(BFM Bourse) - Le groupe pharmaceutique possède dans son portefeuille de produits en développement clinique l'amlitelimab, une molécule qui doit permettre de traiter la dermatite atopique. Les résultats de phase III de ce candidat-médicament sont attendus sur le second semestre 2025 et de bons chiffres sont impératifs pour Sanofi qui tente de dynamiser sa R&D interne.
Depuis bientôt deux années, Sanofi opère un important virage stratégique. Le groupe pharmaceutique a décidé de muscler ses efforts en matière de R&D pour réussir des lancements de médicaments innovants.
L'entreprise veut produire de nouveaux "blockbusters" pour réduire sa dépendance au Dupixent, fruit d'une collaboration réussie avec l'américain Regeneron. Cet anti-inflammatoire a obtenu de nombreuses indications, par exemple dans le traitement de l'asthme, et demeure le grand moteur de croissance de l'entreprise.
L'an passé, Dupixent a généré des revenus de 13,07 milliards d'euros pour Sanofi, en hausse de 23,1% hors effets de changes, et UBS estime que ce chiffre pourrait atteindre 21,5 milliards d'euros en 2030.
La société cherche d'autres relais de croissance, alors que les exclusivités liées aux brevets de Dupixent commenceront à prendre fin au début des années 2030.
Pour cela, l'entreprise a décidé d'intensifier ses investissements quitte à ce que cela obère sa rentabilité à court terme. C'est, en creux, le message que la société avait livré au marché à l'automne 2023, ce qui s'était traduit par un plongeon historique du titre de 18,93% sur une seule séance.
Quelques jours plus tard, lors d'un "R&D Day", Sanofi avait présenté un "pipeline" (des médicaments en cours de développement) riche de douze molécules susceptibles de générer entre 2 milliards et plus de 5 milliards d'euros de revenus annuels, en pic de ventes.
Ce qui représente un potentiel total allant de 33 milliards à plus de 60 milliards d'euros. "Si cet objectif (de revenus, NDLR) était atteint, les lancements de médicaments innovants généreraient un chiffre d'affaires supérieur à celui nécessaire pour remplacer les ventes de Dupixent à l'expiration de ses brevets", écrivait alors UBS.
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Un coup d'arrêt en mai
Sanofi avait commencé à regagner du crédit auprès du marché. En septembre 2024, le groupe avait publié les résultats de deux essais cliniques de phase III, la dernière étape avant une potentielle commercialisation, évaluant la molécule tolebrutinib pour le traitement de différentes formes de sclérose en plaques.
Une seule des deux études avait atteint ses critères principaux d'évaluation, ce qui avait été suffisant pour ravir le marché. "Ce sont les premiers résultats costauds de phase III pour Sanofi depuis quelques temps, ce qui joue sur le sentiment de marché", expliquait un analyste.
Le regain de forme en Bourse de Sanofi a subi un coup d'arrêt cette année, et le titre chute de 12% depuis le 1er janvier, sous-performant le CAC 40 (+4,2% sur la même période). Une bonne partie de cette sous-performance s'explique par des causes externes, tels que de potentiels droits de douane sur les importations américaines de produits pharmaceutiques, le risque de baisses de prix de certains médicaments aux États-Unis, ou encore la nomination d'un oncologue hostile au lobby pharmaceutique à la tête d'un important organe dépendant de la Food and Drug Administration, l'autorité sanitaire américaine.
Au-delà de ces éléments, l'histoire que tente de raconter Sanofi au marché depuis maintenant bientôt deux ans a été écornée par des résultats cliniques décevants, fin mai. Ces résultats ont porté sur deux essais de phase III évaluant l'itépekimab pour traiter la "bronchopneumopathie chronique obstructive" (BPCO), une maladie surnommée "la bronchite du fumeur", qui prend la forme d'une inflammation chronique des bronches.
Seul un de ces deux essais de phase III avait atteint ses critères d'évaluation. "La première étude a obtenu de très bons résultats mais pour la deuxième c'est très mauvais. Ce qui est perturbant, car les deux études ont quasiment la même population, ce qui pose la question de savoir si les résultats de la première étude ne sont pas un "one-off" (un résultat exceptionnel, non reproductible, NDLR)", soulignait alors un analyste. L'action Sanofi avait alors perdu près de 5%.
Le groupe n'a pas abandonné le développement de l'itépekimab mais il risque de devoir mener des études supplémentaires, ce qui signifie plus de temps et d'argent à dépenser.
L'amlitelimab, une carte maîtresse à jouer
Sanofi a d'autres cartes dans sa main dont l'une devrait bientôt être jouée: l'amlitelimab. Cette molécule est actuellement évaluée pour traiter la dermatite atopique dans le cadre d'un essai clinique de phase III, ou encore l'asthme via un essai de phase II (phase intermédiaire).
Des résultats très attendus par le marché portent sur la dermatite atopique. L'amlitelimab avait montré des données prometteuses lors d'essai de phase II, Sanofi estimant au passage que ce candidat-médicament avait le potentiel pour devenir "le meilleur traitement de sa catégorie" sur cette maladie.
