(BFM Bourse) - L'éditeur de jeux vidéo a publié ses résultats annuels, tirant un trait sur un millésime à oublier. Mais le nouvel exercice, avec beaucoup de grandes sorties prévues face à une concurrence intense, comporte encore des risques.
Il n'y avait pas grand-chose à espérer des résultats de l'exercice 2022-2023 d'Ubisoft, clos en mars dernier. L'éditeur de jeux vidéo avait clairement annoncé la couleur en janvier en émettant un lourd avertissement sur résultats.
La perte opérationnelle en données non-IFRS, de 500 millions d'euros, s'avère d'ailleurs pile en ligne avec les indications qu'avait alors fourni le groupe contrôlé par la famille Guillemot. A noter toutefois que les "nets bookings" – indicateur privilégié de la société en termes de revenus et qui exclut certains revenus différés – ont finalement chuté de 18% sur l'ensemble de l'exercice à 1,74 milliard d'euros, alors que les analystes tablaient sur un chiffre bien plus élevé, de 1,89 milliard d'euros, selon UBS.
Par ailleurs, Ubisoft a brûlé de la trésorerie: le free-cash flow a été négatif à hauteur de 425,8 millions d'euros après 282 millions d'euros sur le précédent exercice. "C'est un gros 'cash burn'", note un analyste.
Pas de triple A au premier trimestre?
Autre point négatif: l'indication d'activité donnée pour le premier trimestre de l'exercice en cours. Pour cette période allant d'avril à juin, Ubisoft a annoncé anticiper des "nets bookings" de 240 millions d'euros (contre 293 millions d'euros un an plus tôt). La banque UBS souligne qu'il s'agit du plus faible niveau depuis le premier trimestre 2018.
"L'objectif de net booking de 240 millions d'euros pour le premier trimestre de l'exercice en cours est plus faible que ne l'anticipait le consensus. Surtout cette indication suggère qu'une sortie de jeu AAA est peu probable au premier trimestre. A cela s'ajoute l'incertitude sur la date de sortie du jeu phare Skull and Bones, maintes fois repoussée et attendue pour la première partie de l'exercice 2023-2024", souligne Valentin Mory, analyste chez le bureau d'études indépendant AlphaValue.
En réaction à ces annonces, l'action Ubisoft se replie de 4% vers 10h40 à la Bourse de Paris, accusant l'une des plus fortes baisses du SBF 120, après avoir ouvert sur une chute de plus de 8%.
Beaucoup de sorties face à une compétition intense
Certes, Ubisoft compte redresser la barre et il faut bien reconnaître que la société française est déjà revenue du diable vauvert par le passé. L'éditeur de jeux vidéo avait par exemple réussi à repousser les assauts de Vivendi et Vincent Bolloré, ce qui n'est pas un mince fait d'armes.
Ainsi, Ubisoft a confirmé vouloir dégager un résultat opérationnel non-IFRS de nouveau dans le vert sur l'exercice 2023-2024, à hauteur d'environ 400 millions d'euros. Mais la tâche s'annonce difficile pour le groupe.
"Cela risque d'être ambitieux", pointe l'analyste anonyme précédemment cité. Selon UBS, les bureaux d'études s'avèrent prudents, puisque le consensus attend actuellement un résultat opérationnel de 363 millions d'euros pour 2023-2024, assez éloigné de l'objectif de la société.
"Les objectifs 2023-24 confirmés hier soir nécessiteront un deuxième trimestre et surtout un troisième trimestre très fort. Ils sont par conséquent soumis à l’aléa commercial sur les jeux amenés à être lancés cette année (et à l’absence de nouveaux décalages)", souligne de son côté Invest Securities.
Avec les décalages des jeux qui auraient dû arriver lors du précédent exercice, Ubisoft va proposer en 2023-2024 pas moins de sept jeux dont cinq gros blockbusters, avec notamment "Skull and Bones", le jeu "Avatar: Frontier of Pandora", tiré de la franchise cinématographique de James Cameron, ou encore le nouveau Assassin's Creed. Le groupe organisera un évènement "Ubisoft Forward" le 12 juin où il devrait donner davantage d'indications sur les dates de sortie.
Un sacré catalogue à venir alors que, comme le souligne UBS, les conditions macroéconomiques se détériorent.
"Ubisoft mise sur cinq sorties de gros jeux pour cet exercice. Déjà il y a toujours un risque de cannibalisation entre les jeux de l'éditeur. Ensuite, si Ubisoft a un catalogue de sorties très fourni c'est aussi le cas de ses concurrents, qui ont également repoussé des sorties", explique de son côté Valentin Mory. "La concurrence s'annonce intense surtout dans un contexte inflationniste où les joueurs se montrent bien plus sélectifs et exigeants dans leurs dépenses et leur choix de jeux", ajoute-t-il.
Un caractère spéculatif évanoui
Pour sa part, TP ICAP Midcap se veut optimiste et a confirmé son opinion à l'achat.
"Sur les niveaux de valorisation actuelle le risk reward [le couple risque-rendement, NDLR] nous semble toujours très positif. De très nombreux jeux vont arriver sur les deux prochains exercices et dans le même temps le groupe va accélérer son programme de réduction des coûts", fait valoir le bureau d'études. "L’IA pourrait être un accélérateur sur ce point, le groupe ayant historiquement toujours été présent lors des évolutions technologiques de son secteur", ajoute TP ICAP Midcap.
Credit Suisse a de son côté abaissé cible à 35 euros contre 40 euros mais a maintenu sa recommandation à "surperformance". La banque suisse voit des opportunités pour que la société se transforme en "une entreprise plus centrée, plus performante et plus rentable à long terme".
Il vaudra évidemment mieux pour Ubisoft que l'exécution de ses sorties soit menée sans accroc et que ses jeux bénéficient d'une bonne réception. Car au-delà de ses fondamentaux, l'action a perdu l'essentiel de son caractère spéculatif depuis septembre 2022 et l'entrée du groupe chinois Tencent dans le concert formé par la famille Guillemot.
Cette dernière s'est dotée d'un allié extrêmement puissant (Tencent pèse pour près de 390 milliards d'euros en Bourse, pas très loin de LVMH), ce qui devrait écarter les prédateurs. Et donc une potentielle offre publique d'achat.
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