(BFM Bourse) - Le constructeur automobile devra à terme se défausser d'une participation de 28,4% via une fiducie. Pour de nombreuses raisons, Renault a intérêt à attendre et à privilégier des cessions au fil de l'eau plutôt qu'en un seul bloc.
Le grand meccano s'est enclenché. Après des années de relations parfois distendues, l'alliance Renault-Nissan a entamé sa grande remise à plat, avec comme principale mesure le rééquilibrage des participations entre les deux constructeurs.
Les deux partenaires reviendront ainsi à un pied d'égalité, chacun détenant 15% de l'autre. Ce qui nécessitera que Renault abaisse sa participation de 43,4% à 15%. Dans cette optique, le groupe compte confier le solde de 28,4% à une fiducie française chargée de céder les titres "si les conditions économiques sont raisonnables pour Renault Group, dans le cadre d'un processus organisé et ordonné". La fiducie se doit, à ce titre, de ne respecter aucun délai. Une présentation aura lieu, lundi, pour détailler les nouvelles bases de leur partenariat.
Perte comptable potentielle
La fiducie pourra donc conserver de longues années tout ou partie des 28,4% sans la vendre d'une traite, ce que Renault ne veut de toute façon pas faire, selon nos informations.
Le groupe au losange n'a en effet aucun intérêt à se défausser d'un coup et dans l'immédiat d'un bloc d'environ 28% dans le capital de Nissan, ce pour de nombreuses raisons. Tout d'abord parce qu'un tel mouvement matérialiserait une perte latente. La valeur de marché des actions Nissan s'avère sensiblement inférieure à celle enregistrée dans les comptes du groupe.
Le groupe au losange l'indiquait très clairement dans son dernier rapport semestriel. Renault précisait que sa participation dans Nissan de 43,4% s'élevait à 6,83 milliards d'euros au 30 juin, sur la base d'un cours de l'action Nissan de 528 yens. Ce qui traduisait alors une décote de 59,5% par rapport à la valeur retenue à son actif dans ses comptes (et qui correspond grosso modo à la quote-part de Renault appliquée aux actifs comptables de Nissan). A fin 2021, les chiffres étaient légèrement différents (556 yens, une valeur boursière de 7,81 milliards d'euros et une décote de 51,9%).
Or depuis le 30 juin 2022, l'action Nissan n'est guère montée. Elle a au contraire chuté pour atteindre 454 yens. En conclusion, Renault, s'il décidait de vendre immédiatement son bloc de 28,4%, serait contraint de passer une lourde dépréciation dans ses comptes.
"Si Renault devait abaisser d'un coup sa participation à 15%, la perte comptable liée à la différence avec la valeur de la participation enregistrée dans les comptes de Renault atteindrait plusieurs milliards d'euros. En octobre j'avais calculé plus de 7 milliards d'euros", confirme Michael Foundoukidis, analyste chez Oddo BHF.
Cette perte n'affecterait ni l'endettement de Renault ni sa génération de trésorerie. En revanche, "cette perte purement comptable grèverait le résultat net", explique Michael Foundoukidis. "La perte serait de toute façon non cash et de toute façon cela n'aurait aucun sens de vendre au cours actuel de Nissan, alors que le groupe japonais a entamé un redressement" poursuit-il également.
Maximiser la valeur
En effet, si la Bourse est incertaine par définition, vendre 28,4% du capital de Nissan à l'heure actuelle paraît inopportun. Selon Investing.com, le consensus des analystes accorde un potentiel de plus de 20% à l'action.
En attendant plusieurs mois voire plusieurs années pour vendre totalement la participation de Renault, la fiducie pourrait limiter la dépréciation comptable et surtout maximiser le cash que le groupe retirerait de la cession.
Bernstein calculait la semaine dernière un montant de 3,4 milliards d'euros en supposant que l'intégralité de la participation de 28 % soit vendue immédiatement avec une décote de 5% sur le marché. Une sortie plus tardive mais aussi davantage ordonnée, avec des cessions au fil de l'eau, aurait de bonne chances d'augmenter largement ce produit.
Plus un bloc est important, plus il est difficile pour le marché de le digérer. Et plus le vendeur a des chances de consentir une décote élevée pour réaliser l'opération. Cela ne serait pas non plus dans l'intérêt de Nissan dont le cours se retrouverait inutilement sous pression. Des cessions par petits blocs minimiseraient ces impairs.
En attestent les récents exemples d'actionnaires de référence dans des groupes cotés, qui se sont désengagés au compte-goutte. Le groupe parapétrolier TechnipFMC, après avoir introduit en Bourse Technip Energies, avait conservé 49,9% du groupe début 2021. Il a ensuite abaissé progressivement, par petite touche, sa participation pour la ramener actuellement à environ 7% . Ce qui lui a permis de minimiser les décotes successives, et même d'obtenir une prime. Dans ce dernier cas de figure TecnipFMC avait vendu un bloc de 10% en gré à gré à la société d'investissement néerlandaise HAL, ce qui avait ainsi réduit le risque d'un retour de papier tout en ancrant un nouvel actionnaire de référence au capital.
Autre exemple, celui d'Engie, qui avait décidé en novembre 2020 que sa participation dans le fabricant de membre cryogénique pour le transport du gaz naturel liquéfié GTT n'était "plus stratégique". Ce qui s'est traduit là encore par des "petites" ventes d'actions successives, dont la quatrième et dernière en date fin 2022. Le groupe possède encore environ 5% du capital de son ex-filiale.
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