(BFM Bourse) - La banque allemande a abaissé son conseil sur l'action de la banque de la rue d'Antin à "conserver" contre "acheter" . Si elle juge l'activité de la banque française "solide" ce contentieux juridique met l'établissement face à une "incertitude écrasante".

Depuis maintenant un mois, la visibilité sur l'action BNP Paribas s'est fortement dégradée, à la suite d'un important revers judiciaire.

Mi-octobre, la banque de la rue d'Antin a été condamnée par un jury populaire à New York à verser un total de 20,75 millions de dollars de dommages et intérêts à des réfugiés soudanais après avoir été jugée complice d'exactions.

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Le marché a pris peur, non pas en raison du verdict à proprement parler mais des estimations de plusieurs milliards de dollars (jusqu'à 10 milliards selon Bloomberg) du coût d'un potentiel accord transactionnel ("settlement") avec d'autres plaignants. Car au-delà des trois personnes indemnisées, le nombre de réfugiés pouvant ester en justice a été estimé autour de 23.000 par les avocats des plaignants.

BNP Paribas a fermement contesté le jugement, le qualifiant de "manifestement erroné", et a décidé de faire appel.

L'établissement a aussi prévenu qu'extrapoler ce verdict pour chiffrer des coûts de plusieurs milliards de dollars constituait une erreur.

Son directeur financier, Lars Marchenil, a également tenu une conférence téléphonique, durant laquelle il a indiqué que BNP Paribas n'avait pas passé de provisions liées à ce litige.

Ce litige juridique a plombé la trajectoire boursière de la banque de la rue d'Antin, qui a vu son titre chuter de 9% depuis l'annonce du verdict du jury populaire.

Des fondamentaux éclipsés

Pour Deutsche Bank, en raison de cette épée de Damoclès juridique, il n'est plus possible de recommander l'action BNP Paribas à l'achat.

La banque allemande a abaissé son conseil à "conserver" contre "acheter" tout en réduisant son objectif de cours à 78 euros contre 91 euros.

À la Bourse de Paris, l'action BNP Paribas pâtit un peu de cette dégradation, perdant 1% en fin de matinée.

Certes, Deutsche Bank juge que les fondamentaux de BNP Paribas demeurent solides. L'établissement allemand estime que la banque française dégagera un bénéfice de 12,24 milliards d'euros cette année, soit davantage que les indications données par BNP (plus de 12,2 milliards d'euros) et s'attend à ce que son ratio ROTE, un indicateur de rentabilité des fonds propres, passe à 11,4% cette année avant d'atteindre 12,1% en 2026 puis 12,7% en 2027 et 13% en 2028.

Ces performances seront notamment portées par une amélioration continue des performances de la banque de détail ainsi que par la résilience de la banque de financement d'investissement, anticipe l'établissement allemand.

Mais "une longue et coûteuse attente dans le cadre du litige au Soudan éclipse" ces solides fondamentaux, explique Deutsche Bank.

"Bien que BNP dispose d'arguments (judiciaires, NDLR) solides et que les risques soient largement pris en compte dans les cours, la situation reste floue et les résultats imprévisibles", poursuit la banque allemande qui évoque "une incertitude écrasante".

Un "overhang" boursier

Selon un calendrier établi (et estimé) par Deutsche Bank, l'incertitude liée à ce dossier pourrait durer jusqu'au premier semestre 2027 voire au-delà.

Au passage, Deutsche Bank note - sans se prononcer sur le coût de ce dossier - que chaque milliard d'euros d'amende réduirait le ratio CET 1 (les fonds propres rapportés à l'encours pondéré des risques de la banque) de 0,13 point de pourcentage.

Avant Deutsche Bank, Barclays avait déjà abaissé son conseil sur BNP Paribas à "pondération en ligne" contre "surpondérer", ce qui revient à passer d'"acheter" à "conserver".

"L'action BNP Paribas se négocie avec le PER (le "price earnings ratio", qui rapporte le cours de bourse au bénéfice par action attendu, NDLR) le plus bas du secteur, à six fois, et nous prévoyons une accélération de la croissance des résultats à partir du troisième trimestre, mais compte tenu de l'incertitude entourant les coûts potentiels du litige au Soudan, les risques ont augmenté, ce qui, selon nous, limitera un 'rerating' (une appréciation des multiples boursiers, NDLR) pendant des mois", écrivait la banque britannique.

Barclays pensait que ce dossier crée un "overhang" boursier, c'est-à-dire une épée de Damoclès qui empêche l'action de remonter.

""L'issue de l'appel revêt une importance particulière, mais le délai moyen avant l'appel est de huit mois (selon BNP), ce qui laisse présager une incertitude prolongée autour de cette question. Il est également important de noter que même dans ce cas, nous ne pouvons prédire l'issue de l'appel", développait Barclays.