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La cotation à part de Porsche en Bourse a-t-elle vraiment un intérêt?

samedi 19 mars 2022 à 12h00
Volkswagen a lancé en février l'étude d'une IPO de Porsche

(BFM Bourse) - Une introduction en Bourse de Porsche permettrait de débloquer un potentiel de revalorisation pour des actifs jusqu'ici mal perçus car noyés dans l'ensemble du groupe Volkswagen. C'est la thèse communément admise. Mais l'intérêt du projet (dans l'air du temps depuis des années et désormais officiellement sur la table) mérite d'être questionné, selon La lettre Vernimmen.

"C'est un grand classique quand un groupe se sent durablement sous-évalué de réfléchir à l'introduction en Bourse de sa filiale la plus brillante", sans être nécessairement la plus importante en volume d'activités. Comme l'ont fait Vivendi avec UMG ou Fiat Chrysler Automobiles avec Ferrari. Chez Volkswagen, l'idée d'une mise en Bourse de Porsche est depuis longtemps dans l'air du temps. Mais depuis le mois dernier, le projet est officiellement envisagé par le géant automobile allemand.

Ce type d'opération a pour objet de permettre aux investisseurs de mieux valoriser séparément des actifs dissemblables, en termes de rentabilité par exemple. Mais à bien y réfléchir, on peut s'étonner de ce raisonnement. "Que les investisseurs, tels de modernes saint Thomas, aient besoin de voir la cotation en Bourse de Porsche AG pour confirmer sa valeur, est déjà un premier objet de surprise", pointent les auteurs de La lettre Vernimmen, dans le numéro de février 2022. C'est a priori le b.a.-ba du travail des analystes que de calculer la valeur intrinsèque d'une société en tenant compte de ses filiales et, en l'espèce, il difficile de croire que le marché néglige dans la valorisation de Volkswagen un pan aussi important que sa filiale iconique Porsche. Deuxième société d'Allemagne par sa capitalisation, Volkswagen est a priori scruté sous tous les angles par les analystes et les investisseurs professionnels.

Par ailleurs, s'interrogent Pascal Quiry et Yann Le Fur; les auteurs de La lettre Vernimmen, "en quoi créera-t-on de la valeur pour les actionnaires de Volkswagen, quand on vendra à des tiers des actions de la pépite du groupe"? Sauf à parvenir à les vendre à un prix significativement surévaluée, ce qui est peu probable pour une opération d'un aussi grand montant absolu (l'une des plus grandes IPO européennes a priori). Ou pour raisonner par analogie: "imagine-t-on LVMH introduire en Bourse Louis Vuitton", et voir le cours de la maison mère progresser dans la foulée?

La retombée la plus probable de l'opération est qu'une fois Porsche AG coté, la décote du cours de Volkswagen par rapport à la somme de ses actifs déduite de ses dettes "n’en sera que plus flagrante". Ce qui finira par pousser soit à une scission complète (à l’instar d'AXA et Equitable ou d'Atos et Worldline) soit à ... racheter les parts précédemment vendues aux minoritaires ! Ce fut à une époque le cas d'Orange rachetant les différentes filiales que l'opérateur avait introduites en Bourse préalablement.

Les raisons du succès de Ferrari

La pression n'en sera que plus forte dans le cas du groupe Volkswagen qui se trouverait, une fois Porsche AG introduite, avec trois niveaux de cotation pour in fine de mêmes actifs: la holding familiale Porsche SE, actionnaire de Volkswagen, actionnaire de Porsche AG. Sans parler de la loufoque cotation Audi Group: cette entité qui regroupe le pôle de marques "premium" hors Porsche, soit Audi, Lamborghini, Bentley et Ducati, est formellement cotée, mais la part du flottant n'atteint même pas 1% du capital.

Selon les auteurs du Vernimmen, la recherche académique démontre bien qu'une introduction en Bourse ne crée réellement de la valeur que lorsque le processus va jusqu'à la scission complète de la filiale, a contrario de la mise en Bourse d'une partie (généralement minoritaire) du capital de celle-ci. "Si la scission de Ferrari a été un tel succès, c’est que justement la scission [d'avec FCA] a été totale et que Ferrari a réussi à se positionner comme une valeur de l'ultra-luxe", avec un prix de vente moyen de 0,4 million d'euros, contre 0,1 million chez Porsche, avec un volume de production 30 fois inférieur. C'est seulement dans ses conditions que Ferrari a pu obtenir un PER de valeur du luxe (40 fois les profits actuellement).

La gouvernance "peu satisfaisante" du groupe Volkswagen (la famille fondatrice détient 15% des actions, mais 53% des droits de vote et le conseil de surveillance est contrôlé de facto par une alliance entre la famille, les salariés et l’État de Basse-Saxe) rend cette évolution peu probable, avancent les plumes du Vernimmen.

Références des articles universitaires :

Anslinger P., Klepper S., Subramaniam S., "Breaking up is good to do", The McKinsey Quarterly 1999, no 1

Cusatis P., Miles J., Woolridge J., "Restructuring through spin-offs", Journal of Financial Economics juin 1993, vol. 33, no 3

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