(BFM Bourse) - Après avoir déjà injecté 53 milliards de dollars de liquidités dans le système financier mardi, la Réserve fédérale américaine est de nouveau intervenue massivement sur le marché, à travers son outil de prises de fonds en pension à un jour (dit "repo") pour éviter aux banques et aux entreprises une forte hausse de leurs coûts d'emprunts à court terme. Cela faisait dix ans que l'institution monétaire n'avait pas procédé à ce type d'opération. Faut-il s'en inquiéter ?
Pour la première fois depuis la crise financière de 2008, la Réserve fédérale américaine est intervenue sur les marchés financiers via des opérations "repo" qui correspondent aux transactions à très court terme qui permettent aux banques et entreprises de se refinancer. Dans le détail, l'institution monétaire a injecté 75 milliards de dollars à travers son outil de prises de fonds en pension à un jour ("repo") pour un peu plus de 80 milliards de dollars demandés par les banques et entreprises. La veille, la Fed avait déjà injecté 53 milliards de dollars de liquidités dans le système financier.
Comment fonctionne le "repo market" ?
Un "repo" (ou "pension livrée" en français), contraction utilisée aux États-Unis pour l'expression "Sale and Repurchase Agreement", ou accord de rachat ou opération de pension, constitue un instrument financier important sur le marché monétaire. Il s'agit du refinancement d'actifs financiers négociables (obligations, BTAN, certificats de dépôt, actions, etc.) à un taux d'intérêt négocié entre les deux parties contractantes qui, dans la vaste majorité des opérations, sont des banques.Or, les banques ne s'appuient plus sur leurs dépôts, comme elles l'ont historiquement fait. Autrement dit, si auparavant elles s'assuraient d'avoir les dépôts nécessaires pour mener à bien des opérations, elles recourent désormais sur des prêts à court-terme pour respecter leurs engagements quotidiens. Et à cet égard, le financement dit "au jour le jour" est un élément très important.
Le "repo market" se doit donc d'être particulièrement sûr pour plusieurs raisons. Premièrement, car l'on attend des banques qu'elles sachent de combien de liquidités elles ont besoin dans les heures à venir, mais aussi parce qu'elles devraient toutes être suffisamment solides financièrement pour être considérées comme dignes de confiance par leurs pairs. Ce dernier concept, basé sur la confiance réciproque, est très important car l'intervention de la Fed signifie ni plus ni moins que cette confiance a été brisée quelque part. Concrètement, cela veut dire que l'ensemble des acteurs du marché, banques en tête, se sont subitement détourné d'un intervenant (banque ou entreprise, cela n'est pas connu pour le moment), craignant de lui prêter des fonds.
Cette situation est d'autant plus problématique qu'elle ravive les fantômes de la crise financière de 2008 quand les banques, paniquées à l'idée de savoir laquelle d'entre elles allait s'effondrer, avaient cessé de se prêter de l'argent les unes aux autres, grippant le système entier.
Seul point rassurant qui laisse à penser que le problème est sous contrôle : alors que la Fed avait proposé mardi d'injecter 75 milliards de dollars dans le système financier, seulement 53 milliards de dollars ont effectivement été utilisés.
Cette injection technique de liquidités ne devrait toutefois pas avoir d'incidence sur la politique monétaire alors que la Fed doit rendre son verdict mercredi, et que le marché anticipe toujours une baisse de 0,25% du taux interbancaire au jour le jour. Elle reflète néanmoins une certaine tension sur le volume de liquidités disponibles en dollars.
La Fed est intervenue "pour maintenir le taux au jour le jour près de sa cible"
Pour des raisons techniques, le taux des prises en pension à un jour (repo) a fortement grimpé lundi, dépassant trop largement celui des taux au jour le jour fixé directement par la Fed (qui évolue entre 2% et 2,25%). Plusieurs facteurs, dont une forte demande de dollars de la part des entreprises sur le point de payer une échéance fiscale, ont fait gonfler ce taux et cela s'est répercuté dans la foulée sur les taux au jour le jour de la Fed. Ceux-ci se sont ainsi établis à 2,25% mardi pile sur la marche haute de sa fourchette d'évolution, contre 2,14% à la clôture de vendredi dernier.La Fed a donc justifié son opération de mercredi matin (entre 8h15 et 8h30, afin de fluidifier l'offre au moment où les acteurs financiers se refinancent quotidiennement) par sa volonté de "maintenir les fonds fédéraux dans la fourchette de 2% à 2,25%", comme indiqué dans son communiqué.
Parmi les raisons avancées par certains analystes pour expliquer les tensions sur ce marché du refinancement à court terme : le gonflement des déficits et du besoin de financement du gouvernement... ainsi que la décrue des réserves de la Fed dans le cadre de la diminution de son portefeuille d'actifs achetés massivement après la crise financière.