par Matthieu Protard
PARIS (Reuters) - Après avoir essuyé un revers en février dernier, le projet de rachat de Fortis par BNP Paribas, soumis à nouveau au vote des actionnaires de la banque belgo-néerlandaise mardi et mercredi, se présente sous de meilleurs auspices, même si le camp du "non" ne désarme pas.
En décidant le 10 avril que tous les actionnaires de Fortis étaient autorisés à participer au scrutin, la Cour d'appel de Bruxelles a rendu un jugement considéré comme plus favorable à la banque française, qui ambitionne grâce à cette acquisition de devenir la première banque de dépôts de la zone euro.
Convoqués le 28 avril à Gand en Belgique et le lendemain à Utrecht aux Pays-Bas, les actionnaires du groupe belgo- néerlandais diront s'ils acceptent que BNP acquière 75% de Fortis Banque et 25% de Fortis Assurance en Belgique. Le groupe français a prévenu qu'il jetterait l'éponge en cas de nouvelle victoire du "non".
"Cette décision de la cour d'appel a tranché un point essentiel dans la mesure où elle permet à des actionnaires qui sont entrés à des cours très, très bas, et notamment des hedge funds, de participer aux votes", explique Eric Vanpoucke, analyste financier chez Sal Oppenheim.
"Parce qu'ils auront la possibilité de réaliser une forte plus-value dans un délai très court avec la violente remontée du titre Fortis des dernières semaines, ces actionnaires seront forcément plus enclins à apporter leurs titres et à voter en faveur du rachat par BNP Paribas", poursuit-il.
Pour convaincre les actionnaires et arracher un vote positif, le Premier ministre belge Herman Van Rompuy a renouvelé jeudi son soutien à BNP et fermé la porte à toute autre alternative.
LE CAMP DU "NON" TIENT TÊTE, SUSPENSE POUR PING AN
Mais les opposants au démantèlement de Fortis, emmenés par l'avocat belge Mischael Modrikamen et le cabinet de conseil aux investisseurs Déminor, n'ont pas renoncé. A l'origine de recours en justice, ils soutiennent que Fortis, sauvée de la faillite en octobre, peut survivre en conservant son indépendance.
Leur "plan B" ne sera toutefois pas soumis au vote des actionnaires la semaine prochaine. Ces partisans du "non" avaient alors remporté le scrutin d'une courte majorité avec 50,26% des votes.
"Dans le camp du 'non', on essaie de porter le dossier sur un terrain plus politique qu'industriel", estime Eric Vanpoucke.
"Quand Modrikamen insiste sur les risques de pertes d'emploi attachés au projet, c'est la fibre nationale qui est agitée, un thème qui trouve forcément plus d'écho en période de crise", dit-il.
Fortis Holding relativise le poids des actionnaires représentés par Modrikamen. Début avril, son président Karel de Boeck avait estimé dans la presse française qu'ils ne représentaient que 0,05% du capital de Fortis.
De son côté, l'assureur chinois Ping An, principal actionnaire de Fortis avec 4,99% du capital, peut encore jouer les trouble-fête. Son vote négatif de février avait fait basculer la victoire dans le camp du "non".
Pour l'instant, Ping An, qui a subi d'importantes pertes en raison de son investissement dans Fortis, entretient le suspense sur ses intentions de vote.
BRAS DE FER JUDICIAIRE ET CRISE POLITIQUE
Candidate depuis sept mois au rachat de Fortis, BNP a vu de nombreux obstacles se dresser sur sa route. Outre le bras de fer judiciaire avec l'avocat Modrikamen, le dossier Fortis a été à l'origine d'une véritable crise politique en Belgique en décembre dernier.
Soupçonné d'avoir tenté d'influencer la justice belge, saisie par des actionnaires s'estimant lésés par le démantèlement de Fortis, Yves Leterme avait dû quitter son siège de Premier ministre, obligeant son successeur Herman Van Rompuy à faire preuve de doigté dans la gestion du dossier Fortis.
BNP n'a pas non plus ménagé ses efforts en renégociant à deux reprises son rachat des activités belges de Fortis.
Après avoir consenti fin janvier des concessions, la banque a finalement conclu début mars un nouvel accord selon lequel la banque rachèterait 75% de Fortis Banque en Belgique, ainsi que 25% de Fortis Assurance au lieu de 100% comme initialement prévu en octobre 2008.
Rattrapée depuis l'automne par la crise financière internationale, la banque a accusé au quatrième trimestre une perte nette de près de 1,36 milliard d'euros.
BNP est la première banque française à avoir sollicité les deux tranches d'aide de l'Etat français au secteur bancaire via l'émission pour 5,1 milliards d'euros d'actions de préférence, à l'issue de laquelle l'Etat contrôle 17% du capital.
Dans le cadre de la transaction avec Fortis, les Etats belge et luxembourgeois doivent aussi faire leur entrée au capital de BNP à hauteur de 11,6% et 1,1% respectivement.
En octobre dernier, Fortis avait été recapitalisée à hauteur de 11,2 milliards d'euros par les Etats belge, néerlandais et luxembourgeois, avant que les Pays-Bas ne nationalisent ses activités néerlandaises.
Vers 12h30 vendredi, le titre Fortis progressait de 3,79% à Bruxelles à 1,8350 euros. A ce cours, il a gagné 85% depuis le début de l'année après avoir plongé de 90% en 2008.
Edité par Marc Angrand
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