(BFM Bourse) - Identifiant dans l'entreprise une pépite en puissance du traitement des déchets dangereux, le repreneur d'Europlasma Jérôme Garnache-Creuillot, aux manettes depuis 2019, explique pourquoi il s'est lancé un tel défi et détaille les ambitions de la firme, espérant atteindre rapidement la rentabilité au niveau opérationnel.
BFM Bourse: Europlasma fait partie des dossiers douloureux de la cote parisienne. Le projet de produire de l'électricité tout en éliminant des déchets grâce à la technologie de torche à plasma n'a jamais réellement fonctionné et l’entreprise est tombée en redressement judiciaire. Via votre société Zigi Capital vous étiez seul candidat à la reprise en plan de continuation. Qu'est-ce qui vous a motivé à reprendre la société ?
Jérôme Garnache-Creuillot : Nous avons vite compris qu'il fallait faire une croix sur la gazéification avancée car la rentabilité énergétique du procédé n'était pas au rendez-vous, ce qui en faisait non seulement un gouffre financier (difficilement rentable même en supposant des tarifs de vente d'électricité subventionnés), mais n'était pas non plus écologiquement satisfaisant car cela produisait des suies plus polluantes que le déchet servant de combustible. Comme nous l'avons indiqué à l'époque même en investissant 30 millions d'euros supplémentaires il n'était pas possible de garantir l’amélioration du procédé à un niveau optimal. En revanche, dès le départ nous étions convaincus qu'Europlasma était une pépite en puissance en regard du marché considérable de la dépollution et du traitement des déchets dangereux. Celui-ci est en train de s'ouvrir, soutenu par des moteurs très puissants - notamment l'interdiction de l'enfouissement qui a été décidée en Chine et qui arrive progressivement en Europe. Là réside une opportunité colossale. Rien que sur la gestion de l’amiante, la France a des besoins de 300.000 tonnes par an alors que nous sommes aujourd’hui avec Inertam à une capacité de traitement de 6000 tonnes annuelles - et que nous avons en plus la possibilité de traiter des déchets de l'étranger (Suisse, Italie ou Luxembourg notamment) car Europlasma est la seule société à disposer d’une solution écologiquement opérationnelle de destruction définitive au sens de la convention de Bâle. C’est pourquoi nous avons aussi décidé plus récemment de faire de la préparation de déchets d’activité économique [la fraction des déchets qui ne peut être recyclée ou valorisée de façon traditionnelle, NDLR] pour le compte d'industriels ou de collectivités un de nos axes de développement. Le principe est de transformer ces déchets en Combustibles Solides de Récupération que les cimenteries ou d'autres industriels peuvent ensuite utiliser en substitution d'énergie fossile aux fins de réduire leur empreinte carbone.
Mais pourquoi avoir présenté une offre aussi généreuse, en conservant l’ensemble du personnel, plutôt que d'attendre la liquidation pour racheter les seuls actifs corporels ? Jérôme Garnache-Creuillot : Récupérer trois turbines à prix cassé n'aurait pas eu de sens : ce que nous voulions reprendre c'était un outil industriel qui saurait trouver sa rentabilité économique avec un peu d’investissements et surtout des savoir-faire à même de permettre l’élargissement du champ d’actions du Groupe. Pour cela, il était nécessaire de disposer d'un démonstrateur pleinement opérationnel, or si la société avait fermé les autorisations administratives tombaient également, nous perdions les salariés, remonter quelque chose d'équivalent aurait pris des années. Côté bilan, je savais qu'il serait assez rapidement possible de neutraliser la dette. Le plan de continuation plutôt qu'une cessation d'activité a aussi résolu la question du stock historique de déchets d’amiante -d'ailleurs nettement plus important que les 7000 tonnes annoncées au moment du dépôt des offres de reprise- qui se serait retrouvé sur les bras des pouvoirs publics.
Au plan financier, cela représente toutefois une charge très lourde, qui se ressent encore dans le cours. Jérôme Garnache-Creuillot : La pression baissière sur le titre du fait des OCABSA, seul moyen de financement des premières années indispensable à la recovery d’Europlasma, était inévitable. Mais avec la diminution du passif de déchets historiques qui ne générait pas de cash et les nouvelles activités déployées, le recours aux OCABSA va servir la création de valeur puisque 75% du programme de financement est dédié aux investissements d’avenir porteurs de la rentabilité du groupe. Tout le monde ne voit pas forcément qu'Europlasma a désormais diminué sa dette de 50 millions d’euros et que la production arrive à l'équilibre sur ses deux principaux pans d’activité, la préparation de CSR et l'inertage de l'amiante ! Nous visions l'atteinte du point mort en 2022 sur le périmètre historique, cela devrait être le cas en vertu d'un plan ambitieux d'économies. En outre, le groupe agrège de nouvelles activités, rentables, en se dotant d'un outil de production stratégique – et en grandissant cela réduit d'autant le poids relatif des coûts de structure, précédemment surdimensionnés par rapport à la production historique (la holding générait 50% des coûts avant la procédure judiciaire).
À peine sauvé, voilà qu’Europlasma se transforme en repreneur à son tour : qu’attendez-vous du rachat de Tarbes Industry et de la relance de l’activité des Forges de Gerzat ? Jérôme Garnache-Creuillot : Nous cherchions à développer l’assise d’Europlasma dans la valorisation d’autres matières premières recyclées grâce à de nouvelles technologies fondées sur la torche à plasma. C’est en explorant les possibilités autour de l’aluminium - faisant notamment l’objet des travaux menés en Chine depuis 2020 - que nous avons examiné le dossier Tarbes Industry, et nous avons réalisé presque par hasard que cela nous donnait la possibilité de fabriquer les électrodes de nos torches à plasma : seuls trois entreprises dans le monde fournissent des torches à plasma, deux nord-américaines et une européenne. Jusqu’ici cela contribuait à majorer fortement les coûts, désormais le rachat de Tarbes Industry nous confère une agilité unique et va diminuer très significativement les coûts et les délais de fabrication. Au-delà, nous avons l’ambition de redynamiser une industrie stratégique pour la France, comme en témoignent les engagements pris par la DGA de commandes fermes pour plusieurs années, sur des montants nous donnant la visibilité financière justifiant l’acquisition. La reprise de l’activité de production de corps creux alu de l’ex- Société Métallurgique de Gerzat nous apporte également un niveau de savoir-faire et de compétences impressionnant. L’usine avait été fermée par Luxfer un an avant la crise du Covid, laquelle a d’autant plus mis en lumière l’intérêt stratégique de conserver en France une capacité de production de bouteilles destinées à l’oxygène médical en particulier. Avec les avancées réalisées avec succès sur le traitement des déchets d’aluminium et l’intégration des Forges, nous sommes dotés d’une formidable position, allant au-delà du traitement mais réellement dans la valorisation des déchets issus de la production d’aluminium.
Quels sont les prochains enjeux pour Europlasma? Jérôme Garnache-Creuillot : Nous sommes encore tout petits par rapport au potentiel de nos marchés et l'un des principaux enjeux pour l'entreprise va être sa capacité à mobiliser des fonds, des investissements d'industriels ou de collectivités, pour financer des infrastructures qui utilisent nos technologies et qui seront bien plus importantes que celles de Morcenx, à l’instar des LOI déjà signées en Chine.
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