(BFM Bourse) - Le groupe a publié son actif net réévalué, qui montre encore une décote de près de 50% sur la base de son cours de Bourse actuel. La société voit surtout la scission effectuée en décembre être au centre d'une bataille judiciaire, la Cour d'appel ayant infligé un revers à l'interprétation de l'AMF sur cette opération.
Vivendi a bien changé en quelques mois. L'ex-Compagnie générale des eaux, s'est divisée en quatre sociétés en décembre, avec l'introduction en Bourse de Canal+ à Londres, celle de Havas à Amsterdam, et celle de Louis Hachette Group à Paris.
Avec la prise d'indépendance de ces trois entreprises, Vivendi est devenue une société de portefeuille qui ne consolide qu'une seule société, à savoir l'éditeur de jeux vidéo Gameloft. Les autres actifs du groupe sont constitués de ses participations minoritaires dans Universal Music Group, de loin la plus importante, dans Lagardère, dans l'ex-Mediaset Mediaforeurope, dans le groupe de médias espagnol Prisa, ou encore dans la société Banijay Group.
En conséquence, Vivendi met désormais en avant dans ses publications moins ses résultats que son Actif net réévalué (l'ANR), soit pour simplifier, une mesure comptable des fonds propres, à la manière d'autres sociétés d'investissement comme Eurazeo et Wendel.
L'ANR est déterminé en calculant à part la valeur de chaque actif et passif de la société puis en faisant la somme, l'endettement étant soustrait à l'actif brut pour donner l'actif net.
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Désendettement
Ce lundi 28 avril, Vivendi a, en amont de la tenue de son assemblée générale annuelle, livré son ANR du premier trimestre.
In fine, l'ANR à fin mars est ressorti à 5,21 milliards d'euros contre 4,84 milliards d'euros à fin décembre dernier. Cette hausse s'explique surtout par la réduction de l'endettement net de l'entreprise, qui s'est établi à 1,66 milliard d'euros contre 2,07 milliards à fin décembre. Cette dette devrait encore se réduire dans les prochains mois, une fois que la vente de 15% du capital de Telecom Italia à La Poste italienne ("Poste Italiane") pour 684 millions d'euros sera finalisée.
Par action, l'ANR s'inscrit à 5,06 euros contre 4,69 euros à fin décembre. Ce chiffre montre que Vivendi pâtit d'une lourde décote de conglomérat en Bourse, de 47,5% au cours de Bourse actuel (2,66 euros contre, donc 5,06 euros pour l'ANR par action), un taux comparable à la décote que subissait la société fin 2023, avant l'annonce de son projet de scission en quatre.
À la Bourse de Paris, l'action Vivendi gagne 1,9% ce lundi en début d'après-midi après cette publication jugée "sans surprise" par Oddo BHF.
Une scission infructueuse pour le moment
Plus que ses états financiers, l'actualité du groupe est surtout marquée par les débats autour de la scission réalisée en décembre.
Rappelons que le but affiché de cette opération était de "cristalliser" de la valeur en permettant pour les actionnaires de la société d'avoir quatre entreprises, qui, en cumulé, présentent une capitalisation boursière plus importante que Vivendi seul avant cette scission. Et reproduire, quelque part, le succès de la scission d'Universal Music Group, sorti du giron de Vivendi en 2021.
Quelques mois plus tard, cet objectif est loin d'être atteint. "Trois mois après la scission de Vivendi, il n’y a aucun doute que la scission a été destructrice de valeur pour les actionnaires (…) Et ceci quelle que soit la date de référence prise en compte", soulignait la semaine dernière la lettre spécialisée Vernimmen.
Ses auteurs remarquaient que, par rapport à l'annonce du projet de scission, mi-décembre 2023, l'actionnaire qui aurait conservé ses quatre actions après la scission aurait perdu 13% de son patrimoine à comparer avec une hausse de 5% du CAC 40 sur la même période.
Par, rapport, cette fois, à la veille de la scission, en décembre dernier, la perte passe à 6% contre une progression du CAC 40 de 8%.
Vivendi est évidemment au fait de cette situation. Le président du conseil de surveillance, Yannick Bolloré a appelé à la patience, lors de l'assemblée générale, ce lundi. "Nous sommes bien conscients que la somme des valeurs boursières n'est pas encore à la hauteur de ce que nous espérions tous", a-t-il déclaré, selon des propos relayés par Reuters. "Il faut du temps" pour "se faire connaître" et "rassurer les marchés", a-t-il ajouté.
