(BFM Bourse) - Sur l'ensemble des introductions en Bourse de petites et moyennes valeurs depuis 2021, seule une poignée de sociétés est parvenue depuis à dégager une performance positive. Les conditions de marché restent certes peu propices à l'éclosion de nouvelles sociétés sur la cote. Mais résumer la réussite d'une opération uniquement à la météo boursière serait bien réducteur.
Déjà en perte de vitesse l'an dernier, le marché des introductions en Bourse est loin d'être sorti de sa torpeur depuis le début de l'année 2023. A fin mars, moins de 300 entreprises - 299 exactement - se sont introduites en Bourse dans le monde contre 326 l'an passé, soit une baisse de 8%, rappelait EY dans son dernier décompte.
Mais c'est surtout les montants levés qui ont accusé le coup. L'ensemble de ces nouvelles sociétés n'ont levé que 21,5 milliards de dollars, soit 61% de moins qu'à la même période de 2022, selon ce même baromètre du marché mondial des introductions en Bourse.
Le contexte de marché n'est toujours pas propice à un renouvellement de la cote. Le manque de visibilité induit par les conditions actuelles de marché a en effet limité les initiatives en la matière. La faillite de la Silicon Valley Bank et la chute soudaine de Credit Suisse a provoqué en mars une onde de choc sur les marchés financiers. Cet épisode a ainsi renforcé les inquiétudes des investisseurs concernant les taux d'intérêt et l'inflation, et a compliqué davantage les projets d'introduction en Bourse déjà bien précaires.
Mais résumer la réussite d'une opération uniquement "aux conditions de marché" serait réducteur. Les conditions offertes aux investisseurs et le respect des promesses faites au moment de l'annonce de l'opération sont aussi voire plus importantes que la météo boursière qui prévalait au moment de l'introduction en Bourse.
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Une histoire boursière crédible à raconter
Une entrée en Bourse n'est pas une opération anodine pour une société. C'est même une étape importante de sa vie. Pour aborder ce jalon dans les meilleures conditions, des sociétés prometteuses ont intégré Euronext TechShare, un programme lancé par l'opérateur paneuropéen à destination des entreprises innovantes et souhaitant se lancer dans l'aventure boursière.
Ce programme de formation s'articule ainsi autour de plusieurs modules, qui permettent aux sociétés d'aborder des thématiques telles que la construction d'une 'equity story' soit l'histoire boursière à raconter aux investisseurs, la valorisation d'une entreprise, la compréhension des attentes des investisseurs, les bonnes pratiques en termes de communication financière, de gouvernance d'entreprise et les obligations post-cotation. Le but étant de négocier au mieux cette étape clé pour ces sociétés en forte croissance et qui envisagent d'arriver sur les marchés financiers dans les 12 à 36 mois.
Au moment de l’introduction en Bourse, l'entreprise doit en effet proposer aux investisseurs une vision claire sur 3 à 5 ans, rappelle Nisa Benaddi, associée chez EuroLand Corporate. Pour maximiser les chances d'une histoire boursière réussie, elle rappelle que les sociétés doivent veiller à annoncer un projet de développement clair sur un segment de marché porteur qui est porté par un management impliqué, y compris au capital. Et plus les promesses faites au moment de l’introduction en Bourse sont tenues, "plus les investisseurs maintiendront leur confiance à la société, voire la renforceront, et de nouveaux rejoindront le capital", rappelle la spécialiste.
A l’inverse, il faut "éviter absolument de survaloriser la société, d’autant que cela implique des projections très, voire trop ambitieuses" et de survendre les perspectives, en gardant plutôt de la marge "de manière à surprendre positivement le marché", ajoute Nisa Benaddi. En revanche, les entreprises souhaitant uniquement s'introduire en Bourse pour financer leur cycle d’exploitation sans vision claire seront clairement évincées du choix des investisseurs.
La société Florentaise en a fait l'amère expérience. A court de liquidité et très endetté au moment de se présenter à la porte de la Bourse de Paris, le spécialiste des terreaux bas carbone a finalement levé moins que prévu en avril dernier. Par ailleurs, il n'a pas produit de prévisions sur les exercices à venir, seulement à horizon 2027. Une situation financière précaire et un manque de visibilité qui ont surement refroidi les petits porteurs de participer à l'aventure Florentaise. D'ailleurs, le constat est sans appel: la souscription des petits porteurs à cette opération a représenté 6% de l'offre totale.
Dans la douleur et avec l'appui en catastrophe d'investisseurs institutionnels, la société Florentaise a rejoint sur le fil le spécialiste de l'apprentissage de la conduite en ligne Lepermislibre qui avait fait ses premiers pas à la Bourse de Paris en février dernier. Ces deux entreprises ont montré la voie au groupe bordelais Mon courtier énergie qui a fait ses premiers pas boursiers cette semaine.
Seule une poignée de sociétés cotent au-dessus de leur prix d'IPO
Depuis janvier 2021, ce sont en tout près de 50 petites et moyennes capitalisations qui se sont introduites en Bourse, rappelle Nisa Benaddi. Et le bilan, depuis, est peu flatteur. Seules 5 entreprises de cet univers cotent au-dessus de leur cours d'introduction, soit environ 10% des sociétés, précise la spécialiste.
Parmi les valeurs qui ont remporté l'adhésion de la Bourse ces dernières années, on peut citer le spécialiste des trackers solaires OKwind dont le cours s'est apprécié de près de 130% depuis ses premiers pas boursiers en juillet 2022, dont une grande partie de la hausse (80%) a été réalisée en 2023. En revanche, du côté des valeurs - et c'est la majeure partie de cet échantillon - qui accusent le coup, le tableau est beaucoup moins reluisant avec des replis allant de -0,5% pour les plus résistantes à… -95% pour les grosses déceptions, AMA Corporation pour ne pas la citer.
Pour simplifier le graphique suivant, nous avons fait le choix de se concentrer uniquement sur les sociétés ayant fait une offre publique et d'écarter les placements privés et les cotations directes.
Variations arrêtées à la clôture du 1/06/2023
Si on rétrécit la loupe uniquement sur les entrées en Bourse de l'année 2023 à Paris, à savoir le Lepermislibre et Florentaise, les résultats sont peu engageants. Les titres des deux sociétés ont chuté de plus de 20% depuis leurs introductions en Bourse. En ce qui concerne Mon courtier énergie, on lui laissera un peu plus de temps pour revenir sur cette opération à l'occasion d'un futur bilan, la société ayant fait ses premiers pas boursiers ce mercredi.
"Toute déception peut générer une défiance des investisseurs et créer les conditions d’une chute progressive de l’action. Dans une telle hypothèse, il sera plus compliqué pour la société d’attirer des investisseurs, voire de lever des fonds dans de bonnes conditions", abonde Nisa Benaddi.
"Si l'on regarde les introductions en Bourse survenues ces dernières années, les 5/6e des entreprises évoluent sous leurs cours d'introduction ce qui tend à démontrer qu'elles étaient entrées sur la cote à un prix trop élevé. Et plus vous êtres petits, plus la probabilité de connaître une baisse après l'introduction est importante", précisait Pascal Quiry dans un précédent article consacré à la sous-performance des petites et moyennes capitalisations sur le marché parisien.
Malgré tout, la Bourse reste un formidable moyen pour les entreprises de se financer. Toutefois, les "conditions de marché" -systématiquement mises en cause lorsque l'opération n'aboutit pas- ne résument pas à elles seules l'échec ou la réussite d'une opération. Ce sont bien les conditions proposées aux investisseurs (multiples de valorisation demandés) qui in fine garantissent ou non la réussite du projet.
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