(BFM Bourse) - Le mois prochain, la cotation des actions Totalenergies débutera à New York. Le géant pétrolier français explique que cette opération ne constitue pas une double cotation. Ce terme est souvent confondu avec la cotation croisée. Explications
Dans quelques semaines, Totalenergies se rapprochera un peu plus de sa base d'actionnaires américains qui, selon son PDG Patrick Pouyanné, détiennent près de 50% du capital.
Le lundi 8 décembre, la cotation des actions du géant pétrolier français débutera à New York à l'issue d'une opération technique.
Le groupe est actuellement absent de la place américaine, avec seulement une "ADR" ("american deposit receipt"), un certificat de dépôt qui permet aux investisseurs américains de se positionner sur des groupes étrangers. Ce qui ne constitue pas une "vraie cotation", comme Patrick Pouyanné l'avait expliqué aux analystes en avril 2024.
Un catalyseur pour l'action
À partir du mois prochain, ces ADR seront transformées en actions ordinaires qui pourront s'échanger sur Euronext à Paris et sur le New York Stock Exchange. "Cette opération n'aura aucun impact sur les détenteurs d'actions ordinaires cotées sur Euronext Paris, qui demeurera le marché d’introduction des actions Totalenergies", avait précisé le groupe dans un communiqué.
Cette cotation sur deux places doit voir les cours des deux actions corrélés en permanence via le taux de change euro/dollar. Ce qui, techniquement, ne crée pas deux classes distinctes d'actions comme cela est le cas avec une double cotation, avait aussi expliqué la société.
"Ils ont raison [de faire cette précision]. Totalenergies va faire ce qu’on appelle un 'cross listing' ou cotation croisée. Dans un 'cross listing', l’émetteur fait coter officiellement ses actions sur plusieurs bourses différentes, dans plusieurs pays. Elle doit donc remplir les exigences réglementaires de chaque marché (prospectus, présentation des comptes, 'due diligences', communication, 'legal opinions'…)", rappelle Nicolas De Witt, associé au cabinet Taylor Wessing.
"Nous espérons que cette cotation des actions ordinaires sera un catalyseur pour l'action en 2026 sur les marchés de Paris et de New York", avait indiqué Patrick Pouyanné à l'occasion de la publication des résultats du groupe, le 30 octobre.
Il faut dire que les actionnaires américains montent en puissance dans le capital du groupe alors que les Européens ont tendance à en sortir.
"L'avantage pour une société d'être cotée sur deux places différentes, c'est de pouvoir toucher une base d'investisseurs plus élargie et d'être comparé à des acteurs mieux valorisés. Ce qui leur permet d'apparaître dans le radar des investisseurs locaux", expliquait en février dernier Bertrand Lamielle, directeur général de Portzamparc Gestion à l'antenne de BFM Business.
Les entreprises ont besoin de multiplier les places de cotation "pour attirer de nouveaux investisseurs étrangers, accroître la notoriété internationale de l’émetteur, améliorer la liquidité du titre et faciliter les acquisitions à l’étranger en les payant avec des titres cotés sur cette nouvelle place financière", énumère de son côté Nicolas De Witt.
Une différence technique
L'opération de Totalenergies constitue donc une cotation croisée et non pas une double cotation. La notion de cotation croisée est souvent utilisée improprement et en lieu et place d'une double cotation.
Ces deux termes décrivent une même situation pour une entreprise dont les actions sont cotées sur plusieurs places boursières. Il existe cependant une différence notable entre ces deux notions, rappelle l'opérateur boursier Nasdaq.
La différence technique réside dans le fait que la cotation croisée implique qu'une entreprise a ses actions cotées sur une Bourse principale et également sur une ou plusieurs bourses étrangères.
Dans le cadre d'une double cotation ou d'une situation de "dual-listed companies", on considère qu’une entreprise est cotée simultanément sur deux Bourses, sans qu’aucune ne soit considérée comme secondaire. En fait, comme l'explique l'opérateur boursier Nasdaq, une double cotation revient à considérer "deux sociétés distinctes fonctionnant comme une seule et dont les actions sont cotées sur deux bourses différentes".
La première trace d'une opération de double cotation, au début des années 1900, donne un exemple assez parlant. Pour lutter contre leur principal concurrent américain "la Standard Oil", la britannique Shell Transport & Trading et la néerlandaise Royal Dutch Petroleum fusionnent leurs activités pour former le groupe "Royal Dutch/Shell".
Or, pour contourner les lois de l'époque, les compagnies gardent leurs deux identités distinctes: les actions "Royal Dutch Petroleum " sont cotées à la Bourse d'Amsterdam, tandis que celles de "Shell Transport & Trading" sont négociées au London Stock Exchange.
Les entreprises britannico-australiennes ont été très friandes des doubles cotations à la fin des années 80 et 90 et notamment les sociétés minières rappelle la Reserve Bank of Australia..
La société minière Rio Tinto, cotée à Londres sous l'entité juridique "Rio Tinto plc", l'est aussi sur l'Australian Securities Exchange, depuis 1995 sous l'entité juridique "Rio Tinto Limited".
"La structure DLC ('dual listed companies') permet d'accéder à une liquidité importante en termes de demande et de négociation des actions Rio Tinto. Cela est rendu possible grâce à des cotations primaires et à l'inclusion dans des indices de premier ordre sur deux grands marchés financiers et centres d'investissement minier", explique Rio Tinto sur son site internet.
La société avance aussi que cette structure est conçue pour placer les actionnaires de Rio Tinto plc et Rio Tinto Limited dans une position sensiblement identique à celle qu'ils occuperaient s'ils détenaient des actions dans une seule entité détenant tous les actifs des deux sociétés. Pour complexifier un peu le tout, Rio Tinto est coté au New York Stock Exchange via des ADR.
BHP Billiton a aussi opté pour une structure "DLC" , toujours en Australie avec l'entreprise "BHP Billiton Limited" depuis juin 2001, rappelle la Reserve Bank of Australia.
La banque centrale australienne explique aussi que les entreprises qui ont mis en place des structures "DLC" ont généralement mis en avant les raisons similaires: la structure était considérée comme un moyen de fusionner les deux entreprises de manière fiscalement avantageuse, tout en conservant leur cotation sur les marchés boursiers de leur pays d'origine et en préservant leur identité nationale.
Plus de simplification
Plusieurs sociétés ont cependant préféré alléger le nombre de places où elles sont cotées dans un souci de simplification et de clarification auprès des investisseurs. C'est le cas du laboratoire pharmaceutique GlaxoSmithKline (anciennement Smith Kline Beecham) qui a mis un terme à sa structure "Dual Listing" au Royaume-Uni après moins d'une décennie, en 1996.
Plus récemment, Sysenqo, l'ex-filiale du chimiste belge Solvay tourné le dos à la Bourse de Paris en septembre 2024. Le cimentier suisse Holcim avait de même fin 2022. Les deux groupes ont tous deux mis en avant des contraintes administratives et des questions de coûts liées à leur cotation sur Euronext Paris.
Le fabricant finlandais d'équipements télécoms Nokia a, lui, annoncé cette semaine son intention de se retirer de la Bourse de Paris, citant là aussi la nécessite de se délester des contraintes réglementaires et financières liées à cette cotation.
Le point commun de ces sociétés est qu'elles ont toutes racheté des groupes français, eux-mêmes cotés à la Bourse de Paris. Dans le cas de Nokia, le groupe ne s'est jamais vraiment introduit à la Bourse de Paris. La société finlandaise a de facto conservé cette place de cotation après avoir racheté en 2015 son concurrent français Alcatel-Lucent.
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