Rappelons que la dermatite atopique est une maladie qui provoque des inflammations chroniques de la peau responsables de démangeaisons et qui touche en grande partie les enfants, notamment les nourrissons. Des lésions de la peau voire des infections peuvent apparaître. Selon un article paru dans le "Journal of European academy of dermatology and venereology", au moins 171 millions de personnes étaient affectées par cette forme d'eczéma en 2019, soit 2,23% de la population mondiale.
Sanofi de son côté estime que le marché des traitements avancés pour la dermatite atopique devrait être multiplié par quatre en 20235 par rapport à 2022 pour s'établir à environ 30 milliards de dollars.
Le groupe pharmaceutique a indiqué en avril que les premières données cliniques de l'essai de phase III évaluant l'amlitelimab seraient disponibles au second semestre 2025, tandis que les données complètes attendront 2026. Bank of America estime que les premières données devraient être communiquées au troisième trimestre 2025.
Sanofi n'a pas vraiment le droit à l'erreur sur ces résultats. Jefferies note que les résultats décevants sur l'itépekimab font que le groupe pharmaceutique a nécessairement "plus d’œufs dans le panier de l'amlitelimab".
La déception sur l'itépekimab a "probablement renforcé l'attention des investisseurs pour les résultats de la phase III de l'amlitelimab dans la dermatite atopique, désormais largement considéré comme le programme clé pour compenser la perte d'exclusivité du Dupixent (qui est d'ailleurs indiqué dans la dermatite atopique, NDLR)", explique la banque.
"Après les résultats mitigés des essais de phase III de l'itépekimab dans la BPCO nous considérons désormais l'essai de phase III de l'amlitelimab dans la dermatite atopique comme un 'must-have (un succès indispensable, NDLR)'", prévient de son côté Bank of America, dans une note publiée mi-juin.
"Nous jugeons que des données positives pour l'essai de phase III évaluant l'amlitelimab sont importantes pour valider le redressement de la R&D de Sanofi et pour aider à faire avancer le débat sur le futur profil des ventes du groupe après les pertes de brevets sur Dupixent", insiste l'établissement américain.
Quelles conditions pour le succès?
Quelles sont les conditions pour que l'amlitelimab représente un succès? Réponse: arriver à des résultats convaincants dans le traitement de la sévérité de la dermatite atopique.
Cette sévérité est mesurée par deux indicateurs, à savoir le score EASI ("eczema area and severity index"), qui évalue la sévérité des signes cliniques et la surface corporelle atteinte par la dermatite atopique, ainsi que le score "IGA" ("investigator global assessment"), le score d'évaluation globale du médecin dermatologue.
Dans les essais cliniques, l'indicateur "EASI-75" indique une réduction au moins égale à 75% du score EASI tandis que l'indicateur "IGA 0/1" signifie que le score IGA s'est limité à 0 ou 1, soit les deux plus faibles niveaux de ce score (qui va de 0 à 4).
Lors de l'essai de phase IIb, l'amlitelimab avait montré que 45,5% des patients traités avec ce médicament présentaient un "IGA 0/1" au bout de 24 semaines de traitement, et 54,5% atteignait "l'EASI-75". Ce qui représentait des écarts respectifs par rapport au placebo de 34% et 36%.
Bank of America estime que si l'amlitelimab parvient à répéter ces résultats lors de la phase III (qui porte sur une population beaucoup plus large en termes de patients) cela constituerait "le meilleur scénario possible".
L'établissement américain voit, lui, la barre à 30% (d'écart positif d'efficacité par rapport au placebo) pour l'"EASI-75" et à 25% pour "l'IGAO 0/1". Jefferies évoque de son côté des taux dans le bas de ceux atteint par Dupixent au cours de plusieurs essais cliniques soit 32% pour l'"EASI-75" et ) 27% pour l'indicateur "IGA 0/1"
Dans les faits, aussi bien Bank of Amercia que Jefferies se montrent optimistes sur les résultats de phase III pour l'amlitelimab, les deux établissements ayant un conseil à l'achat.
Bank of America estime que les ventes de l'amlitelimab dans la dermatite atopique pourraient atteindre 4 milliard d'euros, en pic, sur une base annuelle.
Jefferies retient un chiffre de pic de ventes annuelles de 8 milliards d'euros que la banque qualifie elle-même "d'optimiste" et qui concerne, cette fois, toutes les indications potentielles pour l'amlitelimab.
Au-delà des deux bureaux d'études, 17 des 23 analystes qui couvrent le titre Sanofi sont à l'achat, selon investing.com, et aucun ne conseille de le vendre.
"Après une baisse de 20% par rapport à ses plus hauts de mars 2025, Sanofi s'échange avec l'un des plus faibles ratios cours sur bénéfice attendu en 2025 parmi les grands groupes pharmaceutiques", a observé mardi Alphavalue.
"Quelques succès en matière de R&D et une réduction de la volatilité de l'environnement politique/réglementaire pourraient déclencher une remontée significative du cours de l'action", concluait le bureau d'études indépendant.
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