(BFM Bourse) - Les trois établissements cotés souffrent fortement à la Bourse de Paris depuis que François Bayrou a annoncé qu'il soumettrait son gouvernement à un vote de confiance le 8 septembre, ouvrant la voie à une censure. Ce qui remet sous pression les banques très sensibles au risque politique. À tort ou à raison?
Les banques françaises semblaient enfin bien parties pour prendre leur revanche en Bourse cette année, avec un alignement des planètes. Les perspectives dans la banque de détail en France s'amélioraient tandis que celles dans la banque de financement et d'investissement demeuraient porteuses.
BNP Paribas, Crédit Agricole SA et Société Générale affichaient ainsi des progressions enviables en Bourse, dans le premier tiers du CAC 40. Société Générale signent même la plus forte hausse de l'indice depuis le début de l'année.
Las. Le Premier ministre François Bayrou a totalement fait dérailler les banques françaises de leur bonne marche.
Le Béarnais a annoncé lundi qu'il soumettrait son gouvernement à un vote de confiance le 8 septembre prochain, ouvrant ainsi la voie à un risque de censure. D'autant que le Rassemblement national, la France insoumise, le Parti socialiste et les écologistes ont annoncé qu'ils n'accorderont pas la confiance au gouvernement dans le cadre de ce scrutin.
>> Accédez à nos analyses graphiques exclusives, et entrez dans la confidence du Portefeuille Trading
"Choc politique"
Cette annonce a ravivé le spectre d'un blocage politique en France, avec le risque que des mesures nécessaires au redressement de la trajectoire des finances publiques françaises ne soient pas prises.
"La France continue de faire face à des défis budgétaires: elle affiche le déficit budgétaire le plus élevé de la zone euro (5,8% du PIB en 2024) et la deuxième plus forte part de dépenses après la Finlande. Elle est également soumise à une procédure de déficit excessif de l’Union européenne, et le gouvernement dirigé par le Premier ministre Bayrou ne dispose pas de majorité au Parlement. Tout cela signifie que des coupes budgétaires sont nécessaires, mais le contexte politique complique l’adoption d’un budget et augmente le risque d’une chute du gouvernement", développe UBS.
Tout ceci s'est traduit par la chute du CAC 40 qui abandonne 1,8% ce mardi après avoir chuté de 1,59% la veille. Du côté du marché obligataire, l'écart entre le rendement de l'obligation souveraine française à 10 ans et celui de même échéance sur l'obligation allemande à 10 ans (le fameux "spread"), thermomètre du stress de marché sur la signature française, s'inscrit à 77 points de base, soit 0,77 point de pourcentage, un niveau inédit depuis avril.
"Le “choc politique” ravive le risque souverain français et l’incertitude réglementaire et budgétaire. Les secteurs les plus domestiques et dépendants des décisions publiques décrochent logiquement davantage", explique Antoine Fraysse-Soulier, analyste de marché pour Etoro.
Les banques premières victimes
Sur les valeurs, les banques françaises sont les premières victimes du mouvement d'aversion au risque. Ce mardi, Société Générale perd 7% vers 11h30, Crédit Agricole SA 5,9% et BNP Paribas 5,4%, les trois groupes accusant trois des quatre plus fortes baisses du CAC 40. La veille, elles avaient respectivement reculé de 3,49%, 2,96% et 3,54%.
Ces titres "souffrent du fait que les marchés tablent sur une dégradation prochaine de la dette française par les agences de notation", a expliqué à l'AFP Christopher Dembik, conseiller en investissement pour Pictet AM.
Dans une note publiée l'an passé, lorsque les banques françaises étaient déjà malmenées en Bourse à la suite de la dissolution de l'Assemblée nationale, Barclays soulignait qu'il existait effectivement "un lien robuste entre les notes de crédit souveraines (d'un pays) et celle des banques (de ce même pays)". "La détérioration du contexte économique se traduit probablement par un environnement opérationnel plus faible pour les banques, ce qui se traduit par des notations négatives", ajoutait Barclays.
Toutefois, la banque britannique expliquait aussi qu'une dégradation de la note souveraine d'un pays n'entraîne pas "automatiquement" celle de ses banques. S&P, par exemple, avait abaissé en 2024 la note de la France sans décider de faire de même pour les établissements tricolores (à l'exception de La Banque Postale, détenue par La Poste, un établissement public).
En 2024, toujours, Royal Bank of Canada remarquait que l'évolution des actions des banques françaises avaient été étroitement corrélées avec celle du spread à 10 ans entre les obligations allemandes et françaises. À l'époque, la banque canadienne prévenait aussi qu'affaiblir le système bancaire pouvait potentiellement être dans l'intérêt de n'importe quel gouvernement.
Une correction justifiée, vraiment?
Toutefois la correction boursière infligée aux banques n'est-elle pas exagérée pour autant? "Il s'agit avant tout d'un sentiment de marché. Dans les faits, les banques françaises cotées sont très diversifiées, que ce soit géographiquement ou en termes de métiers. On trouve chez Crédit Agricole SA de la gestion d'actifs, par exemple, ou encore de la conservation de titres avec CACEIS", explique David Benamou, directeur des investissements chez Axiom AI.
"Toutefois dans l'esprit, des investisseurs, il y a la persistance de l'idée qu'une banque reste avant toute une exposition à l'économie domestique d'un pays", ajoute le spécialiste. "Comme en 2024, on a ainsi des réactions fortes sur les prix des actions des banques françaises liées au risque politique, mais cela n'a pas de traduction matérielle dans les comptes des établissements", expose-t-il.
Le lien entre les risques sur la dette française et les banques peut paraître évident, car les banques françaises portent des obligations tricolores.
Pourtant, Barclays notait en 2024, que les banques françaises ont "une possession limitée d'obligations souveraines françaises ce qui limite le canal de contagion direct". L'établissement britannique remarquait que les obligations françaises représentaient environ 2,4% des actifs totaux des établissements tricolores.
"On évoque souvent l'exposition des banques françaises à la dette de la France. Mais encore une fois cela n'a pas de conséquence significative car les risques de pertes, hors défaut de la France, sont limitées aux écarts de taux et se matérialiseraient en cas de vente", explique David Benamou.
"En 2024, l'écart de taux sur les obligations à 10 ans entre la France et l'Allemagne a atteint des niveaux record et cela n'a pas empêché les banques françaises de dégager de bons résultats", illustre-t-il.
Par ailleurs, les banques françaises demeurent très diversifiées, comme le remarquait d'ailleurs Barclays. L'exposition des différents groupes à la banque de détail française, la plus sensible au risque politique français demeure ainsi relativement contenue. En 2024, UBS estimait que ce segment représentait autour de 20% du résultat brut d'exploitation de Société Générale, 11% de celui de BNP Paribas.
"Le risque politique ne peut avoir d'impact que sur le long terme, si de nouvelles mesure mesures changent la donne économique de façon structurelle", conclut David Benamou.
Recevez toutes les infos sur SOCIETE GENERALE en temps réel :
Par « push » sur votre mobile grâce à l’application BFM Bourse
Par email