(BFM Bourse) - Le spécialiste de la robotique autonome et des systèmes de navigation chute en Bourse après l'émission d'une obligation hybride de 300 millions d'euros. Pour TP ICAP Midcap, Exail Technologies aurait dû recourir à une solution plus simple qui aurait permis de clarifier la structure, le passif et la valorisation du groupe.

Groupe Gorgé a changé de visage au cours de la dernière décennie. En 2018, la société a pris un virage décisif pour devenir un acteur de premier plan sur certaines technologies de pointe utilisées dans la défense, l'aérospatial et les opérations maritimes. Ce qui est passé par la cession des filiales Prodways Group et Baumert, l'une spécialisée de l'impression 3D et l'autre dans la fabrication et la pose de portes techniques pour le secteur nucléaire.

Puis en 2022, Groupe Gorgé a fait l'acquisition d'iXblue, une société française peu connue du grand public mais reconnue par les spécialistes comme l'un des rares acteurs mondiaux maîtrisant la technologie des centrales inertielles, des instruments permettant de diriger un véhicule ou un projectile même en cas de brouillage. Le rapprochement de sa filiale ECA Group avec d'iXblue a achevé la simplification des activités de Groupe Gorgé qui a changé de nom pour devenir Exail Technologies.

Une échéance financière en 2026

Cette acquisition avait alors été réalisée par une holding, et financée par un crédit syndiqué de 185 millions d'euros, un financement in fine (qui dissocie le paiement des intérêts et le remboursement du capital, NDLR), de 230 millions d'euros apporté par le fonds d'investissement ICG (Intermediate Capital Group) dont un tiers sous forme d'obligations et deux tiers sous forme d'actions de préférence.

Lors de la mise en place de ce financement, Groupe Gorgé qui détient 62% de la holding avait la possibilité de racheter la totalité des instruments financiers détenus par le fonds ICG dans un délai compris entre 4 et 7 ans, à un prix dont la formule de calcul est déjà déterminée.

Cinq ans plus tard, Exail Technologies commence à évaluer les options qui lui sont offertes en vue de négocier au mieux le refinancement futur de l'acquisition d'iXblue. Et cela passe par le rachat des instruments financiers détenus par ICG. TP ICAP Midcap évalue ce refinancement entre 550 et 740 millions d'euros compte tenu des options de financements utilisées.

Le spécialiste de la robotique autonome et des systèmes de navigation a donc annoncé mardi 23 septembre après la clôture du marché parisien, le lancement d'une émission d’obligations convertibles perpétuelles pour d'un montant de 250 millions d'euros. Ce montant a finalement été porté à 300 millions d'euros pour répondre à une forte demande.

Dans le détail, ces obligations portent un taux d’intérêt fixe de 4% puis à partir d'octobre 2030, un taux composé de l’Euro swap 5Y augmenté de 1.300 points de base (13 points de pourcentage), soit un taux supérieur de 15% au taux actuel, précise TP ICAP Midcap qui note que le taux "est prohibitif" et que le principe de cette obligation sera certainement d’être remboursée en 2030.

Cette obligation est convertible en actions et/ou numéraire à un prix de conversion fixé à 106,25 euros, ce qui représentant une prime de 25% par rapport au cours de référence de l'action. La société indique que la dilution représenterait 16,2% du capital si le droit de conversion était exercé pour l'ensemble des obligations.

"Afin de couvrir leurs expositions à l’action Exail, certains porteurs de l’obligation pourront vendre à découvert le capital à la faveur d’une ligne de prêt d’actions offerte par l’actionnaire Gorgé.S.A. portant sur 1 million de titres", ajoute le bureau d'études.

"Une occasion manquée" de simplifier le passif et la structure

Pour TP ICAP Midcap, Exail Technologies n'a pas fait un choix avisé en menant une telle opération. Son analyste, Julien Thomas, estime que l’émission d’une telle obligation est "une occasion manquée" par le groupe de transformer son refinancement en catalyseur positif.

"En effet, nous aurions privilégié le recours à une solution simple qui aurait permis de clarifier la structure, le passif et la valorisation du groupe. Nous estimons que le recours à une augmentation de capital de 120 millions d'euros (soit un levier de 2,8-4x) aurait impliqué une légère dilution de 7.5%", détaille-t-il.

"En lieu et place, le groupe a préféré émettre une obligation complexe portant un risque de dilution supérieure à 16% presque certain (le titre Exail ayant coté 110 euros il y a seulement 1 mois), perpétuelle mais devant être remboursée en 2030, dont les intérêts seront capitalisés à discrétion et qui crée une position short (vendeuse NDLR) portant sur environ 6% du capital du groupe", regrette le spécialiste, qui dégrade son opinion à conserver et abaisse son objectif de cours à 95 euros contre 106 euros.

Cette perspective d'une importante dilution fait aussi tiquer Invest Securities. "Si le refinancement du financement ICG était inéluctable et nécessaire au regard de son coût élevé et si la dilution sera limitée par le parcours boursier impressionnant depuis le début d'année (+445%), il n'en demeure pas moins que cette émission d'ODIRNANE (obligations convertibles en actions nouvelles et/ou échangeables contre des actions existantes de la société), s'avérera significativement dilutive", remarque le bureau d'études.

À la Bourse de Paris, les investisseurs partagent l'avis des spécialistes précédemment cités, Exail Technologies cède encore 3,6% vers 11h15 après avoir chuté de 7,4% dans les premiers échanges.

La société exposée au secteur porteur de la défense gagne cependant encore plus de 400% depuis le début de l'année, le contexte géopolitique actuel donnant en effet de solides arguments aux armées du monde entier pour s'équiper en systèmes de défense marine de plus en plus sophistiqués. Cette copieuse performance, qui ne met pas Exail Technologies à l'abri de quelques soubresauts boursiers, lui a d'ailleurs ouvert les portes du SBF 120 ce mois-ci.