(BFM Bourse) - Le groupe publicitaire a publié une croissance supérieure aux attentes et relevé sa cible de progression des revenus, ce que le marché ignore totalement ou presque ce mardi. Le PDG, Arthur Sadoun, s'est efforcé devant les analystes d'expliquer combien l'intelligence artificielle va doper (et dope déjà) l'activité de sa société.
Publicis représente un paradoxe de marché relativement rare. Le groupe publicitaire dirigé et présidé par Arthur Sadoun, n'a eu de cesse de publier une croissance supérieure aux attentes, relever ses objectifs et tailler des croupières à ses concurrents.
Sur les neuf premiers mois de 2025, Publicis a engrangé les contrats, totalisant 6 milliards de dollars, en chiffres nets (les gains de clients diminués des pertes) de nouvelles facturations, selon des données compilées par JPMorgan. Son plus proche rival, Interpublic Group, est relégué à des années lumières (800 millions de dollars), quand tous les autres (Dentsu, Omnicom, WPP) sont dans le rouge.
Pourtant, son action est à la traîne, reculant de 18,4% sur l'ensemble de 2025, quand le CAC 40 prend 6,8%.
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Des bons chiffres...
Encore ce mardi 14 octobre, Publicis a livré une activité solide au troisième trimestre, avec une croissance de ses revenus en données comparables de 5,7% quand le consensus (la prévision moyenne des analystes) s'inscrivait à 5,2%, selon Oddo BHF. La société a été portée par la hausse de l'activité de 7,1% en données comparables dans la zone "Amérique du Nord".
Comme pour la précédente publication, Publicis a une nouvelle fois relevé sa cible de croissance pour l'exercice en cours, tablant sur une hausse allant de 5 à 5,5% en données comparables, contre une progression "proche" de 5% précédemment. Lors d'une conférence avec des analystes, Arthur Sadoun a assuré que l'atteinte du bas de la fourchette était assurée et que l'entreprise "visait" le haut de cette même fourchette.
Conclusion d'Oddo BHF: "la tendance reste donc très bonne et les gains de part de marché de Publicis se poursuivent". Le bureau d'études confirme son opinion à "surperformance" et rappelle que le groupe constitue une de ses valeurs préférées en Europe.
UBS dit peu ou prou la même chose, appréciant un "strong beat" (une solide surperformance par rapport aux attentes) ainsi que le commentaire optimiste sur 2026. Arthur Sadoun a expliqué que la société avait désormais plus de visibilité pour l'an prochain grâce à ses gains de contrats. Publicis compte, en conséquence, surperformer le marché en 2026 pour la septième année consécutive.
...Qui n'impressionnent guère la Bourse
Et pourtant le marché fait bien peu de cas de ces très bons chiffres et de ces commentaires. L'action Publicis a certes ouvert en hausse de près de 2% mais elle a vite rétrocédé ses gains pour se stabiliser à un niveau proche de l'équilibre.
De l'avis de plusieurs analystes, cette réaction bien tiède des investisseurs s'explique par deux lettres: IA.
Depuis maintenant plusieurs mois, les marchés font preuve de nervosité sur le secteur des agences publicitaires, redoutant qu'il soit bouleversé par l'intelligence artificielle. D'ailleurs, lors de la publication de ses résultats semestriels, en juillet dernier, le titre Publicis avait chuté de 6,7% malgré une bonne copie.
Si certains analystes avaient pointé des commentaires plutôt négatifs sur Sapient, filiale de services numériques de Publicis, d'autres ont expliqué que les déclarations d'Arthur Sadoun avaient pu attiser les craintes du marché en évoquant les "disruptions du secteur de la publicité".
"Les risques liés à l'IA semblent freiner les investissements dans le secteur des agences en général, et chez Publicis en particulier", observait UBS en juillet.
