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Marché : Airbus, Safran, Thales... L'État possède environ 200 milliards d'euros d'actions, Bercy évoque des cessions mais pour financer quoi?

jeudi 17 juillet 2025 à 17h35
Le ministère des Finances à Bercy

(BFM Bourse) - Le Premier ministre, François Bayrou a évoqué des ajustements dans les participations de l'État qui représentent un patrimoine de pas loin de 200 milliards d'euros. Mais gare aux potentielles cessions inopportunes.

C'est une idée qui revient régulièrement dans les suggestions des personnalités politiques: alléger les participations détenues par l'Etat au capital d'entreprises. Et utiliser la manne perçue pour investir ou se désendetter. À l'automne dernier, plusieurs poids lourds du camp présidentiel, notamment l'ancien ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, avaient avancé cette possibilité, restée lettre morte.

Le Premier ministre, François Bayrou, l'a remise en piste mardi 15 juillet. Lors de la présentation de ses mesures pour réduire le déficit public et relancer l'activité, le locataire de Matignon a évoqué le fait que l'État détienne des participations "dans des entreprises". "Dans certaines, la participation de l'État pourrait être diminuée, sans réduire son influence". Le chef du gouvernement a ajouté que "le patrimoine ainsi dégagé" pourrait être mis en œuvre pour "aider à de grands programmes de recherche".

À combien se chiffrent actuellement les participations détenues directement par l'État français? Ce patrimoine est piloté par l'Agence des participations de l'État (APE). Dans son dernier rapport d'activité, arrêté au 30 juin 2024, l'agence indiquait détenir des parts dans 82 entreprises dont 10 cotées en Bourse, pour un montant (la valeur totale de ces participations) de 179,5 milliards d'euros (avec 50 milliards d'euros sur les seules les entreprises cotées).

Depuis, la valeur des participations cotées a évolué. Sur la base de certaines hypothèses (*), détaillées en fin d'article, BFM Bourse calcule que les participations de l'APE dans onze sociétés cotées (nous avons ajouté Eutelsat) sont, au total, valorisées à environ 68,6 milliards d'euros, en hausse de 37% sur un an.

Les quatre plus fortes participations sont les 10,8% que l'État détient dans Airbus (15,7 milliards), suivis des 11,6% au capital de Safran (14 milliards d'euros) et des 26,6% dans Thales (13,5 milliards d'euros).

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"Un total de près de 200 milliards d'euros

Comme nous l'avons expliqué dans un précédent article, la hausse de la valeur de ce patrimoine s'explique essentiellement par le bond des valeurs d'aéronautique et de défense, un secteur qui a le vent en poupe sur le marché cette année, porté par les nombreuses annonces de hausses des budgets militaires en Europe.

L'action Thales, par exemple, s'adjuge 78% depuis le début de l'année. Orange (+37%) et Engie (+26,8%) signent également de belles performances. Le premier a été porté par des résultats et des objectifs meilleurs qu'attendu en France et par des espoirs de consolidation du secteur des télécoms dans l'Hexagone et le second par plusieurs bonnes publications.

En supposant que la valorisation du périmètre non coté de l'État soit stable sur un an, nous arrivons à des participations de l'APE valant au total 198,1 milliards d'euros.

Quelles cessions ?

Quelles cessions pourraient opérer l'État? Interrogé par BFM Bourse, un porte-parole de Bercy a évoqué "une réflexion en cours" sur les participations publiques sans donner de davantage de précision.

Le porte-parole a toutefois souligné que des cessions, si elles devaient avoir lieu, serviraient à financer l'investissement et non pas la réduction de la dette publique. Car la résorption de la dette due à des ventes de participations n'entrent pas dans les calculs des organismes statistiques de référence (Insee, Eurostat) et donc dans la prise en compte de la dette dite "au sens de Maastricht", celle qui respecte les règles européennes en la matière.

