par Yann Le Guernigou
PARIS (Reuters) - Crédit agricole SA annonce une perte nette supérieure aux attentes pour le quatrième trimestre, du fait d'un impact - 3,3 milliards d'euros - plus lourd qu'anticipé de la crise des marchés du crédit.
Mais le véhicule coté de la banque verte a rassuré en partie les marchés en indiquant qu'il n'entendait pas se lancer dans des acquisitions nouvelles et en annonçant un dividende en légère hausse au titre de 2007, même si le fait qu'il sera en bonne partie payé en actions fait dire aux analystes qu'il s'agit de facto d'une "augmentation de capital déguisée".
La perte nette du dernier trimestre s'est élevée à 857 millions d'euros en part du groupe, contre un bénéfice de 1.060 millions un an plus tôt, soit plus que les -627 millions attendus par les analystes interrogés par Reuters.
Elle s'explique par une perte de 1.912 millions d'euros chez Calyon, la filiale de banque de financement et d'investissement, sous le poids de dépréciations et provisions d'un montant total de 3,3 milliards d'euros, soit 800 millions de plus que ce qui avait été annoncé fin décembre.
La différence tient au risque représenté par les protections achetées auprès des rehausseurs de crédit américains, sur lequel les provisions sont passées de 400 millions prévu à 1,2 milliard d'euros. Pour le reste, l'impact de la crise a pris essentiellement la forme de dépréciations sur le portefeuille de CDO (structurés de crédits adossés à des titrisations de crédits immobiliers américains) pour 1,3 milliard et sur l'exposition au rehausseur de crédit ACA, qui a vu sa notation dégradée de huit crans, pour 800 millions d'euros.
"PAS DE CATASTROPHE"
Sur l'ensemble de 2007, l'impact total de la crise des marchés du crédit sur les comptes de Crédit agricole SA atteint 4,1 milliard d'euros avant impôt, dont 3,22 milliards en revenus et 802 millions en provisions spécifiques.
Le résultat net de l'exercice, qui avait bénéficié d'importantes plus-values en début d'année, ne recule cependant que de 16,8%, à 4.044 millions d'euros.
Le véhicule coté de la banque verte, qui s'était engagé fin 2007 à ne pas faire baisser son dividende, en proposera un en hausse de 4,3% à 1,20 euro, qui correspond à un taux de distribution de quasiment 50% du bénéfice net.
Les actionnaires auront la possibilité de demander qu'il soit payé à 80% en actions, une option d'ores et déjà acceptée par les banques régionales du groupe, qui en possèdent 54,1% du capital.
Crédit agricole devrait pouvoir ainsi économiser jusqu'à un maximum de 1,6 milliard d'euros tout en renforçant ses fonds propres, l'impact de cette option étant déjà de 0,2 point sur le ratio de solvabilité Tier One, qui s'élève à 8,1%, si son exercice était le seul fait des caisses régionales.
"Il n'y a pas de catastrophe dans ces résultats, mais rien de bien inspirant non plus", déclare un analyste d'une banque européenne à Londres.
Un autre analyste, qui va dans le même sens, relève toutefois que l'exposition nette de la banque aux rehausseurs de crédit américains reste à un niveau élevé (2,1 milliards d'euros) par rapport à celle de concurrents comme BNP Paribas (700 millions) ou Société générale (400 millions).
DÉMARCHE SUR BANKINTER "AMICALE"
Jacques Tissier, gérant chez Stratège Finance, estime pour sa part que "le fait que la banque ait déclaré qu'elle n'envisageait pas de grosses acquisitions a été bien perçu".
En Bourse de Paris, l'action Crédit agricole progressait de 3,14% à 17,75 euros vers 10h35, surperformant l'indice DJ Stoxx des banques européennes (+0,71%). Elle accuse néanmoins depuis le début de l'année une baisse supérieure à celle de l'indice (-23% contre -19,5%) après l'avoir déjà sous-performé de près dix points de pourcentage en 2007.
Outre la crise des marchés du crédit, les marchés se sont inquiétés récemment des velléités de croissance externe du groupe après son irruption au prix fort, à hauteur de 20% fin 2007, dans le capital de la banque espagnole Bankinter.
Le directeur général, Georges Pauget, a souligné devant les analystes que le Crédit agricole avait dans cette affaire fait exception à sa stratégie consistant à privilégier les prises de participation majoritaires.
Le directeur financier, Bertrand Badré, a indiqué pour sa part que le groupe entendait développer une "relation amicale" avec le management et les actionnaires de la banque espagnole.
S'agissant du regain des spéculations autour du sort de la Société générale, affaiblie par une perte record provoquée par un de ses traders, Georges Pauget a déclaré que "si le paysage bancaire français devait évoluer, il va de soit que nous ne resterons pas indifférents".
Par métiers, deux pôles se sont distingués positivement au quatrième trimestre, celui des services financiers spécialisés qui, grâce à sa croissance externe, a dégagé un bénéfice net multiplié par 2,3.
L'autre est celui de la gestion d'actifs, assurances et banque privée qui, du fait d'une plus-value de 224 millions d'euros sur le dénouement de la coentreprise Nextra avec Intesa Sanpaolo, a vu son résultat net progresser de 29,9%.
La gestion d'actifs a néanmoins souffert de la crise, enregistrant une décollecte de cinq milliards d'euros sur le quatrième trimestre due notamment à la gamme VAR (produits monétaires "dynamiques").
Le pôle banque de détail à l'étranger, avec une contribution en baisse de 10,8%, a accusé l'impact de coûts d'intégration en Italie et d'une dépréciation sur la filiale ukrainienne.
En France, la contribution des caisses régionales est restée stable et le groupe estime que la croissance de leurs revenus, limitée à 1,2% hors éléments volatils, a touché un point bas en 2007 et devrait se redresser.
Quant à LCL, son activité a connu un net rebond (+4,1% en sous-jacent) au quatrième trimestre mais, avec une performance de 2,5% sur l'ensemble de 2007, elle est en retrait de deux points ou plus par rapport à celle des concurrents BNP Paribas et Société générale.
avec Sudip Kar-Gupta
Copyright (C) 2007-2008 Reuters
Recevez toutes les infos sur CREDIT AGRICOLE en temps réel :
Par « push » sur votre mobile grâce à l’application BFM Bourse
Par email