(BFM Bourse) - La major pétrolière française sous-performe largement le CAC 40 et ses rivaux cette année, pénalisée par la baisse des cours du pétrole mais aussi par sa décision de réduire le rythme des rachats d'actions. Totalenergies a-t-il toutefois les atouts pour renverser la vapeur dans les prochains mois?
Sauf improbable surprise de dernière minute, le millésime 2025 de Totalenergies en Bourse ne restera pas dans les annales.
Depuis le début de l'année, la major pétrolière et gazière évolue à très grande peine dans le vert (+0,39%), à la traîne du CAC 40 (+7,72%) mais aussi et surtout de ses rivaux cotés à Londres British Petroleum (+16,72%) et Royal Dutch Shell (+15,1%).
Totalenergies a certes pâti de la chute des cours du pétrole, avec un Brent en repli de 15,1% sur l'ensemble de 2025, lui-même plombé par l'incertitude économique ainsi que par les hausses de production de la part de plusieurs pays membres de l'Opep+ (l'Organisation des pays exportateurs de pétrole et leurs alliés).
Mais d'autres facteurs ont également joué. Lors de plusieurs publications, Totalenergies a vu sa dette nette grimper, la société ne parvenant pas - avec la baisse des cours du brut - à générer suffisamment de trésorerie pour financer de façon organique (c'est-à-dire sans s'endetter) ses investissements, son dividende et ses rachats d'actions.
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Coup de canif sur les rachats d'actions
En conséquence, les investisseurs ont commencé à redouter que la société taille dans son retour à l'actionnaire (les dividendes et les rachats d'actions) pour préserver son bilan et son ratio d'endettement. Le "gearing" (la dette nette rapportée à l'ensemble du passif de l'entreprise) avait ainsi atteint 17,9% à fin juin contre 14,3% un an plus tôt.
Rappelons que le retour à l'actionnaire demeure un critère d'attractivité important pour les groupes pétroliers auprès du marché. Pour donner un exemple, l'américain Exxonmobil compte acquérir pour 20 milliards de dollars de ses propres titres cette année.
Totalenergies a fini par remettre à plat sa politique de retour à l'actionnaire en septembre dernier. Alors que le groupe rachetait depuis plusieurs années pour 2 milliards de dollars de ses propres titres par trimestre, le groupe a passé un coup de canif, en ramenant le montant à 1,5 milliard de dollars au quatrième trimestre 2025.
Pour 2026, l'entreprise a indiqué qu'elle acquerrait entre 750 millions et 1,5 milliard de dollars par trimestre (soit donc de 4 à 6 milliards de dollars l'année, contre 8 milliards précédemment) sur la base d'un prix du Brent compris entre 60 et 70 dollars le baril (et un taux de change eurodollar à 1,20).
Même si les investisseurs avaient de quoi être déçus, ces orientations "apportent un cadre plus soutenable et une visibilité utile pour l'année prochaine", avait alors apprécié UBS.
Absence de "'surprises positives" et fiscalité française
Par ailleurs, Totalenergies n'a, au cours de l'année, pas vraiment livré de résultats très emballants. Le cas de figure s'est encore posé au troisième trimestre. Le titre a reculé de près de 1% après avoir publié un résultat net ajusté un tout petit peu inférieur aux attentes tout en annonçant une baisse (appréciée par les analystes) de sa dette nette.
"L'absence de surprises positives chez Totalenergies au cours de l'année écoulée, conjuguée à la réduction de ses rachats d'actions, contraste fortement avec les solides performances de Shell", note HSBC dans une récente note.
Royal Bank of Canada évoque aussi certaines craintes liées au projet de loi de finances pour 2026 en cours d'examen parlementaire. Les députés ont déposé des amendements pour alourdir la fiscalité des rachats d'actions ou encore pour taxer jusqu'à 33% les super dividendes, c'est-à-dire des coupons qui excèdent de 25% la moyenne des dividendes distribués au cours des trois précédents exercices.
"Naturellement, nous nous attendons à ce que la direction de Totalenergies réagisse à tout changement significatif dans les propositions de valeur pour les actionnaires et l'entreprise, tout en espérant que le bon sens prévaudra sur le plan politique. Cela dit, cette question restera probablement d'actualité pour l'entreprise en tant que société cotée en France, et elle ne sera pas utile à court terme", a commenté la banque canadienne.
Des perspectives de production en tête du secteur
Alors que cette année 2025 "à oublier" - pour reprendre les mots de HSBC - touche à sa fin, Totalenergies peut-il renverser la vapeur en Bourse?
Royal Bank of Canada reste constructive et réitère son conseil à "surperformance". "Bien que l'incertitude politique ait été un frein pour Totalenergies, et pourrait continuer de l'être, l'exécution a été solide et l'entreprise semble contrôler les éléments contrôlables", explique la banque canadienne.
