(BFM Bourse) - Le constructeur au losange a pris 27,5% l'an passé, déjouant la morosité de son secteur. Le groupe dirigé par Luca de Meo possède-t-il les bons leviers pour transformer l'essai en 2025?
Après des années à essuyer de nombreuses tempêtes (affaire Ghosn, crise des semi-conducteurs, sortie du marché russe etc…) Renault a tiré son épingle du jeu, l'an passé en Bourse.
Le constructeur au losange a gagné 27,49% en 2024. Si cette hause ne constitue "que" la sixième meilleure performance du CAC 40, elle est à bien des égards remarquables au vu de la morosité du secteur automobile.
Les concurrents européens de la société au losange ont tous, à l'exception du cas très particulier de Ferrari, passé des avertissements sur résultats. Volkswagen, BMW, Mercedes, Stellantis, Volvo, Aston Martin, Porsche… Tous ont été contraints d'abaisser leurs objectifs financiers pour 2024.
Renault, lui, les a au contraire confirmés à chaque publication. Cette résilience, portée à la fois par sa discipline sur les coûts et ses lancements de nouveaux modèles, lui a donc permis de terminer l'année largement dans le vert. En excluant là encore Ferrari, le groupe dirigé par Luca de Meo est le seul constructeur européen à avoir affiché une performance positive en Bourse.
"Tout au long de 2024, Renault a réalisé la meilleure exécution parmi les constructeurs et a maintenu un ton positif quant à sa performance sous-jacente", résumait UBS en décembre.
>> Accédez à nos analyses graphiques exclusives, et entrez dans la confidence du Portefeuille Trading
Un bon joueur de cartes
La question légitime en ce début d'année reste évidemment de savoir si Renault en a encore sous le capot en 2025. Si tous les analystes ne sont évidemment pas d'accord, une très grande majorité d'entre eux recommandent en tout cas d'acheter le titre (16 sur 20 selon les données d'investing.com) et aucun ne conseille de le vendre.
Bernstein, par exemple, est à "surperformance". "Nous continuons à comparer Renault à un joueur de cartes qui n'a pas nécessairement reçu la main la plus forte, mais qui tire le meilleur parti de chaque tour", écrivait fin octobre l'intermédiaire financier. "Il prouve que la taille seule n'est pas un prérequis et que la vitesse et l'agilité comptent aussi beaucoup, des leçons que beaucoup de ses pairs plus grands semblent avoir oubliées", ajoutait le bureau d'études.
"Renault reste notre constructeur européen préféré, hors Ferrari. Le groupe n'est pas exposé à la Chine au contraire de ses concurrents allemands qui devraient encore souffrir dans ce pays cette année, en raison d'une concurrence toujours très agressive", explique de son côté à BFM Bourse Michael Foundoukidis, analyste du secteur automobile chez Oddo BHF, à "surperformance" sur l'action.
La société devrait encore pouvoir compter sur ses lancements cette année. "Renault a le cycle produits le plus attractif parmi les constructeurs européens généralistes, avec des lancements majeurs récents à la fois chez Renault et Dacia, et en électrique et en thermique ou hybride. Chez Renault et en électrique, la R5, qui vient d'être lancée, continuera à porter les ventes dans les prochains mois, bientôt suivie par la Renault 4 tandis qu’en thermique, les lancements récents comme le SUV compact Symbioz ou l’utilitaire Master seront également clés. Chez Dacia, la marque a récemment renouvelé son best-seller SUV Duster avant le lancement dans le courant de l’année de son premier véhiculer du segment C, le SUV Bigster", détaille Michael Foundoukidis.
"Cette dynamique commerciale permettra à la société de surperformer le marché automobile européen, notamment sur le segment des particuliers et notamment sur les véhicules peu ou pas émetteurs de Co2", ajoute-t-il.
La régulation sur le Co2 en question
Ce dernier point s'avère crucial. Un net tour de vis va s'opérer cette année sur les seuils d'émissions de Co2 autorisés, avec le durcissement de la régulation européenne dite "CAFE" ("corporate average fuel economy").
Dans une note publiée en décembre, Bank of America estimait que les constructeurs parviendront à respecter les nouveaux seuils maximums et donc à éviter le paiement d'amendes. Mais pour cela, ils devront augmenter les ventes de véhicules électriques et passer des surcoûts. Ce qui aura des impacts sur leurs marges brutes.