Contestation
"Contrairement à la vaste majorité des scissions, celle-ci ne crée pas de valeur", tranchait la semaine dernière la lettre Vernimmen. "Mais là n’était pas l’objectif de cette opération destinée à permettre au groupe Bolloré de pouvoir monter au capital de certaines des entités sans avoir à faire d’offre, tout en franchissant le seuil d’OPA (offre publique d'achat, NDLR) qui se serait appliqué chez Vivendi", jugent ses auteurs.
Cette dernière interprétation a aussi été celle de Ciam, un fonds activiste et actionnaire minoritaire de Vivendi. La société de gestion alternative a martelé que la scission en quatre de Vivendi se faisait au profit du seul intérêt de Groupe Bolloré (qui possède 29,9% du capital de Vivendi) et au détriment des minoritaires.
Ce parce que Vivendi a choisi des places de cotations (Londres pour Canal+, Amsterdam pour Havas et le compartiment Euronext Growth pour Louis Hachette, compartiment qui permet de monter à 50% du capital sans avoir à lancer d'OPA ) permettant de contourner le droit français en matière d'OPA, privant ainsi les minoritaires d'une dimension spéculative.
Vivendi a toujours battu en brèche ces accusations. Le président du directoire du groupe, Arnaud de Puyfontaine, a encore répété lundi que l'opération s'était faite dans l'intérêt des sociétés scindées et de l'ensemble des actionnaires, rapporte Reuters.
Ciam avait porté l'affaire devant la justice, l'an passé. Ce qui a conduit à un séisme en matière de droit boursier, la semaine dernière. La Cour d'appel de Paris a infligé un camouflet à l'Autorité des marchés financiers (AMF).
Cette dernière avait, en novembre 2024, donné raison à Vivendi face à Ciam, considérant que le groupe Bolloré n'exerçait pas un contrôle de Vivendi.
L'AMF avait, dans cette optique, écarté l'application de l'article 236-6 de son règlement général, une disposition qui aurait pu aboutir à juger que Groupe Bolloré aurait dû lancer une offre publique de retrait (OPR), une forme d'OPA, sur Vivendi, avant la scission. Ce qui se serait traduit par une prime aux actionnaires minoritaires, ce qui constitue le cheval de bataille de Ciam.
La Cour d'appel a, chose extrêmement rare, invalidé partiellement le jugement de l'AMF, considérant dans un arrêt qu'il existe bien un contrôle de fait de Bolloré sur Vivendi dans le cadre de ce projet de scission.
Une grande incertitude
Comme l'a rappelé la Cour, la balle revient désormais dans le camp de l'AMF. L'Autorité devra réexaminer la situation et trancher pour déterminer si oui ou non s'il fallait mettre en œuvre d'une OPR.
Vivendi a "pris acte" de cette décision qui crée une importante incertitude. "Vivendi rappelle que la scission du Groupe, soumise à l’assemblée générale des actionnaires du 9 décembre 2024 statuant à la majorité qualifiée des deux-tiers des actionnaires présents et représentés, a été très largement approuvée par plus de 97,5 % de ses actionnaires", avait déclaré la société la semaine dernière.
"Si l’Assemblée générale s’était tenue sans le groupe Bolloré, les trois résolutions relatives au projet de scission auraient recueilli 95,7% de votes positifs pour un quorum recalculé de 40,91%, démontrant l’importante adhésion de l’ensemble des actionnaires", avait fait valoir l'entreprise.
Ce lundi, le secrétaire général de la société, Frédéric Crépin, a jugé "tout à fait contestable" l'avis de la Cour d'appel, selon des propos encore une fois relayés par Reuters. Le dirigeant a ajouté que Vivendi étudiait un possible pourvoi en cassation.
"L'incertitude prédomine, d'autant que l'exécution d'un retrait obligatoire des quatre entités serait particulièrement complexe à mettre en œuvre, maintenant que la scission est effective et que 2 des quatre entités ne sont plus soumises à la législation française", a écrit la semaine dernière Invest Securities dans une note rédigée après la parution de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris.
Dans une note consacrée à Groupe Bolloré, le bureau d'études indépendant Alphavalue a évoqué "une nouvelle épée de Damoclès".
L'intermédiaire financier a choisi d'intégrer dans ses estimations sur Groupe Bolloré une charge de 800 millions d'euros qui correspond à une probabilité de 80% que la société débourse, au total, 1 milliard d'euros de compensation des anciens minoritaires de Vivendi, pré-scission.
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