(BFM Bourse) - Le spécialiste de la relation client externalisée a livré une progression de ses revenus nettement inférieure aux attentes sur les trois derniers mois de l'année. Sa prévision de marges déçoit également.
En un peu plus d'un an, Teleperformance est passé du statut de valeur phare de la place de Paris à celui de paria boursier.
Autrefois adoré des investisseurs pour sa forte croissance, sa position d'acteur dominant dans un marché atomisé et sa politique d'acquisition pertinente, le spécialiste de la relation client externalisée perd plus de 64% sur un an. La faute à une acquisition majeure mais mal reçue du marché (le luxembourgeois Majorel) et à plusieurs trimestres de croissance décevante. Mais aussi aux craintes des investisseurs quant à l'impact de l'intelligence artificielle générative sur l'activité de Teleperformance. Encore la semaine dernière, le titre a décroché de plus de 25% après qu'une fintech suédoise, Klarna, a vanté les prouesses d'un assistant d'IA qui lui aurait permis de remplacer 700 équivalents temps plein en effectuant des tâches simples de relation client.
L'action plonge une nouvelle fois ce jeudi et, cette fois, l'IA n'y est a priori pas pour grand-chose. Vers 9h35, le titre Teleperformance s'effondre de 20% à 89,38 euros.
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Une fin d'année difficile
Les comptes 2023 et les prévisions pour l'année en cours échaudent clairement le marché.
Teleperformance a nettement manqué le coche au quatrième trimestre 2023. En données comparables, le chiffre d'affaires de la société a reculé de 0,6% hors effets de changes et de périmètre. En excluant l'impact de la baisse de la contribution des contrats liés au Covid et de l'hyperinflation dans certains pays (comme l'Argentine), la croissance organique s'établit à 2,4%.
Or, selon Deutsche Bank, le consensus tablait sur une croissance organique de 5,4% quand la banque elle-même prévoyait un taux de 3,9%. "Le chiffre d'affaires du quatrième trimestre est sensiblement inférieur aux prévisions", résume Royal Bank of Canada.
Durant une conférence téléphonique avec des journalistes, Olivier Rigaudy, directeur général délégué et directeur financier de la société, a mis en cause le contexte macroéconomique délicat pour expliquer le ralentissement de la croissance. Pour appuyer son propos, le dirigeant a cité plusieurs entreprises de services numériques qui ont, elles aussi, été affectées par la conjoncture (les revenus de Capgemini se sont repliés de 0,9% en données comparables sur les trois derniers mois de l'année). Le chiffre d'affaires de Teleperformance est également pénalisé par l'accélération de "l'offshorisation", c'est-à-dire le transfert d'activité dans des pays à bas coûts, qui accentue les pressions déflationnistes sur les prix de ses services.
Sur l'ensemble de 2023, le résultat opérationnel avant impôt, charges d'intérêt et amortissement (Ebita) déçoit également, s'établissant à 1,29 milliard d'euros quand le consensus attendait 1,34 milliard d'euros. La marge correspondante s'inscrit à 15,5% contre un consensus à 15,8%, en raison, note Stifel, d'une contribution de Majorel aux comptes moins forte qu'attendu sur la fin de 2023.
Le bénéfice net est également inférieur de 6% au consensus à 602 millions d'euros. La génération de cash, elle, constitue l'un des rares motifs de satisfaction de la publication. Teleperformance a dégagé un flux de trésorerie net disponible de 812 millions d'euros en 2023, chiffre qualifié de "solide" par Stifel.
Perspectives de marges décevantes
Pour 2024, Teleperformance reconnaît que ses prévisions s'avèrent "prudentes" en raison de la macroéconomie. La société table sur une croissance en données comparable comprise entre 2% et 4%. Elle vise également une amélioration de sa marge d'Ebita de 10 points de base à 20 points de base (0,10% à 0,20%) sur une base pro-forma c'est-à-dire en supposant que Majorel ait été intégré sur douze mois en 2023 (ce qui fait retomber sa marge à 14,9%).
Le groupe prévient également que sa croissance devrait rester limitée sur les trois premiers mois de l'année en raison d'une base de comparaison défavorable. "À moyen terme, Teleperformance entend maintenir une croissance de ses activités supérieure à celle du secteur et poursuivre l’amélioration de ses marges", explique la société.
Oddo BHF note que la prévision de croissance pour 2024 est relativement en ligne avec les attentes (une croissance organique de 3,4%) mais déçoit sur l'accroissement de la marge, puisque le consensus tablait sur un taux d'Ebita de 15,5% pour 2024.
In fine "la lecture de la publication de Teleperformance nous a douchés à froid et nous pensons que de nombreux investisseurs seront dans le même état d'esprit", a écrit Royal Bank of Canada dans une note publiée mercredi soir.
Riposte sur l'IA générative et ses "fantasmes"
En marge de ces résultats, le groupe a tenté de rassurer quant à l'impact de l'intelligence artificielle générative sur son activité.
Olivier Rigaudy a adopté un ton offensif, fustigeant la réaction de marché à la suite de l'annonce de Klarna, la semaine dernière. Le dirigeant a assuré que l'outil d'IA présenté par la fintech n'était pas "de l'IA générative" et que la chute du cours du groupe traduisait une "incompréhension du marché".
Alors que Klarna a expliqué avoir remplacé 700 postes avec son robot, Olivier Rigaudy a indiqué que Teleperformance avait de son côté déployé 25.000 robots du même type depuis de nombreuses années pour des "interactions simples", ce qui se substitue selon lui au travail de 150.000 personnes.
"L'intelligence artificielle générative a fait couler beaucoup d'encre et provoque des fantasmes", a-t-il expliqué. Le premier de ces "fantasmes" serait que la machine puisse remplacer l'homme, ce qui n'arrivera pas selon lui. "L'intelligence artificielle améliore l'homme, elle ne le remplace pas", a-t-il insisté, ajoutant que les IA ne parviennent pas à intégrer actuellement les enjeux de contextualisation et de localisation.
Deuxième "fantasme" selon lui: penser que le marché de Teleperformance n'évolue pas. Olivier Rigaudy a expliqué que l'avènement de l'IA générative se traduirait par des besoins nouveaux ou accrus en termes de valeur ajoutée, citant par exemple la vérification des "deepfake" ou la modération de contenus. "Qui aurait cru il y a quelques années que nous réaliserions 700 millions d'euros dans la modération de contenu?", a-t-il fait valoir. Le dirigeant a assuré que Teleperformance était "en train de réussir le défi" posé par l'IA générative, avec 60 produits liés à cette technologie.
Reste que le marché demande à Teleperformance de faire ses preuves, et il faudra probablement du temps au groupe pour convaincre les investisseurs. Pour l'heure, avec la chute de son cours, la place de Teleperformance au sein du CAC 40 est clairement menacée, au même titre que celle d'Alstom, alors que le conseil scientifique d'Euronext rendra sa décision sur une éventuelle révision de la composition de l'indice ce jeudi soir. "Je n'ai pas l'impression, compte tenu des volumes échangés et de la valorisation, que nous soyons sur la sellette", a néanmoins déclaré Olivier Rigaudy sur BFM Business ce jeudi.
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