(BFM Bourse) - Après s'être envolés ces deux dernières années, les cours de l'un des breuvages phares du petit déjeuner accusent une chute historique depuis le début d'année. Le contrat à terme sur le concentré de jus d'orange lâche plus de 50% sur la période.
Plusieurs matières premières progressent depuis le début de l'année. Mi-mars, les cours de l'or ont ainsi franchi pour la première fois de leur histoire, le cap symbolique des 3000 dollars l'once, quand ceux du cuivre flambent de 30% depuis le début d'année, par anticipation des droits de douane américains sur le métal rouge.
Une matière première, comestible cette fois-ci, reste à l'écart de cette envolée des cours. Ils accusent même un gros coup de mou depuis le début de l'année. Ce sont les cours du concentré congelé de jus d'orange, matière première indispensable à la boisson, et qui font office de référence.
Le contrat à terme sur la matière première lâche plus de 50% depuis le 1er janvier, passant de 5,26 dollars la livre à moins de 2,50 dollars, signale le Financial Times.
Selon Bloomberg, si cette baisse venait à se maintenir à la fin du mois, il s'agirait de la plus forte variation trimestrielle jamais enregistrée depuis 1967.
Cette baisse témoigne aussi d'un violent retournement de tendance sur la matière première. L'an passé, le cours du jus d'orange gravitait à des records en raison de tensions sur l'offre, c'est-à-dire sur la production d'oranges.
Elle avait alors été perturbée par des phénomènes métrologiques extrêmes dans les principaux pays producteurs, tels que le Brésil, ainsi que par la "maladie du dragon jaune", qui avait décimé les récoltes. Elle est causée par une bactérie transmise par des insectes semblables à des pucerons, et amène les arbres fruitiers à produire des fruits plus petits et amères et souvent impropres à la vente.
À côté, la demande avait explosé après la pandémie de Covid-19, les consommateurs cherchant à renforcer leur apport en vitamine C avec le précieux breuvage orangé.
Un goût amer
Sans surprise, cette flambée des cours a été répercutée sur le ticket de caisse du consommateur final. In fine, la demande a fini par être rattrapée par ces hausses de prix, ce qui a inévitablement pesé sur les cours du concentré congelé.
D'autant que, au-delà des tarifs en magasins, la demande des consommateurs a été pénalisée par un autre problème. "La faible qualité du jus d'orange et la demande limitée en raison des niveaux de prix élevés ont entraîné de fortes baisses de prix sur le marché international en ce début d'année 2025", explique le Centre brésilien d'études avancées en économie appliquée (CEPEA) dans une note publiée le 17 mars.
En raison des maladies qui ont touché les orangers, la qualité des fruits a fortement chuté, avec des oranges au goût amer. "Si le goût est un peu plus amer, cela aggravera le problème [de la demande]", a déclaré au Financial Times Andrés Padilla, analyste chez Rabobank. "Avec si peu de récoltes, les broyeurs ont dû prendre toutes les oranges qui arrivaient, cela a diminué la qualité - si vous n'avez pas les stocks, vous ne pouvez pas vraiment les mélanger pour obtenir des [fruits] de meilleure qualité", poursuit l'analyste.
Le CEPEA a d'ailleurs signalé que le rapport sucre/acide des oranges était tombé en dessous du niveau optimal pour le broyage, ce qui nuit à la qualité du jus. En temps normal, les fabricants de jus d'orange parviennent à gommer les différences de goût d'une saison à l'autre en mélangeant les stocks de jus d'orange congelé - dont la durée de vie est de deux ans - de la saison précédente avec ceux de la nouvelle récolte, explique le Financial Times. Mais ce tour de passe-passe à des limites. Ces trois années consécutives de baisse de l'offre sont en effet venus épuiser les stocks de l'agrume.
En plus de cette baisse de la demande, les prix chutent par anticipation de récoltes plus abondantes au Brésil, pointe également Andrés Padilla .La prochaine campagne de récoltes d'oranges qui commence en juillet pourrait être en hausse de 20% par rapport à l'année prochaine, explique le spécialiste au Financial Times, à la faveur de précipitations plus importantes dans le pays.
Pour autant, cette baisse des cours ne va pas tout de suite profiter au consommateur final. La plupart des distributeurs ont signé des contrats d'approvisionnement lorsque les cours du jus d'orange étaient au plus haut, explique au media financier Harry Campbell, analyste spécialisé en matières premières chez Expana.
Selon l'expert, cette situation empêche pour l'heure toute baisse immédiate des prix pour les consommateurs. La demande est donc pour le moment faible, car les prix en rayon restent à des niveaux élevés.