(BFM Bourse) - Les valeurs du secteur de la Défense ont engrangé les gains les plus importants depuis janvier. De l’autre côté du spectre, Orpea et Atos évoluent en queue de peloton en raison de situations bien spécifiques.
Accélération effrénée de l’inflation, resserrement des politiques monétaires et donc remontée des taux d’intérêts, conflit en Ukraine, perturbations de la chaîne logistique… Les marchés financiers ont dû faire face à un cocktail explosif en 2022. Ce qui n’a pas manqué de laminer les marges et les valorisations de bon nombre d’entreprises cotées. Le CAC 40 subit ainsi un dégagement de 7,8% depuis le début de l’année tandis que le SBF 120, le deuxième indice de référence de la Bourse de Paris, perd de son côté 8,5%.
Le palmarès de ce second indice montre néanmoins que certaines valeurs s’en tirent mieux que d’autres.
Thales médaille d’or
En particulier les groupes présents dans l’industrie de la Défense. Thales (+50,1% depuis le 1er janvier) et Dassault Aviation (+47,6%) occupent les deux premières places du podium. Certes, ces deux groupes possèdent de solides fondamentaux. Thales ne cesse de satisfaire les attentes du marché avec des résultats financiers robustes, et un positionnement qui lui permet de proposer des produits à forte valeur technologique dans des marchés finaux porteurs (défense, spatial) ou en cours de redressement, comme l’aéronautique civil. Dassault Aviation est lui porté par les récents succès commerciaux du Rafale tandis que son deuxième marché, les jets d’affaires, a montré des signes très encourageants au premier semestre.
Mais ces deux valeurs ont surtout bénéficié d’un véritable virage à 180 degrés de la part des investisseurs. Le marché avait ces dernières années délaissé les groupes de défense, ces valeurs étant perçues comme peu attrayantes pour les opérateurs sensibles aux thématiques ESG (environnement, social et gouvernance, c’est-à-dire les critères extra-financiers). La guerre en Ukraine a changé la donne, ramenant les groupes de défense dans le radar des investisseurs, ce qui a permis aux actions de ces entreprises de bondir en Bourse, et de redynamiser des valorisations déprimées.
GTT (+31,67%), complète le podium. Le spécialiste des membranes cryogéniques tire parti de l’essor du GNL (gaz naturel liquéfié) et connaît une année extrêmement dynamique en termes de commandes. Sur les neuf premiers mois de 2022, le groupe a enregistré 134 commandes pour des méthaniers, près du double de 2021, et 42 commandes pour des navires propulsés au GNL contre 27 sur la totalité de 2021 qui était pourtant une année historique. "Personne n’aurait cru au début de l’année que leur dynamique serait aussi forte", juge un intermédiaire financier.
Orpea en dernière position
Parmi les autres hausses, on remarque que les groupes liés aux cours du pétrole, qui évoluent en forte hausse depuis le début de l’année, sont également bien placés. C’est le cas de Vallourec (+30,68%) et de TotalEnergies (+27,78%), tandis que CGG faisait également partie du groupe de tête avant de publier la semaine dernière des résultats financiers très décevants.
Du côté des plus fortes baisses. Orpea monte sans trop de surprise sur la plus haute marche du podium avec une chute de 90,2% sur l’ensemble de 2022. Le groupe a connu un véritable supplice boursier depuis la publication de l’ouvrage Les Fossoyeurs dont les accusations de maltraitance sur ses résidents l’avait notamment amené à confier un audit indépendant à deux cabinets, Grant Thornton et Alvarez & Marsal. Les résultats de cet audit avaient confirmé plusieurs dysfonctionnements, notamment dans la gestion des ressources humaines, mais avaient également écarté l’existence d’un système de rationnement sur l’alimentation fournie aux résidents.
Le groupe a plus récemment sombré après avoir annoncé envisager une restructuration financière de grande ampleur et potentiellement très dilutive. Orpea présentera la semaine prochaine un plan de transformation, après avoir pris des mesures pour améliorer ses pratiques.
Valneva accuse la deuxième plus forte baisse, avec une chute de 71,4% depuis janvier. Le spécialiste des vaccins contre les maladies infectieuses avait vu sa valorisation bondir en 2021 (+216%) mais a subi de plein fouet l’amélioration du contexte sanitaire et les difficultés sur son vaccin contre le Covid-19. S’il a obtenu une autorisation de mise sur le marché en Europe fin juin, la Commission européenne a drastiquement revu à la baisse sa commande auprès du groupe. De potentiellement 60 millions de doses, l’Union européenne a ramené sa commande à… 1,25 million. L'entreprise a suspendu la production de son vaccin et annoncé jeudi des suppressions de postes allant jusqu'à un quart de ses effectifs.
La troisième plus forte baisse est à mettre au passif de Solutions 30 (-69,75%). Le groupe avait dû faire face à des accusations de fraude et de blanchiment d’argent depuis décembre 2020, qu’il a vigoureusement démenties. En 2022, l’opérationnel cale. Le groupe accuse une baisse de ses revenus en données organiques sur les neuf premiers mois de l’année. L'activité est plombée par la chute de ses revenus en France, en raison de l’arrivée à maturité du très haut débit dans l’activité "télécoms" et de la fin des déploiements de compteurs électriques communicants dans l’activité "énergie". La société promet de renouer avec une croissance plus dynamique en 2023.
Atos (-69,4%) de son côté enregistre la quatrième plus forte baisse, manquant le "podium" d'un souffle. Le groupe a en début d’année publié plusieurs avertissements sur ses résultats de 2021 avant de présenter un plan stratégique qui a été mal reçu par le marché, plan qui avait été annoncé par le directeur général, Rodolphe Belmer en même temps que… son départ. L’activité du troisième trimestre a toutefois envoyé des signaux encourageants. Le groupe se prépare désormais à se scinder en deux avec une société qui regroupera les activités historiques de gestion d'infrastructures de centre de données ("Tech Foundations"), tandis que la seconde rassemblera les activités liées à la transformation numérique ainsi que celles de Big Data et Sécurité (BDS).
Parmi les autres "perdants" du SBF 120 figurent des groupes endettés qui font l’objet d’inquiétudes des investisseurs sur leur bilan financier tels que l’équipementier automobile Faurecia (-53,6%) et le groupe de distribution Casino (-45,9%).
Par Julien Marion (texte) et Théophile Magoria (infographie)