(BFM Bourse) - Le rendement du titre de dette à 10 ans de la France se détend marginalement sur le marché secondaire, tandis que l'écart avec celui de l'obligation de même échéance avec l'Allemagne augmente un tantinet.
Si la dégradation de la note de crédit de la France par l'agence S&P constitue assurément un revers politique pour l'exécutif, à une semaine des élections européennes, le marché lui ne s'émeut guère de cette décision.
Ce lundi matin, le rendement (une mesure du coût d'emprunt) de l'obligation à 10 ans de la France sur le marché secondaire est quasiment inchangé, s'établissant à 3,104% contre 3,130% vendredi soir, avant l'annonce de la décision de l'agence de notation américaine.
Une façon de mesurer le degré de "stress" du marché sur la dette souveraine d'un pays européen est de comparer le rendement du titre de dette à 10 ans de ce pays avec celui de l'Allemagne, pays de référence car très vertueux en matière de finances publiques. C'est ce que l'on appelle le "spread" (l'écart). Plus ce spread grandit, plus le stress augmente.
Ce lundi, le spread entre le rendement des obligations françaises et allemandes à 10 ans s'inscrit à un peu plus de 47 points de base (0,47 point de pourcentage) contre 46 points vendredi. Rien de dantesque puisque cet écart a régulièrement dépassé les 50 points de base en 2024, et s'établissait d'ailleurs à 54,7 points de base début janvier, selon les données d'investing.com. >> Accédez à nos analyses graphiques exclusives, et entrez dans la confidence du Portefeuille Trading
"Pas d'impact notable"
Vendredi en fin de soirée, S&P a abaissé d'un cran la note de crédit de la France, passant de "AA" à "AA-", la quatrième note la plus élevée pour un émetteur dans son classement. Ce qui revient quelque peu à se caler sur la note attribuée par Fitch, qui avait dégradé la France à "AA-" en avril 2023. Moody's est désormais l'agence la plus "généreuse" avec l'Hexagone puisqu'elle lui attribue une note de "Aa2", la troisième plus élevée dans sa nomenclature.
La décision de S&P ne devrait pas "avoir d’impact notable sur les taux d’intérêt français à court terme vu que cette dégradation était en grande partie attendue (S&P avait une perspective négative depuis longtemps), que cela aligne la note de la France avec celle de l’agence Fitch (l’agence Moody’s conserve une note plus élevée d’un cran) et que la notation de la France reste élevée", explique Xavier Chapard stratégiste de LBPAM.
"Mais cela confirme la dégradation tendancielle des finances publiques de la France et le besoin d’ajustement budgétaire important. Avec la probable défaite du gouvernement aux élections européennes et l’annonce d’une procédure de déficit excessif contre la France attendu cet été, nous restons prudents sur la dette française à moyen terme et préférons les dettes des pays du sud", ajoute-t-il.
"La dégradation d’un notch (d'un cran de la France, NDLR) n’aura pas d’effet sur le niveau des taux d’intérêt de long terme. La demande d’actifs européens est toujours élevée et l’Allemagne n’a plus rien à vendre", a de son coté écrit sur X (ex-Twitter) Philippe Waechter, économiste en chef chez Ostrum Asset Management.
Des émissions bien reçues depuis le début de l'année
Depuis le début de l'année, plusieurs émissions de dette souveraine de pays de la zone euro (comme la Belgique ou la France) ont été bien reçues, les investisseurs achetant les papiers de ces pays, faute de pouvoir acquérir de la dette allemande dans leur portefeuille.
En janvier la zone euro avait émis pour 200 milliards d'euros d'obligations, un record sur un mois selon Barclays cité par le Financial Times. "Le marché continue de faire preuve d'un appétit étonnant pour absorber les obligations d'État européennes, ce qui s'explique en grande partie par le changement des perspectives macroéconomiques", a déclaré Rohan Khanna, responsable de la stratégie des taux d'intérêt en euros chez Barclays, cité par le quotidien britannique.
En avril, les économistes de Pictet Wealth Management, jugeaient que malgré le risque de dérapage des finances publiques françaises, la hausse des rendements obligataires français devrait rester très contenue.
"Alors qu'un éventuel abaissement des notes souveraines de la France dans les semaines à venir pourrait entraîner un nouvel élargissement des spreads, nous maintenons notre spread de fin d'année de 60 points de base pour les obligations françaises à 10 ans", expliquait la banque.