(BFM Bourse) - Les introductions en Bourse aux États-Unis ont connu un début d'année encourageant, avant que la correction des marchés actions ne vienne perturber cette reprise. Les récentes initiatives douanières de Donald Trump ont tué dans l’œuf les projets de plusieurs candidats à une entrée en Bourse.
L’an passé, le marché des introductions en Bourse aux États-Unis s’était distingué par son attractivité par rapport aux autres places mondiales. Sur les 183 entrées en Bourse réalisées sur le sol nord-américain, plus de la moitié des opérations étaient à l’initiative d'entreprises étrangères. Wall Street avait même repris la première place mondiale en termes de montants levés, au détriment de la Chine continentale.
Tous les espoirs étaient permis pour que cette belle dynamique perdure en 2025. Sur les trois premiers mois de 2025, le nombre d’introductions en Bourse aux États-Unis a progressé de 46% sur un an pour atteindre 44 opérations, selon des données de Renaissance Capital. Ce nombre s'avère supérieur à la moyenne historique sur 10 ans, logée à 33 opérations. Les montants levés ont progressé aussi sur un an, de 20,5% pour atteindre 9,4 milliards de dollars.
Comme au début de l’année 2024, 15 sociétés ont levé 100 millions de dollars ou plus, au cours de leur introduction en Bourse. Le reste de l’activité a été soutenue par des opérations de moindre envergure, avec des montants levés médians à 10 millions de dollars.
Venture Global s’est dégonflé
Parmi les autres opérations significatives qui ont animé le marché américain des introductions en Bourse sur les trois premiers mois de 2025, on peut citer celle de Venture Global. Ce producteur de gaz naturel liquéfié a levé 1,75 milliard de dollars, ce qui constitue la plus importante introduction en Bourse dans le secteur de l’énergie depuis 2013.
Pour autant, les débuts boursiers de ces gros mastodontes n’ont pas été couronnés de succès. Venture Global en tête, puisque son titre a perdu 4% le premier jour de cotation, et abandonne même plus de 57% à fin mars. Dans l’intervalle, la société a crispé les marchés en annonçant des perspectives 2025 bien en-deçà des attentes. Sailpoint a également connu des premiers pas boursiers plus hésitants, et comme Venture Global, le titre a perdu plus de 4% lors de sa séance inaugurale, le 12 février.
Mais les pires performances sont à chercher du côté des petites opérations. Quatre entreprises de taille modeste qui se sont récemment introduites ont accusé des replis supérieurs à 75% depuis leurs premiers pas boursiers. L’opérateur de clubs de golf Aureus Greenway arrive en tête des pires performances lâchant près de 83% depuis le 11 février, date de son entrée en Bourse, pour ne valoir que moins d'un dollar.
Des vents contraires
Le démarrage en trombe des introductions en Bourse a été interrompu par la correction des marchés américains liée aux multiples annonces de Donald Trump sur les droits de douane.
"L'année a démarré sur des bases solides, mais des vents contraires d'ordre macroéconomiques ont provoqué une chute des marchés au milieu du trimestre qui a entravé la reprise habituelle des introductions en Bourse au mois de mars" , souligne Renaissance Capital.
Le cas Corewave, société qui compte Microsoft comme principal client, illustrait assez bien la frilosité des marchés au mois de mars. Pourtant, tous les ingrédients étaient réunis pour que l'arrivée du spécialiste du "cloud computing" redonne confiance aux investisseurs lors de son introduction, fin mars. Il s'agissait de la importante entrée en Bourse d'une entreprise technologique américaine financée par du capital-risque depuis 2021.
Mais le secteur technologique est tombé en disgrâce à Wall Street, ce qui a contraint Corewave a abaisser le prix de son offre à 40 dollars, alors qu'elle prévoyait initialement une fourchette de prix de 47 à 55 dollars. La société a également réduit son offre à 37,5 millions d'actions au lieu de 49 millions.
