(BFM Bourse) - Le groupe chinois a consenti une prime de près de 90% pour prendre 49,9% de la holding de la famille Guillemot et va pouvoir doubler sa participation directe. Mais dans l’immédiat, l’action Ubisoft perd une bonne partie de son attrait spéculatif. En conséquence l’action plonge à la Bourse de Paris.
"Game over" pour la spéculation sur Ubisoft. Ou presque. L’éditeur de jeux vidéo s’effondre de 14% à la Bourse de Paris mercredi à 37,510 euros vers 11h30, tombant à un plus bas depuis avril.
L’accord annoncé mardi soir entre la famille fondatrice Guillemot et le mastodonte chinois des jeux vidéo et du numérique Tencent fait grincer les dents les investisseurs.
Tencent va débourser 300 millions d’euros au total pour prendre une participation minoritaire de 49,9% du capital (et 5% des droits de vote) dans Guillemot Brothers Limited, la holding de la famille Guillemot. Cette opération s’est faite sur la base d’un prix par action Ubisoft de 80 euros, soit une prime très élevée de 86% par rapport au cours de clôture de mardi soir.
Surtout Tencent a aussi obtenu l’autorisation du conseil d’administration d’Ubisoft pour plus que doubler sa participation directe actuelle et la porter ainsi de 4,5% à 9,99%. La société chinoise ne pourra toutefois, selon l’accord noué mardi, dépasser ce dernier seuil avant huit années.
Une bonne opération pour les Guillemot
Tencent vient également s’ajouter au concert formé par la famille Guillemot. En comptant les titres de Guillemot Brothers Limited, ceux détenus à titre individuel par les Guillemot, et les actions de Tencent, le concert possède à l’heure actuelle 19,8% du capital et 24,9% des droits de vote.
Ubisoft a de plus prévenu que le concert pourrait encore se renforcer (ce qui serait logique dans le cas où Tencent augmenterait sa participation) pour monter jusqu’à 29,9% du capital ou des droits de vote, soit tout juste sous le seuil des 30% qui oblige à déclencher une offre publique d’achat (OPA) sur l’ensemble du capital.
"C’est donc une excellente opération pour la famille Guillemot qui monétise une grande partie de sa participation sur un niveau de valorisation à près du double de la valeur de marché actuelle. Le tout en conservant le contrôle de la société", souligne Charles Planade, de TP ICAP Midcap Partners, dans une note.
Pour les autres porteurs, en revanche, il s’agit d’une douche froide. "Pour les actionnaires minoritaires qui désiraient jouer un rachat d’Ubisoft par un concurrent ou un acteur plus grand (comme un GAFAM) c’est une grosse déception. Les Guillemots ont nettement renforcé leur pouvoir de blocage via cette opération", explique Valentin Mory, analyste au sein du bureau d’études indépendant AlphaValue.
Un caractère spéculatif affaibli
"Il est toujours possible qu’un repreneur vienne poser une offre, et dans ce cas-là, le prix de 80 euros consenti par Tencent constituerait un plancher. Mais le scénario d’une offre de rachat à court ou moyen terme a vu sa probabilité fortement diminuer, d’où là encore la réaction du marché", poursuit-il.
Le marché du jeu vidéo est actuellement en pleine consolidation avec de nombreux rachats de petits acteurs par de plus grands. Le projet de rachat d’Activision Blizzard, connu pour "Starcraft", "Overwatch" ou "Call of Duty", l’illustre parfaitement. Dernièrement, le français Quantic Dream a été racheté par un groupe chinois, NetEaseGames.
La multiplication de ces opérations, la qualité des licences d’Ubisoft et son profil de studio indépendant avaient conduit le marché à espérer une potentielle offre de rachat, et de nombreuses rumeurs ont soutenu ponctuellement le cours de l’action.
L’opération entre Tencent et la famille Guillemot "enlève désormais tout intérêt spéculatif sur le titre, le concert détenant désormais une participation qui empêche toute opération hostile", juge ainsi Invest Securities.
Tencent prépare l'avenir
La famille Guillemot a donc renforcé sa forteresse face à de potentiels investisseurs inamicaux. Le PDG, Yves Guillemot, n’a toutefois pas voulu fermer la porte à un rachat. "Nous sommes sur la même ligne depuis des mois: en cas d'offre par un tiers, celle-ci sera examinée par le conseil d'administration qui a toujours la capacité d'accepter ou de refuser celle-ci", a déclaré le PDG d’Ubisoft, aux Echos.
Tencent de son côté "devient indirectement le premier actionnaire d’Ubisoft avec près de 12% du capital et se met donc en position de force pour éloigner d’autres prédateurs potentiels", écrit Charles-Louis Planade. L’analyste estime lui aussi que l’attrait spéculatif d’Ubisoft diminue clairement, et a réduit son objectif de cours à 80 euros contre 119 euros tout en réitérant sa recommandation à l’achat.
Tencent est donc désormais en pole position pour potentiellement racheter, à terme, Ubisoft. L’accord noué mardi l’oblige, certes, à attendre huit années pour renforcer sa participation. A moins que la famille Guillemot en décide autrement. "L’accord annoncé mardi soir montre que la famille Guillemot peut tout à fait faire marche-arrière puisqu’il vient amender un précédent accord, de 2018, qui interdisait à Tencent d’augmenter sa participation", souligne Valentin Mory d’AlphaValue.
Restent les qualités intrinsèques d’Ubisoft qui, avec la chute de ce mardi, paraissent plus dépréciées que jamais. "Le fait que Tencent monte au capital est rassurant pour les fondamentaux d’Ubisoft car cela montre que l’actionnaire chinois est confiant dans la capacité du groupe à redresser la barre tout en conservant la stratégie des Guillemot", note sur ce point Valentin Mory.
"L’arrivée de nombreux jeux dans les prochains mois, la fin de l’augmentation significative des coûts et des capex [dépenses d’investissements, NDLR] et une accélération du nouveau cycle laissent entrevoir à la famille de belles perspectives pour le groupe, raison probable de leur sortie seulement partielle à ce stade", juge de son côté Charles-Louis Planade.
Le groupe tiendra samedi sa conférence "Ubisoft Forward" qui sera l’occasion pour l’éditeur de faire un point sur ses licences et ses sorties.
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