(BFM Bourse) - Dans des cas très rares, il arrive que des entreprises aient, sur le papier, une meilleure note de crédit octroyée par les agences que celle de leur pays de référence. Pour autant, comparaison n'est pas raison, la méthodologie et surtout les risques associés étant bien différents.
LVMH sera-t-elle bientôt aussi bien notée par Moody’s que la Belgique ou le Royaume-Uni ? La question – très théorique – se pose. La célèbre agence de notation a récemment revu à la hausse la perspective associée à la note "A1" du groupe de "stable" à "positive". Ce qui signifie que Moody’s pourrait à l’avenir relever d’un cran son évaluation du leader mondial du luxe.
Selon l’échelle de notation de l’agence, LVMH obtiendrait alors le grade "Aa3", qui correspond à la note souveraine de la Belgique et du Royaume-Uni, à supposer évidemment que Moody’s ne relève pas la notation de ces deux pays. La note de LVMH resterait évidemment inférieure à celle de la France, qui est notée "Aa2" par Moody’s.
Au-delà de cet exemple dont nous convenons qu’il est quelque peu virtuel, il existe des cas très peu nombreux où une entreprise est "mieux" notée que le pays auquel cette société est associée (voir plus bas notre encadré pour quelques exemples).
Microsoft a le "AAA", pas les Etats-Unis
"Il est rare qu’un émetteur corporate ait une meilleure note que le pays auquel il est associé – nous en comptons actuellement 92 (corporates et institutions financières, et collectivités locales et régionales)", souligne ainsi un porte-parole de S&P Global Ratings.
Exemple parlant : Microsoft possède, sur le papier, une meilleure note de crédit que les Etats-Unis, le géant de l'informatique étant noté "AAA" par S&P Global Ratings, au contraire de la première économie mondiale.
Mais est-ce que comparer la notation d’une entreprise et d’un pays a réellement un sens ? De l’avis général des interlocuteurs que nous avons sondés, la réponse est clairement "pas vraiment".
"Il y a peu de pertinence à comparer une note souveraine avec celle d’une entreprise. Rappelons tout d’abord qu’il y a une différence en termes de méthodologie. Il y a une approche analytique transparente et librement accessible mais distincte en fonction du type d’entité notée", souligne le porte-parole de S&P Global Ratings.
A titre d’exemple, S&P Global évalue la prérogative d’un Etat à déterminer la monnaie qu’il utilise, ainsi que le cadre légal fiscal et politique dans lequel il opère, ce qui n’est évidemment pas le cas d’une entreprise.
Des risques différents
De plus, "le risque associé à la dette d’un pays n’est pas comparable à celui d’une entreprise", ajoute le porte-parole de S&P Global Ratings.
"Certains investisseurs peuvent comparer un corporate avec un souverain mais la nature des risques est différente. Sur un émetteur corporate, il peut y avoir un risque industriel, ce qui n’est pas le cas pour un pays", abonde Christine Kam, analyste chez Octo Finances.
Pour Céline Antonine, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) "on ne regarde pas les mêmes paramètres pour un Etat et une entreprise".
"Pour un souverain, c’est la soutenabilité de la dette à long terme qui compte, avec l’évolution des taux d’intérêt, la capacité à honorer ses engagements mais aussi le niveau des recettes fiscales et la rationalisation des dépenses publiques. Pour une entreprise l’horizon est plus court, et la structure de l’endettement (dette bancaire, de marché etc…) ainsi que la génération de trésorerie seront surveillées", développe l’experte.
Des réalités différentes
Ainsi "si l’échelle de note est la même, les notes recouvrent des réalités différentes", poursuit Céline Antonin. Ce même s'"il existe une corrélation" entre les pays et les entreprises, rappelle-t-elle. La dégradation de la note de crédit d’un pays peut ainsi influencer celle des entreprises nationales. L’inverse étant évidemment très rare.
"Il existe des exceptions, notamment dans le cas des pays émergents, lorsque la dette d’un pays est très liée à celle d’une grande entreprise. C’est le cas, par exemple, de Petrobras avec le Brésil", observe Christine Kam.
Il convient de pointer comme autre limite le fait que les Etats possèdent de nombreux instruments, fiscaux et légaux que n’ont pas à leur disposition les sociétés, comme par exemple la levée de nouveaux impôts.
Par ailleurs, en cas de défaut, un pays ne disparaît jamais – contrairement dans de nombreux cas aux entreprises qui peuvent aussi être rachetées par leurs créanciers via des conversions de dettes en capital – mais voit sa dette restructurée. Au prix parfois de négociations ardues avec les prêteurs, comme cela a par exemple été le cas de l’Argentine.
ENCADRE : quelques exemples d’entreprises ayant une note supérieure à celle du pays où elles sont présentes, selon S&P Global ratings (a fin octobre)
Etats-Unis (AA+)
Microsoft (AAA) Johnson & Johnson (AAA avec perspective négative)
Italie (BBB)
Enel (BBB+) Eni (A-) Hera (BBB+) SNAM (BBB+) Terna (BBB+) BNL (BBB+)
Les branches locales de BNP Paribas, Barclays, Bank of America et Deutsche Bank
Japon (A+)
Fujifilm (AA-) Osaka Gas (AA-) Tokyo Gas (AA-)
Espagne (A)
Banco Santander (A+)
Royaume-Uni (AA)
Wellcome Trust (AAA), une fondation caritative basée au Royaume-Uni.
Inde (BBB-)
HCL Technologies Limited (A-) Infosys (A) Reliance (BBB+) Wipro (A-)
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