L'établissement fait valoir que l'endettement de l'entreprise est désormais sur une trajectoire descendante et souligne les perspectives de production de la société.
C'est également un point mis en avant par UBS. À l'achat sur la valeur, la banque suisse a relevé son objectif de cours sur le titre à 58 euros contre 56 euros précédemment (le titre évolue actuellement à 53,58 euros).
L'établissement helvétique attire donc l'attention sur la croissance de la production d'hydrocarbures qui s'est inscrite à 4% au troisième trimestre et est attendue en progression de 4% à 6% au quatrième trimestre.
"Nous prévoyons que cette production, qui est la plus importante du secteur, soutiendra l'action au cours des prochains trimestres (et années), d'autant plus que les nouveaux barils génèrent des marges plus élevées", souligne UBS.
Des marges de raffinage qui remontent
L'établissement suisse note également que la direction de la société s'est montrée plus optimiste sur sa capacité à "capter" la hausse des marges de raffinage (la différence entre le prix des produits obtenus à la sortie de la raffinerie et le coût du brut à l'entrée), en net rebond en Europe. Ces marges ont progressé de 78% au troisième trimestre à 63 dollars par tonne.
Totalenergies a indiqué que ces marges se maintenaient en ce début de quatrième trimestre à des niveaux supérieurs à 50 dollars la tonne.
Le PDG de la société, Patrick Pouyanné, a toutefois jugé que cette indication était "timide", lors d'une conférence téléphonique avec les analystes.
"Pour être honnête, en relisant notre communiqué de presse, je pense que nous sommes un peu 'bearish' (pessimistes, NDLR) sur le prix du pétrole et les marges de raffinage. Les marges de raffinage que nous avons capturées depuis le début d'octobre pour le mois dernier sont d'environ 75 dollars la tonne", a expliqué le dirigeant.
Patrick Pouyanné a expliqué que ces prix commençaient à traduire "un réel impact sur le marché des sanctions contre la Russie".
"Je pense que le marché sous-estime ce que cela signifie lorsque vous avez des sanctions américaines, deux grandes entreprises russes, qui sont au cœur du commerce du pétrole russe, d'ailleurs", a-t-il au passage déclaré.
"Et donc, je vois un certain impact. Et je pense que les marges de raffinage aujourd'hui instantanément sont plus autour de 100 dollars par tonne que des 75 dollars par tonne, qui est une moyenne. Et c'est clairement lié à ces sanctions, cela obligera à rediriger certains volumes et à trouver un moyen d'acheminer des produits et du pétrole brut de manière plus coûteuse vers les différentes localisations de la planète", a développé Patrick Pouyanné. Le PDG a aussi considéré que ces sanctions auront également un impact sur les cours du brut.
Barclays juge que ces marges de raffinage plus élevées présentent un "potentiel de hausse" sur les résultats de la société.
Plus largement, la banque britannique estime que ces marges et la hausse de la production d'hydrocarbures pourraient continuer, à court terme, à "offrir une bonne dynamique opérationnelle pour l'entreprise.
"Un titre clef" pour les investisseurs
"À plus long terme, nous considérons Totalenergies comme un titre clé pour les investisseurs dans le secteur de l'énergie. Grâce à une croissance globale de la production énergétique de 4% par an et à une amélioration des marges, le flux de trésorerie disponible devrait augmenter de 10% par an jusqu'en 2030", prédit la banque britannique.
L'établissement note au passage que la société compte investir 350 millions de dollars au cours des prochaines années pour déployer l'intelligence artificielle (IA) au sein de ses opérations.
L'entreprise perçoit l'IA comme une source de revenus additionnels avec une amélioration de la production en aval et davantage d'efficacité dans le raffinage, rapporte Barclays.
HSBC, pour sa part, recommande (donc) d'oublier 2025 et "de se tourner vers l'avenir".
La banque sino-britannique apprécie les perspectives à moyen terme du groupe, notamment dans le pétrole, le gaz ou le gaz naturel liquéfié. Totalenergies table sur une hausse moyenne de 3% par an de sa production de gaz et de pétrole entre 2024 et 2030, avec un chiffre supérieur à 3% en 2025 et 2026.
HSBC remarque que Totalenergies s'échange en Bourse avec une décote de 8% à 9% sur la base des flux de trésorerie attendus en 2026 et 2027 par rapport à Royal Dutch Shell, alors que son taux de distribution à l'actionnaire est proche de celui du groupe néerlando-britannique (9,9% contre 10,5%).
"Nous pensons que cet écart de valorisation pourrait se résorber si Totalenergies renoue avec des performances trimestrielles régulières", juge HSBC.
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