(BFM Bourse) - Le groupe de luxe a annoncé dimanche la cession de cette division pour 4 milliards d'euros, actant l'abandon de ses ambitions dans les parfums et produits de beauté. Une décision nécessaire pour alléger son bilan. L'Oréal, de son côté, se renforce dans un segment clef en termes de croissance.
Luce de Meo continue de prendre des décisions fortes, depuis son arrivée chez Kering, mi-septembre. L'ex-directeur général de Renault applique l'un des ingrédients de la recette qui lui a permis de redresser le groupe au losange: rationnaliser et recentrer.
Ce qui a amené Kering a opéré un virage à 180 degrés dimanche. Le groupe de luxe a annoncé la cession à L'Oréal de sa division "beauté" pour 4 milliards d'euros, une opération qui doit être finalisée au premier semestre de l'an prochain.
La transaction inclut la vente du groupe de parfumerie Creed, que Kering avait racheté en octobre 2023 pour 3,5 milliards d'euros, un montant alors rapporté par le Financial Times. L'Oréal bénéficiera également d'un accord de licence sur 50 ans pour développer les parfums et produits de beauté de plusieurs marques de Kering, à savoir Bottega Veneta et Balenciaga, et ce pour une durée de 50 ans. L'Oréal versera en échange des redevances à Kering.
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Le groupe de cosmétiques récupérera également dans son écurie la licence pour les parfums et produits de beauté de Gucci, une fois que la licence actuelle, accordée à l'américain Coty, expirera. Ce qui arrivera en 2028, selon Bernstein.
L'Oréal exploite déjà dans sa division "luxe" (les parfums et produits de beauté) une marque de Kering, à savoir Yves Saint Laurent (YSL).
Par ailleurs, les deux entreprises ont décidé de créer une coentreprise à 50/50 pour "explorer des opportunités stratégiques à la croisée du luxe, du bien-être et de la longévité".
À la Bourse de Paris, la décision de Kering est appréciée par le marché. Le titre grimpe encore de 4% vers 10h50, ce lundi 20 octobre, tandis que L'action L'Oréal prend 1%. Depuis l'annonce de la nomination de Luca de Meo à sa direction générale, le titre du groupe de luxe a repris 86%.
Une nouvelle "vague" de Luca de Meo
"Le nouveau directeur général de Kering semble déjà faire des vagues", écrit Deutsche Bank dans une note publiée ce lundi.
De facto, la décision de céder la division beauté de Kering à L'Oréal revient à détricoter une décision prise sous l'égide de François Henri-Pinault. Kering nourrissait d'importantes ambitions dans la beauté, une division que le groupe avait lancée récemment en 2023, le rachat de Creed devant constituer un pilier pour développer cette activité en atteignant d'emblée une taille critique.
L'entreprise avait ensuite lancé une ligne de cinq parfums Bottega Veneta en octobre 2024. En 2024, Kering Beauté avait réalisé un chiffre d'affaires significatif, de 323 millions d'euros, quand bien même ces revenus n'ont représenté que 2% du total.
Ces ambitions n'ont pas résisté au pragmatisme de Luca de Meo. Le dirigeant, qui présentera un plan stratégique pour Kering au printemps 2026, a insisté le mois dernier sur la nécessité de désendetter quitte à prendre des décisions "pas toujours faciles".
Rappelons que Kering avait lancé en 2023 Kering Beauté au moment où les ventes de Gucci, la marque phare du groupe (40% des ventes pour 50% du résultat opérationnel courant) entamait leur dégringolade. Les revenus de Kering avaient reculé de 2% en données comparables en 2023, avant de chuter de 21% en 2024 puis de 25% au premier semestre 2025.
L'endettement de la société a commencé à attirer l'attention des analystes. Selon Royal Bank of Canada, la dette nette est attendue autour de 8,5 milliards d'euros à fin décembre prochain (contre 9,5 milliards d'euros à fin juin), soit 2,7 fois le résultat brut d'exploitation, un niveau élevé et susceptible de contraindre Kering dans différents choix (investissements, acquisitions, etc..).
