(BFM Bourse) - Le groupe d'optique a livré une croissance de 11,7% au troisième trimestre hors effets de changes, un record absolu pour la société franco-italienne, qui dépasse allègrement les attentes. Les "wearables", c'est-à-dire les lunettes d'intelligence artificielle développées avec Meta, ont contribué à hauteur de plus de 4 points de pourcentage.

Essilorluxottica n'est pas le pensionnaire le plus connu ou réputé du CAC 40. Et pourtant, le spécialiste franco-italien de l'optique est solidement ancré dans le top 10 des capitalisations boursières de l'indice parisien (sixième avec 128 milliards d'euros).

L'entreprise née en 2018 de la fusion d'Essilor et Luxottica va grandement se rapprocher du top 5 ce vendredi 17 octobre, voire l'intégrer.

L'action Essilorluxottica bondit de 10% ce vendredi 17 octobre en début de séance, portant la capitalisation boursière de la société à 141 milliards d'euros.

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Un trimestre record et "époustouflant"

Le titre est catapulté par une activité du troisième trimestre qui a affolé les compteurs. "Nous ne pouvions imaginer un meilleur début de second semestre pour l''année, avec une croissance record, le meilleur résultat de l'histoire d'Essilorluxottica", a déclaré Stefano Grassi, le directeur financier de la société, lors d'une conférence téléphonique avec des analystes.

Au troisième trimestre, le groupe d'optique a enregistré une croissance de 11,7% à taux de change constants, atomisant le consensus (la prévision moyenne des analystes), logé à seulement 8,4% hors effets de changes.

Stefano Grassi a précisé que les deux plus importantes et récentes acquisitions de la société, le spécialiste allemand de l'ophtalmologie médicale Heidelberg et la marque Supreme, avaient contribué à hauteur de deux points de pourcentage. Ce qui signifie que la croissance en données comparables est proche de 10%.

Essilorluxottica a notamment explosé les attentes en Amérique du Nord, région qui représente 44% de ses revenus. La croissance a atteint 12,1% hors effets de changes, quand le consensus se situait à 6,4%. En "Europe-Moyen-Orient Afrique", la société a enregistré une progression de 12,7% contre 9,7% attendu.

Royal Bank of Canada évoque une publication "impressionnante", Barclays parle d'un trimestre "époustouflant", Bernstein s'en tient à "robuste".

Bank of America est même passée à l'achat sur le titre. "L'entreprise est en train de passer d'une activité historique atone avec des projets prometteurs mais à faible visibilité (...) à un scénario ou les prévisions sont relevés sous l'effet des nouvelles initiatives, qui soutiennent également la croissance de l'activité historique et permette d'afficher une croissance à deux chiffres", écrit la banque.

Innovations à la chaîne

La grande force d'Essilorluxottica reste de mêler un modèle vertical, intégré, (qui va de la R&D et la fabrication de verres, lentilles, montures jusqu'aux magasins de distribution) à une innovation produit constante qui lui permet de soigner sa croissance et d'élargir son marché potentiel.

Le spécialiste de l'optique et propriétaire de la marque Ray-Ban dispose "d'un riche gisement d'innovation produits avec une focalisation sur la technologie", notait HSBC l'an passé. Essilorluxottica s'est, par exemple, diversifié vers les solutions auditives avec la gamme Nuance Audio, des lunettes qui corrigent la vision tout en incorporant des aides auditives.

Le groupe franco-italien a aussi développé Stellest, une gamme de lentilles pour freiner la myopie infantile, ce qui s'avère crucial à cet âge pour éviter des complications oculaires graves par la suite. Cette gamme, commercialisée en 2020, a connu un important succès en Chine, et a reçu fin septembre le feu vert des autorités sanitaires pour être vendue aux États-Unis. Une deuxième génération sera par ailleurs commercialisée en Chine au quatrième trimestre et dans d'autres pays l'an prochain.

Mais la figure de proue des innovations d'Essilorluxottica demeurent évidemment les lunettes d'intelligence artificielle (IA), fruit du partenariat débuté en 2019 avec le géant américain du numérique Meta. Les Ray-Ban Meta ont notamment été commercialisées en 2023 dans le cadre de ce partenariat, connaissant un important succès.

