(BFM Bourse) - Le titre Essilorluxottica souffre à la Bourse de Paris ce mardi 9 décembre pénalisé par l'annonce du lancement en 2026 des lunettes d'intelligence artificielle de Google, en partenariat avec le coréen Gentle Monster. Ce qui démontre que le groupe, leader des lunettes connectées, doit s'attendre à une forte concurrence de la part des géants de la tech sur ce segment.
Essilorluxottica a impressionné les investisseurs cette année. Le spécialiste des verres, instruments d'optiques et propriétaire de Ray-Ban, a livré des publications solides, en particulier celle du troisième trimestre 2025. La société avait alors dégagé une croissance de 11,4% hors effets de changes ce qui avait catapulté son action (+12,98% sur une seule séance).
Les "wearables" ("objets connectés") et plus exactement les lunettes d'intelligence artificielle (IA) ont largement alimenté cette hyper-croissance, avec une contribution de quatre points de pourcentage.
"Les produits 'wearables' ont joué un rôle majeur dans notre profil de croissance du troisième trimestre, nous sommes réellement en train de construire une nouvelle catégorie avec des opportunités sans précédent pour développer les produits et services associés à nos lunettes", "avait déclaré en octobre le directeur financier Stefano Grassi.
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La montée en puissance de lunettes connectées marque le succès d'un partenariat débuté en 2019 avec le géant américain du numérique Meta. Les Ray-Ban Meta ont notamment été commercialisées dans le cadre de ce partenariat, connaissant un important succès. De nouveaux produits ont été lancés en 2025, comme les "Oakley Meta", des lunettes d'IA présentées comme à "haut performance", qui permettront, par exemple, l'enregistrement vidéo ultra-HD 3K et l'écoute de podcast.
Passée à l'achat sur le titre en octobre, Bank of America estime qu'Essilorluxottica a changé de statut en Bourse.
L'action plonge
Problème: la santé insolente du partenariat entre Meta et Essilorluxottica dans les lunettes connectées éveille forcément l'appétit de la concurrence. Notamment des grands groupes de tech américains et chinois.
Ce mardi 9 décembre, l'action Essilorluxottica plonge de 5,3% en début d'après-midi, accusant la plus forte baisse du CAC 40.
Plusieurs analystes expliquent que ce repli est à lier aux annonces de Google. Dans le cadre d'un évènement organisé lundi soir et baptisé "The Android Show", le mastodonte américain a annoncé le lancement de toute une série d'objets connectés fonctionnant sous le système d'exploitation Android XR, propulsé à l'IA. Dont des lunettes connectées.
Le groupe avait en réalité déjà indiqué en mai qu'il collaborait avec Samsung, le lunetier coréen Gentle Monster et le distributeur Warby Parker pour concevoir des lunettes d'IA.
Lundi, la société a précisé que le lancement de ces lunettes aurait lieu en 2026. "Comme les populaires Ray-Ban de Meta, la plupart de ces lunettes se connectent sans fil à un smartphone et dépendent de celui-ci pour traiter les demandes, qu'il s'agisse de demander à l'assistant IA Gemini de Google de jouer une chanson sur YouTube Music ou d'analyser des ingrédients devant vous pour proposer une recette", explique Chris Welch, journaliste tech de Bloomberg, qui a pu essayer ces différentes lunettes.
"Le fait que le téléphone prenne en charge une grande partie du traitement permet à ces lunettes d'être suffisamment fines et légères pour ressembler à des lunettes ordinaires", ajoute-t-il.
Une concurrence qui accélère
"Les lunettes intelligentes de Google répondent à toutes les exigences en matière de fonctionnalités désormais 'basiques' pour les lunettes intelligentes: vidéo, audio et connectivité", observe de son côté les analystes de Bernstein, menés par Luca Solca.
"Elles offrent également une intégration avec Google Gemini pour des fonctionnalités de traduction en direct. Mais surtout, Google proposera également une intégration multiplateforme: les photos prises avec ses lunettes intelligentes pourront être prévisualisées dans leur intégralité sur votre smartwatch ou votre téléphone (fonctionnant sous Android OS)", poursuivent-ils.
"Les applications mobiles sur votre téléphone, acquises via l'écosystème d'applications Android, peuvent également être redessinées (dans un format minimaliste qui rappelle Liquid Glass d'Apple) et projetées sur des lunettes fonctionnant sous Android XR", observent-ils encore.
Une véritable menace?
La longueur d'avance prise par Meta et Essilorluxottica dans les lunettes d'IA va-t-elle fondre comme neige au soleil? Le marché prend en tout cas peur.
D'autant qu'avant Google, Alibaba, le géant chinois du e-commerce, avait présenté fin novembre ses premières lunettes d'IA, baptisées" Quark" et fonctionnant avec son propre système d'IA générative, Qwen.
"L'annonce de Google souligne l'accélération de la concurrence sur le marché des appareils portables", écrit Bernstein.
"Nous pensons que les récentes annonces d'Alibaba et maintenant de Google ont marqué un changement clair dans l'orientation de la concurrence, qui passe de l'image de marque et du matériel informatique aux logiciels et aux écosystèmes technologiques. L'entrée de Google sur le marché et sa volonté d'accorder des licences à des tiers pour son écosystème (comme il l'a déjà fait avec Samsung) pourraient encore réduire les barrières à l'entrée", développe l'intermédiaire financier.
Bernstein avait très tôt prévenu, en septembre, qu'Essilorluxottica risquait d'être malmené par de nouveaux entrants sur ce marché.
"Ce qui est préoccupant, c'est le décalage entre les multiples de valorisation actuels (d'Essilorluxottica), qui atteignent des sommets, et les différentes menaces structurelles qui pèsent sur l'activité, la plus importante étant l'arrivée de nouveaux concurrents technologiques de taille dans le domaine des smartglasses", prévenait ainsi Bernstein.
Barclays, de son côté, juge ce mardi que la baisse du titre Essilorluxottica est "exagérée". La banque britannique estime que la concurrence de Google pourrait avoir un effet positif au sens qu'elle favorisera l'adoption des lunettes connectées, ce qui bénéficiera à l'ensemble du marché.
"Nous continuons à considérer la collaboration entre Meta et Essilorluxottica comme leader sur le marché, compte tenu des différents lancements récents, notamment un écran de réalité augmentée, et nous estimons qu'Essilorluxottica dispose d'un solide avantage concurrentiel grâce à son important portefeuille de marques, à son vaste réseau de magasins et à son intégration verticale", fait valoir l'établissement britannique.
Barclays s'attend à ce qu'Essilorluxottica dégage 4,5 milliards d'euros de revenus dans les "wearables" à l'horizon 2030, ce qui représenterait 12% du total, voire 8,8 milliards d'euros dans un scénario optimiste.
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