Selon la banque américaine, Renault serait le constructeur le plus exposé, devant Volkswagen. C'est une des raisons qui amènent Bank of America à adopter une opinion "neutre" sur Renault, en 2025. Parmi les autres éléments, elle cite une intensification de la concurrence avec des pressions sur les prix.
UBS de son côté est également à "neutre" sur Renault. La banque suisse redoute, comme Bank of America, des pressions sur les prix et craint qu'Ampere, la division électrique de Renault, n'atteigne pas ses objectifs en 2025 (un flux de trésorerie et un résultat opérationnel à l'équilibre). Elle cite également le risque que Renault ne vende pas suffisamment de véhicules électriques pour tenir ses objectifs de Co2.
Luca de Meo, le directeur général de Renault, avait d'ailleurs appelé l'Europe à faire preuve de flexibilité sur cette réglementation "CAFE", pointant les risques de "casser les prix et le business de la voiture électrique".
"Pour l'ensemble des constructeurs, il faudra donc vendre davantage de véhicules électriques et/ou vendre moins de véhicules thermiques. Ainsi, on ne peut exclure qu'il se passe ce que l'on a observé précédemment au Royaume-Uni fin 2024. C'est-à-dire des baisses de tarifs et des rabais importants pour vendre davantage d'électriques et tenir ainsi les objectifs de CO2", explique Michael Foundoukidis d'Oddo BHF.
"Cela ne sera facile pour personne, mais avec une gamme attractive et jeune dans l'électrique et le développement de sa gamme hybride y compris chez Dacia, Renault nous semble bien positionné en relatif. D'autant que le constructeur bénéficie de nouveaux véhicules électriques attractifs dans le segment B (les citadines), sur lequel il y avait jusqu’ici un vide et qui représentent une part significative du marché automobile européen", fait-il valoir.
"Enfin, les constructeurs pourraient aussi constituer des 'pools' avec des acteurs mieux positionnés sur l’électrique, à l’image de celui récemment officialisé entre Tesla, Stellantis, Ford et Toyota afin de s’assurer un plan B sans doute moins coûteux par rapport aux pénalités financières dans le cas où les ventes seraient inférieures aux objectifs ou l’environnement commercial trop délétère. Sur ce point, le partenaire le plus naturel pour Renault pourrait être le chinois Geely, propriétaire de Volvo et avec lequel il collabore déjà dans d’autres domaines (Horse, Corée du Sud)", expose le spécialiste.
Une fusion Nissan-Honda positive
Quant au risque pour Renault de décevoir sur ses objectifs, l'analyste le relativise. "Les attentes du marché pour 2025 sur la marge (consensus à 7,2% pour la marge opérationnelle, NDLR) sont inférieures à la cible de Renault (8%) communiquée fin 2022, ce qui n’est pas surprenant face à un environnement bien plus difficile qu’anticipé et se retrouve d’ailleurs chez tous les constructeurs européens. Mais ce qui compte vraiment pour Renault c'est de poursuivre la bonne dynamique commerciale qui s'est enclenchée depuis la fin 2024 et devrait se poursuivre 2025", avance-t-il.
"Notamment avec la R5, qui connaît des débuts très prometteurs et est un modèle important pour la perception boursière du positionnement électrique de Renault et de son entité Ampère", complète l'analyste.
La R5 électrique a d'ailleurs été élue, vendredi, voiture de l'année 2025 par un jury composé de 61 journalistes européens.
Difficile, enfin, de ne pas évoquer la fusion entre Honda et Nissan, le partenaire historique de Renault et dont le groupe français possède encore un peu moins de 36% du capital. Les deux groupes japonais ont acté fin décembre leur projet de mariage, une opération qui offre des avantages pour Renault.
Jefferies notait que cette opération faciliterait des futures ventes d'actions Nissan par Renault, avec une plus grande liquidité et une participation qui serait moins lourde à avaler pour le marché (Renault posséderait 5,8% du capital du nouvel ensemble, selon des calculs théoriques de la banque).
"La fusion entre Nissan et Honda est, du point de vue de Renault, positive, car elle rend plus monétisable la participation de Renault dans Nissan et, à court terme, améliore la perception du marché de Nissan", abonde Michael Foundoukidis.
Recevez toutes les infos sur RENAULT en temps réel :
Par « push » sur votre mobile grâce à l’application BFM Bourse
Par email