(BFM Bourse) - Le groupe de grande distribution a livré un résultat opérationnel courant inférieur aux attentes et ses objectifs paraissent modestes au regard de sa dynamique au Brésil. La société a par ailleurs mis fin aux rachats d'actions, évoquant la taxation de ce type de retour à l'actionnaire en France.
Carrefour n'offre guère de quoi positiver au marché. Le groupe de distribution n'est pas en odeur de sainteté auprès des investisseurs depuis plusieurs mois. Son action recule de 13,6% sur trois mois et a abandonné 17% l'an passé, l'une des dix moins bonnes performances du CAC 40.
HSBC a récemment prévenu que la société risquait, cette année, de devoir composer avec une concurrence plus féroce en France, notamment de la part d'Intermarché et d'Auchan.
La publication livrée mercredi soir par le groupe dirigé par Alexandre Bompard a de quoi conforter le pessimisme sur sa trajectoire boursière, avec une rentabilité inférieure aux attentes et des perspectives décevantes pour 2025.
À la Bourse de Paris, l'action Carrefour plonge de 10% ce jeudi vers 13h25, accusant de loin la plus forte baisse du CAC 40.
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Le ROC n'est pas solide
Sur les trois derniers mois de 2024, le distributeur a réalisé des revenus de 25,07 milliards d'euros, en hausse de 7,1% en données comparables, un chiffre dont la lecture reste perturbée par l'hyperinflation argentine (Carrefour réalise une croissance de 111% dans ce pays en raison de cette hyperinflation). La croissance a toutefois légèrement dépassé les attentes, logées à 6,2%, selon un consensus cité par Oddo BHF.
En France, les revenus ont reculé de 2,1% en données comparables sur le trimestre, pénalisés par le repli des articles non alimentaires (-7,9%) ainsi que la performance maussade des hyper et supermarchés (-3,8% et -1,6%). Carrefour note toutefois que si les volumes restent négatifs, l'activité marque une amélioration par rapport au troisième trimestre, période durant laquelle le chiffre d'affaires de Carrefour en France avait reculé de 3% en données comparables.
En Europe hors France, les revenus de Carrefour ont été quasi-stables (+0,6% en données comparables). Au Brésil, son deuxième marché après la France, Carrefour a enregistré une bonne performance, avec des ventes en croissance de 6% en données comparables.
Plus qu'au niveau de l'activité, c'est sur la rentabilité que le bât blesse. Carrefour a dégagé, sur l'ensemble de 2024 un résultat opérationnel courant (ROC) de 2,21 milliards d'euros, en baisse de 2,2% et en hausse de 1,4% hors effets de changes. Ce montant s'avère surtout inférieur de 4% aux attentes, pointe Stifel.
Le résultat opérationnel courant en France s'est avéré un peu meilleur qu'attendu (1,04 milliard d'euros contre un consensus logé à 991 millions d'euros) et en ligne avec les attentes en Amérique latine, à 879 millions d'euros.
Fin des rachats d'actions
La déception provient de l'Europe hors France. "La région était déjà sous pression depuis un certain temps, mais les marges se sont encore détériorées au cours du second semestre ", remarque Stifel. Le résultat opérationnel dans cette zone s'est inscrit à 397 millions d'euros, en baisse de 34% sur un an et nettement en-dessous des attentes (470 millions d'euros). La marge opérationnelle courante a baissé de 100 points de base (1 point de pourcentage) au second semestre contre 70 points de base au premier, observe Stifel.
"La rentabilité a été pénalisée par des marchés atones et compétitifs, par les investissements dans la compétitivité réalisés dans l’ensemble des géographies européennes et par une inflation de certains coûts", a fait valoir le distributeur.
Concernant ses autres lignes de compte, le distributeur a publié un bénéfice de 723 millions d'euros contre 1,66 milliard d'euros en 2023. Le flux de trésorerie disponible s'est établi à 1,46 milliard d'euros contre 1,62 milliard d'euros en 2023. Oddo BHF souligne que cette génération de cash est, certes, supérieure aux attentes (1,17 milliard d'euros). Mais elle intègre des éléments non ponctuels et donc par essence non récurrents tels qu'un besoin en fonds de roulement favorable en Argentine ou encore un impact positif lié à la consolidation au second semestre des magasins Cora et Match rachetés, ajoute le courtier.
Pour 2025, Carrefour indique anticiper une "légère" progression de son résultat brut d'exploitation, de son résultat opérationnel courant et de son flux de trésorerie.
Stifel note que la société n'anticipe donc qu'une amélioration limitée de ses résultats alors que pourtant la société connaîtra une "dynamique forte au Brésil". Ce qui peut s'expliquer par la nécessité d'investir dans les prix. Cité par Reuters, le directeur financier, Matthieu Malige, a d'ailleurs indiqué à des journalistes que Carrefour comptait encore baisser ses prix en 2025.
Stifel remarque aussi "un changement de ton" de la direction par rapport à l'automne dernier. "Les volumes sont toujours en baisse dans la plupart des pays européens, alors que la direction espérait une inflexion positive il y a quelques mois", explique le bureau d'études.
Concernant le retour aux actionnaires, la société a annoncé qu'elle proposerait un dividende ordinaire de 92 centimes par action au titre de 2024, auquel elle ajoute un dividende exceptionnel de 23 centimes, contre un dividende de 87 centimes au titre de 2023.
En revanche, et comme le redoutait certains analystes, la société a décidé d'arrêter les rachats d'actions. L'entreprise a préféré racheter les minoritaires de sa filiale brésilienne un projet qui a été annoncé la semaine dernière et qui doit avoir un impact bénéfique sur son bénéfice.
Carrefour a aussi expliqué privilégier désormais les dividendes aux rachats d'actions car ces derniers sont "désormais soumis à une taxation lourde en France".
Le projet de loi de finances pour 2025 comprend, en effet, une taxation complexe sur les rachats d'actions. On notera toutefois que plusieurs sociétés (Totalenergies, Société Générale, LVMH, Sanofi) ont, elles, annoncé des rachats d'actions ces dernières semaines…
Si pour Oddo BHF mettre fin aux rachats d'actions est une décision "rationnelle", le courtier estime que cette annonce pourrait "décevoir les actionnaires".
Le bureau d'études a abaissé son opinion ce jeudi à "sous-performance" contre "neutre" précédemment. "L’absence de programme de rachats d'actions, la pression concurrentielle en Europe et en France, ainsi qu’une visibilité réduite sur la recovery (reprise, NDLR) des volumes" devraient "peser à court terme", explique Oddo BHF.
Point positif toutefois, note Alphavalue: Carrefour a annoncé une revue de son portefeuille d'actifs. "Ce qui laisse espérer une sortie des régions non performantes comme l'Italie et la Pologne", explique le bureau d'études indépendant.
"On ne s'interdit rien, c'est une revue stratégique très large et il n'y a pas de sujet hors limite et hors champ",a d'ailleurs déclaré sur ce point Matthieu Malige, cité cette fois par l'AFP.
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