Si pour l'heure aucun indication sur les potentielles cessions n'a donc été donné, rappelons qu'il est plus aisé de réduire la voilure sur les participations dans des sociétés cotées, puisque par essence un prix de marché existe.

L'État a déjà par le passé cédé des actions de l'équipementier aéronautique Safran (en 2015 et 2018 par exemple) ou dans le groupe énergétique Engie (en 2017). La loi Pacte de 2019 a par ailleurs fourni le cadre légal à l'Etat pour privatiser Aéroports de Paris, dont il détient actuellement 50,4% du capital. Mais cette opération, rendue impossible par la crise sanitaire ces récentes années, représente un important risque sur le plan politique.

En 2014, le portefeuille de titres cotés gérés par l'APE représentait ainsi 85 milliards d'euros contre, donc, environ 68,6 milliards d'euros à l'heure actuelle.

À l'heure actuelle, il est permis de se demander si l'État a besoin de posséder une participation aussi importante au capital de l'opérateur de jeux d'argent FDJ United (le nouveau nom de FDJ) de 21,1%, voire d'Engie (23,6%), pour peser dans ses décisions.

Attention "aux mauvais choix financiers"

"Il peut y a voir du superflu (dans ces participations de l'État, NDLR) mais à de rares exceptions près cela me paraît une mauvaise idée" d'alléger les participations de l'État, tranche Vincent Juvyns, directeur de la stratégie d'investissement chez ING Belgium.

"L'éléphant dans le magasin de porcelaine, comme dans d'autres pays d'Europe, reste la dépense de l'État", ajoute-t-il.

L'expert de marché souligne que les participations de l'État se font au sein d'entreprises stratégiques, comme Thales, Safran, Airbus ou Orange. De plus, Vincent Juvyns appelle à "ne pas faire de mauvais choix financier". "Beaucoup de participations de l'État rapporte un dividende avec un taux de rendement supérieur à celui du coût de financement de l'État et donc céder du capital peut s'avérer inopportun", prévient-il.

En 2023, l'État actionnaire a perçu pour 2,34 milliards d'euros de dividendes. Les dix entreprises cotées représentaient le gros de cette somme, à savoir 1,6 milliards d'euros.

Rappelons que l'État actionnaire n'a pas vocation à investir dans des sociétés comme un actionnaire traditionnel, qui se concentrerait sur la performance pure et dure. "L’État n’est pas un actionnaire comme un autre", jugeait la Cour des comptes dans un rapport de 2017. Les enjeux de souverainetés priment. "La mission de l’APE est de gérer le portefeuille de participations de l’État, investisseur en fonds propres dans des entreprises jugées stratégiques, pour stabiliser leur capital et les accompagner dans leur développement et leur transformation", souligne d'ailleurs l'agence sur son site.

Soulignons également qu'outre l'État, des organismes publics et parapublics possèdent des participations dans des groupes cotés. C'est le cas de Bpifrance, actionnaire de Stellantis, Worldline ou encore Eutelsat, ou plus récemment de Veolia et de la Caisse des dépôts et consignations, présente au capital d'Emeis (ex-Orpea), d'Euronext, d'Icade, ou encore de la Compagnie des Alpes.

(*) Pour calculer la valeur du portefeuille coté de l'APE nous avons pris la capitalisation boursière de chaque société, à savoir Airbus, Thales, Safran, Engie, ADP, Orange, Renault, FDJ United, Air France-KLM et Eramet, sur la base des données d'Euronext. Nous avons calculé la participation en prenant le pourcentage de détention de l'APE, par exemple 26,6%. Nous avons également ajouté une participation de 13,6% au capital d'Eutelsat, Bpifrance ayant annoncé début juillet la cession de cette participation à l'APE. Toutefois, Eutelsat a indiqué qu'à l'issue de sa restructuration financière et des différentes augmentations de capital prévues que l'État français détiendra 29,9% du capital et des droits de vote.

Julien Marion - ©2025 BFM Bourse
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