"Si nous reconnaissons que les nouvelles technologies ont accru l'incertitude, nous ne sommes pas convaincus par les arguments selon lesquels l'IA représente un risque majeur pour la croissance organique de Publicis, en particulier au cours des deux prochaines années", nuançait toutefois la banque suisse.
Fin septembre, Bank of America notait de son côté "des inquiétudes liées à l'IA qui se sont encore élevées".
"L'IA continue de dominer les conversations avec les investisseurs. Le sentiment reste morose, comme en témoignent les fluctuations des actions à l'annonce du lancement par Palo Alto Network d'une campagne marketing entièrement basée sur l'IA. Par ailleurs, Amazon a lancé un assistant créatif conçu pour aider les annonceurs à produire des campagnes publicitaires à l'aide de l'IA", développait la banque américaine.
Un exercice d'éducation des marchés
Conscient qu'il faut rassurer et éduquer le marché, Arthur Sadoun a déployé une énergie impressionnante au cours de la conférence téléphonique de ce mardi pour convaincre les investisseurs.
"S'il y a une idée que vous devez retenir de ce 'call', c'est que nous gagnons aujourd'hui grâce à l'IA", a insisté Arthur Sadoun.
Le dirigeant a indiqué que les dépenses des budgets marketing n'avaient pas connu de ralentissement au troisième trimestre, et assuré qu'il y avait un "boom", "une accélération" de la demande pour les produits et services d'IA du groupe.
Arhtur Sadoun a jugé que le groupe était bien positionné pour répondre à cette demande grandissante grâce aux quelque 12 milliards d'euros d'investissements passés au cours de la dernière décennie dans les données (notamment via le rachat de la société Epsilon en 2019), les technologies et l'IA.
Le dirigeant a expliqué qu'avec son offre d'IA, Publicis avait glané des nouveaux contrats sans même avoir à faire de "pitch" (des argumentaires commerciaux pour simplifier).
Arthur Sadoun a cité plusieurs exemples qui permettent à Publicis de se différencier et même d'élargir son marché potentiel. Dans la division média, la société a utilisé l'IA pour connecter les données d'Epsilon à un réseau d'influenceurs sur les réseaux sociaux de sorte à créer "la plus grande et la plus puissante plateforme" d'influenceurs, tout en la reliant aux sites marchands. Selon ses dires, cette plateforme permet aux clients d'avoir le même "reach" (l'audience potentielle) que lors du Super Bowl aux États-Unis et ceux pour "une fraction du coût".
Arthur Sadoun a expliqué que ses outils d'IA permettaient d'avoir une mesure fine de l'efficacité d'un contenu publicitaire permettant ensuite aux clients de prendre les décisions appropriées en fonction des clients.
Par ailleurs, le PDG a aussi observé une demande croissante pour les réseaux d'agents d'IA, alors que la filiale Sapient a développé une plateforme dans ce domaine, appelée "Bodhi". Ce pourquoi cette filiale a connu une croissance positive au troisième trimestre, malgré l'attentisme des clients dans les dépenses de transformation numérique. Arthur Sadoun a d'ailleurs jugé qu'une fois que les clients sortiraient de cette attitude "wait and see" et recommenceraient à investir, Sapient serait bien positionné pour retrouver une croissance robuste.
Le dirigeant a aussi donné des chiffres: 80% des revenus de la division média embarquent l'IA, proportion qui s'élève à un tiers pour la "créativité" et à 100% pour la "technologie". D'une façon ou d'une autre, un peu moins des trois-quarts des revenus de la société intègrent l'IA, en se basant sur ces indications.
Pourtant, la mayonnaise a donc du mal à prendre auprès des investisseurs. Tout du moins pour le moment. "Les investisseurs ne veulent pas y aller", observe un intermédiaire financier qui juge toutefois que le "call" d'Arthur Sadoun a été bon, de même que la publication de Publicis.
"Les marchés n'y croient toujours pas, l'entreprise de persuasion de Publicis doit continuer", tranche de son côté un analyste.
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