"Un remède amer" pour Kering
Pour Bernstein, "la vente de Kering Beauté à un prix similaire à celui de Creed il y a deux ans est un remède amer mais nécessaire". L'intermédiaire financier explique que cette cession marque une nouvelle étape vers le désendettement, un point qui était "une préoccupation majeure des actionnaires minoritaires et d’Artemis, la holding endettée de la famille Pinault". UBS insiste, elle aussi, sur le fait que l'endettement était "la plus grande inquiétude des investisseurs".
"Se retirer d’une activité beauté gérée en interne permettra au nouveau directeur général, Luca de Meo, de se concentrer pleinement sur le redressement de Gucci", écrit encore Bernstein.
"Luca de Meo a déclaré que la correction du bilan était une priorité et une vente de la division Beauté aidera à réduire considérablement le fardeau de la dette, même si cela pourrait coûter un flux de revenus futur attractif", abonde Deutsche Bank. Cette dernière considère que le prix de cession est relativement "attrayant" pour le groupe de luxe.
La banque allemande souligne un point important: cette décision forte de Luca de Meo montre que la famille Pinaut lui accorde suffisamment de pouvoir. "Cela souligne que Luca de Meo a le mandat d'opérer des changements majeurs et qu'il agit rapidement pour concrétiser les choses", tranche l'établissement.
"Nous pensons qu'il s'agit d'une étape positive car cette décision fournira à Kering la flexibilité nécessaire pour soutenir son redressement", note pour sa part Jefferies.
Un bon coup aussi pour L'Oréal?
Du point de vue de L'Oréal, l'opération possède des multiples vertus. Bernstein estime que la transaction fait "sens", quand bien même le prix payé s'avère élevé. L'intermédiaire financier souligne que L'Oréal renforcera son portefeuille de parfums qui constitue "un domaine de croissance clef". L'opération élimine au passage les potentiels doutes sur la licence Yves Saint Laurent qui risquait d'être à terme réinternalisée par Kering si le groupe avait conservé Kering Beauté.
"L'acquisition confèrerait également la propriété de la marque Creed, qui est, selon nous, l'une des marques les plus prometteuses du secteur mondial des parfums de luxe à l'heure actuelle", écrit Bernstein.
Oddo BHF voit également "un rationnel stratégique clair". En 2016 "Coty concurrençait L'Oréal pour sa place de numéro un mondial des parfums", rappelle le courtier.
"Depuis, L'Oréal a repris le leadership grâce aux difficultés de Coty et aux acquisitions ciblées réalisées par L'Oréal (Mugler, Azzaro, Miu Miu, Prada). Avec cet accord, L'Oréal devient clairement le leader incontesté des parfums dans le monde", explique Oddo BHF.
"L'autre avantage majeur de cet accord est la possibilité de conclure un accord de reprise de la licence Gucci", ajoute le bureau d''études.
Oddo reconnaît que le prix de 4 milliards d'euros peut paraître cher. Mais "il ne fait aucun doute que les fonds sont investis dans le territoire stratégique de L'Oréal et nous privilégions une telle allocation de capital plutôt que du retour à l'actionnaire (comme des rachats d'actions, NDLR) ou des acquisitions sur le territoire adjacent, où le risque d'exécution peut être élevé", poursuit le courtier.
Jefferies juge également qu'il s'agit d'une décision "positive", la banque considérant que la transaction aura un impact positif de 1% sur le bénéfice par action de L'Oréal. L'établissement estime que l'opération augmentera les revenus du groupe de cosmétiques de 800 millions d'euros en année pleine, en comptant les quelque 470 millions d'euros des ventes des parfums et produits de beauté Gucci gérés actuellement par Coty.
Jefferies évalue aussi l'Ebitda de Kering Beauté à 300 millions d'euros et le résultat opérationnel à 280 millions d'euros.
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