Quatre points de croissance pour les lunettes d'IA

En juin dernier, les deux sociétés ont étendu leur gamme en lançant "Oakley Meta", des lunettes d'IA présentées comme à "haut performance", qui permettront, par exemple, l'enregistrement vidéo ultra-HD 3K et l'écoute de podcast. En septembre, Meta et Essilorluxottica ont dévoilé une salve de nouveaux produits, avec les Oakley Meta Vanguard, destinées aux coureurs et cyclistes (elles intègrent les applications Strava et Garmin), la deuxième génération de Ray-Ban Meta, qui permettent de réaliser des vidéos ultra-HD 3K, ainsi que "Meta Ray-Ban Display" qui combinent les lunettes d'IA avec un écran couleur intégré dans le verre droit.

De bon augure, car les lunettes d'IA constituent déjà un grand moteur de croissance pour la société. Stefano Grassi a indiqué aux analystes que les "wearables" (les objets connectés, c'est-à-dire donc les lunettes d'IA) avaient contribué à la croissance du groupe à hauteur de plus de 4 points de pourcentage, hors effets de changes (c'est-à-dire donc plus d'un tiers de la croissance).

"Les produits 'wearables' ont joué un rôle majeur dans note profil de croissance du troisième trimestre, nous sommes réellement en train de construire une nouvelle catégorie avec des opportunités sans précédent pour développer les produits et services associés à nos lunettes", "a déclaré le directeur financier.

Non seulement ces lunettes se vendent bien mais elles entraînent des répercussions sur les autres activités. Stefano Grassi a expliqué qu'en dehors des lunettes d'IA, les ventes de Ray-Ban dans le solaire et les lunettes de prescription (verres correcteurs) avaient enregistré des croissance "high single digit" (entre 7% et 9%) pour la première catégorie et de plus de 10% pour la seconde. Conclusion du directeur financier: les lunettes d'IA créent "un effet de halo" sur les autres activités de Ray-Ban.

Par ailleurs, sans les confirmer explicitement, Stefano Grassi a évoqué de lui-même des "rumeurs" rapportant que d'autres marques d'Essilorluxottica pourraient rentrer dans le partenariat avec Meta, lorsqu'il a évoqué les perspectives de la société.

Le directeur financier a aussi indiqué aux analystes que les capacités du groupe (en interne comme externe) dans les lunettes connectées atteindrait la barre des 10 millions d'unités "plus tôt que prévu". La société comptait auparavant parvenir à ce seuil d'ici à la fin de 2026.

Confiance pour la suite

Pour le quatrième trimestre, le directeur financier a expliqué aux analystes que les trois premières semaines d'octobre avaient montré une "accélération de tendance" dans plusieurs métiers. Le dirigeant s'est dit "confiant", car l'activité sera portée par le lancement de la gamme Stellest aux États-Unis, celui de la deuxième génération de verre Stellest en Chine, et, bien sûr, par les récents nouveaux modèles de lunettes d'IA.

"Nous considérons Essilorluxottica comme un groupe de qualité , offrant un potentiel de croissance attractif reposant sur la différenciation des lentilles, les appareils portables et les technologies médicales", apprécie Barclays dans sa note écrite jeudi soir. Début septembre, l'établissement avait initié sa couverture à "surpondérer" (équivalent d'acheter) sur le titre, tablant sur une croissance de 6% par an pour ce groupe "à l'intersection de la consommation de luxe et de la santé".

Bernstein reconnaît que la dynamique de court terme de la société est "claire" et robuste, avec de nouveaux produits qui vont doper la croissance tout au long de 2026.

L'intermédiaire financier a toutefois des inquiétudes. "À plus long terme, ce qui est préoccupant, c'est le décalage entre le multiple de valorisation actuel, qui atteint des sommets, et les multiples menaces structurelles qui pèsent sur l'activité, la plus importante étant l'arrivée de nouveaux concurrents technologiques de taille dans le domaine smartglasses", fait valoir Bernstein.

"Une concurrence accrue dans le domaine des 'wearables' semble inévitable", insiste l'intermédiaire financier. Pour Bernstein, toute la question pour l'action Essilorluxottica est de savoir dans combien de temps les autres géants américains de la tech vont investir ce terrain.