par Marie Maitre
PARIS (Reuters) - Si EDF ne parvenait pas à convaincre les actionnaires de British Energy d'accepter son offre de rachat, le groupe français ne serait pas à court d'options pour construire à partir de sa base dans le nucléaire et se développer dans de nouvelles activités telles que le gaz.
Le marché attendait une annonce par EDF, vendredi 1er août, d'une offre d'environ 12 milliards de livres en numéraire (plus de 15 milliards d'euros) pour le rachat de l'opérateur britannique de centrales nucléaires, après avoir négocié pendant des mois et obtenu l'approbation de l'Etat britannique, qui détient 35% de British Energy.
Mais certains grands investisseurs du groupe britannique ont à la surprise générale rejeté l'offre d'EDF, jugée trop basse, renvoyant le groupe français à la table des négociations et menaçant de faire échouer une opération cruciale pour la relance du nucléaire en Grande-Bretagne et la stratégie d'EDF.
Bien que les deux sociétés soient toujours en discussions, des spécialistes du secteur et des intervenants sur le marché jugent peu probable que le groupe public français augmente sa mise et surpaie British Energy, qui détient la plupart des centrales nucléaires britanniques et dont les terrains situés autour de ces centrales sont autant de sites pour de nouvelles implantations.
Le britannique Centrica a par ailleurs déclaré lundi qu'il pourrait envisager une fusion avec British Energy après l'échec de l'offre d'EDF, même si le gouvernement britannique préfère toujours un rachat par le français .
"EDF n'est pas prêt à faire une acquisition à n'importe quel prix et je pense que c'est plutôt une bonne nouvelle pour les investisseurs", a déclaré à Reuters Jacques-Antoine Bretteil, gérant de International Capital Gestion.
L'échec d'un rachat de British Energy ne constituerait pas pour autant la fin des ambitions d'EDF au Royaume-Uni, soulignent des experts du secteur énergétique.
"PORTAIL D'ACCES"
"British Energy aurait été un portail d'accès idéal et EDF peut regretter que l'affaire ne se fasse pas, mais cela ne leur ferme pas du tout la porte du nucléaire Britannique", a estimé Colette Lewiner, responsable du secteur "Energie, utilities et chimie" chez Capgemini.
"Si l'affaire British Energy ne se fait pas, British Energy sera incité à faire des partenariats sur des sites, donc ce seront simplement d'autres types de scénarios", a-t-elle ajouté.
EDF, premier producteur mondial d'électricité d'origine nucléaire, pourrait ainsi mener la relance du nucléaire en Grande-Bretagne mais à travers des co-entreprises ou en construisant des centrales de nouvelle génération EPR (réacteur à eau pressurisée) sur les sites qu'il a achetés.
En mai, le groupe a acquis des terrains proches de deux centrales nucléaires en Grande-Bretagne - Hinkley Point, dans le sud-ouest de l'Angleterre et Wylfa dans le nord du Pays de Galles - dans l'espoir d'y construire de nouvelles centrales et d'utiliser le réseau et les infrastructures existants.
EDF a en outre des projets de relance du nucléaire hors du sol britannique, qu'il a toutefois qualifié de "priorité" au même titre que les Etats-Unis, l'Afrique du Sud et la Chine.
Le groupe a lancé un programme d'investissements de 35 milliards d'euros sur la période 2008-2010 et si ce montant n'est pas utilisé pour des acquisitions, il financera des projets industriels destinés à doper la croissance organique.
"Pourquoi auraient-ils nécessairement besoin de faire des acquisitions ? Ils ont un plan d'investissement énorme (...), ça va continuer à porter le développement du groupe", a estimé un analyste sous couvert d'anonymat.
"FERS AU FEU"
Colette Lewiner souligne que le groupe "a beaucoup de fers au feu" dans le nucléaire et qu'il complètera son parc de 58 centrales nucléaires avec une voire deux centrales de nouvelle génération EPR.
"Il y aura quand même de l'argent investi dans ces projets. Juste en Angleterre, il faut quand même qu'ils acquièrent des terrains et qu'ils construisent des réacteurs. Cela coûte quelques milliards chacun, ce qui n'est pas négligeable", a-t-elle déclaré.
EDF devra en outre concrétiser ses projets dans le gaz alors que le nouveau groupe GDF Suez propose des offres combinées gaz-électricité qui pourraient attirer ses clients.
Le groupe, qui produit de l'électricité en continu à partir de ses centrales nucléaires, doit également investir dans des centrales à gaz, qui peuvent être démarrées et mises en veille rapidement pour répondre aux pics de demande.
"Si vous voulez faire en sorte que la gestion de ces centrales soit profitable, il faut avoir un bon accès au gaz", a souligné Koen Dierckx, analyste chez KBC Securities.
EDF, qui a obtenu en juin le feu vert à son projet de construction à Dunkerque (Nord) d'un terminal de gaz naturel liquéfié, pourrait chercher à sécuriser ses importations de gaz en provenance de pays producteurs comme le Qatar ou investir dans de nouveaux champs, estiment les experts.
"S'ils veulent investir dans des champs, ça coûte très cher. Je les vois plutôt avoir des participations dans des champs gaziers", a indiqué Colette Lewiner.
Pour Koen Dierckx, EDF pourrait dépenser près de 5 milliards d'euros pour s'imposer dans le gaz, soit quasiment le prix du distributeur de gaz belge de gaz Distrigaz, vendu fin mai à l'italien Eni par Suez au terme d'un appel d'offres.
Version française Benjamin Mallet
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