressentait plus le besoin de rester coté en Bourse alors qu'il n'a jamais sollicité les investisseurs pour se financer. La même année, c'était Limagrain, l'actionnaire majoritaire du semencier Vilmorin, qui avait justifié le lancement d'une offre publique d'achat simplifiée par le manque d’intérêt que présentait une cotation de sa filiale en Bourse, qui n'avait pas fait appel au marché depuis 2010.

Le capital-investissement à la manœuvre

Depuis ces dernières années, les retraits de cote sont supérieurs aux entrées en Bourse. Ces opérations se sont grandement multipliées à la faveur d'une évolution réglementaire ayant permis de fluidifier ce marché. La loi Pacte a abaissé à 90% contre 95% auparavant le seuil de détention clé de succès pour opérer un retrait obligatoire de la cote. Et donc forcer les minoritaires à apporter leurs titres à une offre.

"Dans les années 2000/2010, de nombreuses sorties de cotes avaient été freinées par des investisseurs qui tiraient parti du seuil de 95% pour tenter de monnayer leur participation à un prix plus élevé, comme ce fut le cas pour Afflelou et APRR en 2006 ou Cegid en 2016", explique Henri-Louis Delsol à Dafmag.fr, avocat spécialisé en fusions/acquisitions et droit des sociétés.

En 2024, ce sont 36 entreprises qui ont tourné le dos à la Bourse de Paris, soit cinq de plus qu'en 2023, selon le 16e baromètre des offres publiques d'EY.Et l'année 2025 ne fera pas exception, avec plus d'entreprises qui ont été retirées de la cote que de sociétés qui ont osé entrer en Bourse. À titre d'exemple: le producteur d'énergies renouvelables Neoen a quitté la cote au printemps dernier après une offre de rachat de la société de capital-investissement canadienne Brookfield pour pour 6,1 milliards d'euros.

"Dans un contexte où la bourse a du mal à apprécier la valorisation des producteurs d’énergies renouvelables depuis la hausse des taux, cette annonce (du rachat de Neoen, NDLR) devrait aussi porter les autres acteurs du secteur, en particulier son concurrent français Voltalia", avait signalé Invest Securities, lors de l'annonce de cette opération en mai 2024.

En début d'année 2025, le fondateur de Believe a fait appel à plusieurs fonds de capital-investissement pour l'aider à sortir sa société de la cote parisienne, jugeant que le parcours de sa société en Bourse ne reflétait pas la dynamique opérationnelle de son groupe.

Les fonds de private equity (capital-investissement) sont en effet de plus en plus à la manœuvre, et deviennent des acteurs incontournables de ces opérations. Ces acteurs sont mieux à même de valoriser une société cotée, ou de l'aider à opérer une transformation dans un temps long, sans la pression de la Bourse. Le but étant de déverrouiller cette valeur cachée.

Le private equity peut ainsi représenter une alternative à la Bourse, d'autant plus que les multiples de valorisation accordés sont parfois plus généreux.

"Le monde du 'private equity' est suffisamment puissant, large, diversifié et peut fournir beaucoup de capacité d'investissement, de la liquidité (...)", avait expliqué fin 2024 Stéphane Boujnah, directeur général et président du directoire d'Euronext à l'antenne de BFM Business.

"P2P2P"

Ces opérations de retrait de cote ne sont pas irréversibles pour autant. Comme les chats, les entreprises peuvent avoir plusieurs vies… sur les marchés financiers. Les retours de sociétés sur le marché après en être sorties une première fois existent, même si les cas sont rares. Ces opérations plutôt méconnues du grand public s'appellent "Public to Private to Public Again" ou "P2P2P" dans la langue de Shakespeare.

Parmi ces retours en Bourse emblématiques, difficile de faire l'impasse sur celui de General Motors. L'ex-fleuron industriel a retrouvé le chemin de la Bourse en 2010, et signait à l'époque la plus grosse introduction en Bourse de l’histoire des États-Unis. Ce retour sur les parquets de Wall Street était intervenu un peu plus d'un an après son sauvetage par le gouvernement américain.

De son côté, l'empire hôtelier Hilton a fait un retour triomphal à Wall Street en décembre 2013, six ans après avoir été racheté par le fonds d'investissement Blackstone dans le cadre d'un LBO de près de 27 milliards de dollars.

En France, quelques (rares) entreprises ont fait des allers-retours à l'image des groupes américains Dell, General Motors ou Hilton. On peut citer Elior qui a fait son retour en Bourse en 2015, après avoir été sorti de la cote par les fonds Charterhouse et Chequers Capital en 2006.

Un P2P2P offre ainsi aux actionnaires une liquidité nouvelle et une solution de sortie partielle ou totale de l’investissement. Particulièrement si les efforts mis en œuvre tout au long de la vie non cotée de l’entreprise ont permis une réintroduction sur une valorisation plus élevée que celle à laquelle la société a été sortie de la cote.

Sabrina Sadgui - ©2025 BFM Bourse
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