Corewave a voulu tenter le tout pour le tout, malgré l'ombre douanière qui planait déjà sur les marchés à la fin du mois de mars. L'audace de la dernière société d'envergure à oser se lancer en Bourse avant les annonces de Donald Trump avait dans un premier temps été récompensée. Malgré un faux départ pour sa séance inaugurale, son titre gagnait 53% à la clôture du 2 avril. Avant que le coup de tabac boursier qui a suivi les annonces de droits de douane ne vienne réduire cette copieuse avance à néant.
Des projets en pause
Le bazooka douanier de Donald Trump a fait perdre plus de 6.000 milliards de dollars de capitalisation boursière à Wall Street les deux jours suivants l'annonce des droits réciproques, selon l'indice Dow Jones US Total Stock Market, Sur l'ensemble de la semaine passée, le Dow Jones a redonné 8%, le S&P 500 9% et le Nasdaq près de 10%.
Le Vix, "l'indice de la peur de Wall Street" a atteint des niveaux qui n'avaient plus été franchis depuis le début de la crise sanitaire en février-mars 2020. Ce chaos boursier est logiquement incompatible avec l'arrivée de nouvelles sociétés en Bourse, en raison de l'instabilité et de la volatilité sur les marchés financiers.
Dans ce contexte de choc boursier, plusieurs sociétés telles que Klarna, le géant suédois du paiement fractionné, Stubhub, le spécialiste de la revente de billets en Amérique du Nord ou le courtier boursier Etoro ont mis en pause leur projet de rejoindre la cote américaine. Ils avaient déposé ces dernières semaines leur prospectus en vue de se lancer en Bourse.
Klarna cherchait à lever au moins un milliard de dollars, et visait une valorisation de 15 milliards de dollars, selon Bloomberg, pour sa seconde tentative d'introduction en Bourse. Comme Klarna, Stubhub avait aussi prévu de présenter son offre aux investisseurs cette semaine, et de lever 1 milliard de dollars. Mais les conditions de marché ont eu raison du projet de Stubhub, qui a décidé de geler son opération, rapportait le Wall Street Journal, la semaine passée
La société craignait alors qu'en lançant son introduction en Bourse au cours d'une période aussi volatile sur les marchés ne donne l'impression que l'entreprise est désespérée, a déclaré l'une des sources proches du dossier au média financier.
Circle, est l'autre victime de la récente débâcle du marché. Cet émetteur d'une cryptomonnaie adossée au dollar, était aussi dans les starting-blocks. Cet acteur historique des cryptomonnaies avait déposé son dossier auprès de la Securities and exchange commission (SEC), le gendarme boursier américain, en vue d'une introduction en Bourse le mardi 1er avril. Soit la veille de l'annonce du programme douanier de Donald Trump.
Or, Circle a mis en pause son projet, échaudé par les récents remous boursiers, d'après le média spécialisé Cointelegraph.com. Pour sa troisième tentative, Circle visait une valorisation de 4 milliards à 5 milliards de dollars, selon des informations de presse. Cette opération devrait représenter la plus importante introduction en Bourse d'un acteur du secteur des cryptomonnaies depuis la cotation de Coinbase en 2021.
"La situation ne sera pas résolue au cours de la semaine ou des deux prochaines semaines, il faudra du temps pour qu'elle se déroule", a expliqué à Bloomberg Keith Canton, responsable Equity Capital Markets de la zone Amériques chez JP Morgan. . "Je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit de notable sur le marché des introductions en Bourse avant quelques semaines au plus tôt, compte tenu de l'état du marché", a-t-il poursuivi.
Les spécialistes de Renaissance Capital avaient quant à eux, identifié 181 entreprises en lice pour rejoindre les marchés financiers, en vue de lever au total près de 10 milliards de dollars Et parmi ces candidats, 110 étaient dans son "pipeline actif" avec des dossiers déjà déposés auprès du gendarme boursier américain ou des actualisations de ces dossiers sur les trois premiers mois de 2025.