PARIS (Reuters) - En évoquant une hausse des tarifs de l'électricité en France de 20% sur trois ans ou plus, le P-DG d'EDF, Pierre Gadonneix, a déclenché une tempête politico-médiatique qui l'a mis dans une position délicate vis-à-vis des pouvoirs publics.
Ses déclarations interviennent dans un contexte de crise qui les rendent politiquement très délicates et alimentent les spéculations sur son avenir à la tête du groupe, son mandat arrivant à échéance à l'automne.
Sur la forme, le gouvernement n'a guère apprécié que Pierre Gadonneix évoque une hausse tarifaire sans le consulter auparavant. D'autant que, si EDF a été introduit en Bourse en 2005, l'Etat détient encore près de 85% de son capital et garde le pouvoir de fixer le prix de l'électricité.
"Quand on veut les étoiles, on demande la lune", a commenté la ministre de l'Economie, Christine Lagarde, peu après la publication des propos de Pierre Gadonneix.
Dans l'entourage de Nicolas Sarkozy, on estime que les déclarations du P-DG d'EDF pourraient s'avérer contre-productives : "En interpellant les pouvoirs publics comme il le fait, il dessert sa cause. En faisant de l'augmentation de 20% qu'il demande une affaire d'opinion, ça n'incite pas les pouvoirs publics à aller dans son sens."
Le P-DG d'EDF a ensuite voulu atténuer ses propos en estimant qu'ils avaient été sortis de leur contexte, mais le gouvernement ne semble pas pour autant disposé à satisfaire sa demande de hausse, qui atteindrait 7% environ par an en moyenne si elle était étalée sur trois ans.
"L'augmentation qu'il aura sera très très loin de ça en rythme annuel. Ça sera très très loin de ce qu'il souhaite", selon un conseiller du chef de l'Etat.
"ERREURS D'INVESTISSEMENT"
Sur le fond, l'argumentaire du P-DG de l'électricien public semble pourtant solide : il fait valoir que le prix de l'électricité en France est resté stable depuis 20 ans pour les ménages alors que le budget consacré à l'eau et au téléphone a bondi et souligne que les tarifs français restent inférieurs d'environ 30% à la moyenne européenne.
Surtout, Pierre Gadonneix rappelle qu'EDF doit investir massivement en France, notamment pour prolonger la durée de vie de ses 58 réacteurs nucléaires.
Si les projets du groupe dans l'Hexagone ne sont pas contestés, sa stratégie à l'international est loin de faire l'unanimité, notamment le coût de l'acquisition de British Energy et le projet de rachat de la moitié des actifs nucléaires de l'américain Constellation, pour un montant total d'environ 17 milliards d'euros.
"Les seuls points qui font l'objet d'une contestation ce sont les investissements à l'étranger. Est-ce qu'il fallait investir à ce niveau de prix au Royaume-Uni ? Est-ce qu'il fallait aller aux Etats-Unis ?", déclare-t-on à l'Elysée, tout en soulignant que l'Etat, représenté au conseil d'EDF, ne s'est pas opposé à ces investissements.
Henri Guaino, le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, évoquait pour sa part des "erreurs d'investissement à l'étranger" lors d'un entretien au Parisien publié le 13 juillet, sans préciser si ces erreurs avaient été commises par Pierre Gadonneix ou son prédécesseur, François Roussely.
UNE DETTE À 43 MILLIARDS À FIN 2009
Pierre Gadonneix a pour sa part souligné lors d'un entretien à Reuters que les investissements très lourds d'EDF à l'étranger ne posaient pas les mêmes problème qu'en France dans la mesure où ils étaient couverts par ses revenus internationaux.
"A l'international, la dette est entièrement couverte par des recettes. Le problème, c'est l'augmentation de l'investissement en France, qui est essentiellement de l'investissement de maintenance", a-t-il dit.
L'avenir de Pierre Gadonneix à la tête d'EDF est-il menacé ? Les observateurs soulignent en tout cas le côté incongru et inhabituel de ses propos sur les tarifs, qui tranchent singulièrement avec la prudence dont il a fait preuve depuis sa nomination à la tête de la société, en 2004.
Selon un bon connaisseur de la société, Pierre Gadonneix pourrait avoir été informé que sa place était menacée et préparerait ainsi sa sortie de scène. Une source proche du gouvernement a cependant déclaré il y a peu à Reuters que des informations selon lesquelles l'Elysée aurait décidé de le remplacer n'étaient pas fondées.
EDF, qui prévoit d'investir 7,5 milliards d'euros en France en 2009, soit 2,5 milliards de plus qu'en 2008, vient par ailleurs de récolter environ 3,2 milliards à travers un emprunt réservé aux particuliers.
L'endettement du groupe, qu'il cherche à réduire à travers un programme de cessions, s'élevait à 24,5 milliards d'euros à fin 2008 contre 16,3 milliards fin 2007. Selon le consensus Reuters Estimates, il atteindra près de 43 milliards à fin 2009.
par Benjamin Mallet et Emmanuel Jarry, Edité par Jean-Michel Bélot
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