(BFM Bourse) - Le numéro un mondial du luxe a enregistré une progression de ses revenus inférieure aux attentes au troisième trimestre, et toutes ses divisions, à l'exception de la distribution sélective, ont affiché des performances moins fortes qu'attendu. Ce qui risque d'inquiéter le marché quant aux perspectives du luxe pour l'an prochain.

Le marché s'attendait à ce que la copie rendue par LVMH brille d'un feu moins intense que les précédentes. Mais il espérait un peu mieux.

Le numéro un mondial du luxe a inauguré le bal des publications du troisième trimestre mardi soir, en livrant son activité de juillet à fin septembre. Il en ressort un sérieux coup de frein, l'entreprise dirigée par Bernard Arnault enregistrant des revenus de 19,96 milliards d'euros, ce qui traduit une croissance de 9% sur un an en données comparables. Soit près de deux fois moins qu'au trimestre précédent (+17%).

Selon un consensus cité par Royal Bank of Canada, les analystes suivant la valeur s'attendaient à une croissance plus prononcée sur le trimestre, de 11%.

A la Bourse de Paris, l'action LVMH se retrouve sous pression et cède 6% à 690 euros dans les premiers échanges ce mercredi 11 octobre, repassant pour la première fois sous les 700 euros depuis janvier. Il convient également de souligner que le titre avait progressé de 3,2% mardi.

L'action tombe à un plus bas depuis le 30 décembre 2022 et efface plus de 20 milliards d'euros de capitalisation boursière.

La publication de LVMH plombe par ailleurs l'ensemble des autres groupes du secteur: Kering abandonne 2%, Hermès 1,9%.

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L'Europe décélère, le cognac et les spiritueux plongent

La direction de la société a attribué le tassement de sa croissance à essentiellement deux facteurs: la modération de sa croissance en Asie (34% au deuxième trimestre contre 11% au troisième) en raison d'une base de comparaison plus élevée en Chine, et la normalisation de la demande en Europe, que ce soit au niveau des consommateurs locaux ou du tourisme (l'Europe a affiché une croissance organique de 7% au troisième trimestre contre 19% au deuxième).

L'ensemble des divisions de la société, à l'exception de la distribution sélective (Sephora, le travel retail) ont déçu. Notamment le vaisseau amiral de l'entreprise, la mode et maroquinerie, avec une progression de 9% en données comparables, contre 11% attendu par le consensus. Royal Bank of Canada remarque que cette division n'avait pas connu de raté depuis "plusieurs années". Les vins et spiritueux ont, eux, plongé de 14% en données comparables au troisième trimestre, en raison d'une chute de 21% des ventes de cognacs et spiritueux, remarque la banque canadienne.

Jean-Jacques Guiony, le directeur financier, de LVMH a indiqué aux analystes que, comme au premier semestre, des "pressions" continuaient de pénaliser la clientèle dite "aspirationnelle" c'est-à-dire moins fortunée que la clientèle traditionnelle et davantage tournée vers des produits moins onéreux et plus dans l'air du temps. "Il n'y a rien de nouveau sur ce sujet, que ce soit en bien ou en mal", a-t-il expliqué.

Point positif toutefois: LVMH a retrouvé la croissance au troisième trimestre aux Etats-Unis avec une progression de 2% en données comparables contre un repli de 1% au deuxième. Jean-Jacques Guiony a toutefois relativisé cette inflexion "marginale" expliquant qu'elle ne marquait pas réellement un changement de tendance au niveau de la clientèle américaine.

Inquiétudes pour 2024

Au-delà du troisième trimestre, cette publication de la référence du luxe risque bien de susciter des inquiétudes quant à la vigueur de la demande pour l'an prochain, ce qui constitue en réalité le principal point d'attention du marché.

Il est déjà acquis que le quatrième trimestre 2023 devrait être "bon" pour le luxe, en raison d'une base de comparaison peu exigeante en Chine, puisque la fin de 2022 avait été marquée par des mesures de confinement dans le pays.

Le raté de LVMH "accroît la pression sur le secteur du luxe dans son ensemble à court terme, d'autant plus que les perspectives pour l'année 2024 restent floues et que les révisions négatives des bénéfices ne sont probablement pas terminées", pointe ainsi Royal Bank of Canada.

Deutsche Bank est sur la même tonalité. La banque allemande estime que la performance inférieure aux attentes de la mode et maroquinerie "devrait freiner les attentes au quatrième trimestre et relancer le débat sur l'ampleur d'un ralentissement en 2024". L'établissement table lui sur une hausse de 6% en données comparables des revenus du groupe pour l'an prochain. "L'incertitude pour 2024 est intacte", considère de son côté Sarah Thirion de TP ICAP Midcap.

Si le marché sanctionne pour l'heure LVMH, la diversité de son portefeuille de marques de renom pourrait plus tard constituer un atout défensif dans ce contexte de normalisation de la demande. "LVMH est la maison de luxe la plus diversifiée, ce qui lui permettra de surperformer son marché de référence", fait valoir Sarah Thirion.

"Si les ventes du troisième trimestre publiées aujourd'hui n'aident pas notre recommandation à l'achat sur LVMH, nous voyons toujours une accélération de la croissance séquentielle au quatrième trimestre grâce à des base de comparaisons plus faciles en Chine et aux Etats-Unis et nous notons que les attentes ont récemment été abaissées pour 2024 (nous attendons une croissance organique de 7%) et que la valorisation a été ramenée à des niveaux plus attrayants", développe de son côté Stifel.

"Bien que nous ayons du mal à voir un retournement immédiat de la dynamique, nous continuons à penser que le portefeuille de marques de LVMH, le meilleur de sa catégorie, les fondamentaux solides à long terme et son pouvoir de fixation des prix en font l'une des meilleures valeurs du secteur dans ce contexte d'incertitude", souligne pour sa part UBS.