par Matthias Blamont
PARIS (Reuters) - EADS va devoir relever de nombreux défis industriels avant de s'engager sur des acquisitions majeures aux États-Unis alors que ses équipes continuent de plancher sur une stratégie de croissance externe privilégiant l'électronique de défense et de sécurité.
Dans ce pays où les dépenses militaires sont les plus élevées de la planète - 528,7 milliards de dollars en 2006 -, EADS North America, la filiale locale du géant européen d'aéronautique et de défense, entend devenir un acteur incontournable et faire oublier des origines européennes susceptibles d'entraver son accès à des marchés sensibles.
Le plan "Vision 2020" d'EADS vise, à cette date, le rééquilibrage à 50% du chiffre d'affaires entre le civil et le militaire alors que les activités civiles, dominées aujourd'hui par Airbus, représentent actuellement 85% de l'activité.
Fin mars, la trésorerie nette d'EADS était supérieure à huit milliards d'euros, de quoi financer des acquisitions.
"La stratégie d'EADS a du sens mais sur le très long terme. La société doit se renforcer sur le marché de la défense, néanmoins, nous n'entrevoyons pas d'accord à courte échéance", souligne Rupinder Vig, analyste auprès de Morgan Stanley.
"EADS a beaucoup de dossiers à régler: la montée en puissance de l'A380, le développement de l'A350 XWB et la gestion du retard de l'A400M. Ces contraintes vont nécessiter des dépenses, sans oublier l'augmentation du budget de R&D pour financer les nouveaux programmes", ajoute-t-il.
EADS doit s'armer contre la faiblesse du dollar, dangereuse pour les marges de sa principale filiale Airbus, et veut réduire son exposition au secteur de l'aviation civile, très cyclique.
Fin avril, le groupe a annoncé l'acquisition de la société californienne PlantCML, spécialiste des systèmes de sécurité, pour 350 millions de dollars auprès du fond d'investissement Golden Gate Capital .
DRS Technologies, expert des systèmes électroniques de défense, constituait une autre cible intéressante pour les analystes. Sa capitalisation avoisine les trois milliards de dollars.
Louis Gallois, président exécutif d'EADS, a déclaré mardi que son groupe renonçait à une contre-offre sur DRS, lequel a accepté la semaine dernière une proposition de rachat de 5,26 milliards de dollars soumise par l'italien Finmeccanica. Il avait pourtant manifesté lors de la publication des résultats trimestriels d'EADS le 14 mai , son intérêt pour l'entreprise.
Si une large majorité d'analystes avait écarté la possibilité d'une surenchère boursière sur DRS - Finmeccanica est actionnaire aux côtés d'EADS du fabricant de missiles MBDA - les récents propos de Louis Gallois laissent entendre que son entreprise cherche à prendre des parts de marché sur le segment des hautes technologies de sécurité.
Mercredi, le dirigeant a précisé que DRS était initialement inscrite sur une "target list américaine."
D'autres opérateurs spéculent sur un éventuel intérêt d'EADS pour Harris, concepteur d'équipements de télécommunications militaires. EADS North America indiquait toutefois début mai que la société serait difficile à acquérir en raison de ses activités classées secret défense.
DES VALORISATIONS TENDUES
"Un rapprochement peut aller très vite comme il peut prendre plusieurs années", fait valoir un expert de défense et de sécurité, "les logiques économiques ont beau être infaillibles le soutien politique est indispensable et c'est le plus difficile à obtenir."
Selon lui, EADS cherchera à absorber une société qui travaille déjà avec le Pentagone.
"La loi américaine est très stricte vis-à-vis des industriels étrangers, l'entreprise acquise devra conserver sa structure de direction et son conseil d'administration aux Etats-Unis", explique-t-il.
Pour cet expert, qui a requis l'anonymat, quatre grandes pistes se dessinent:
EADS pourrait vouloir racheter un grand partenaire dans l'électronique de défense. Des sociétés comme L-3 Communications ou Rockwell Collins sont particulièrement actives sur ce marché mais leurs valorisations dépassent les 10 milliards de dollars.
L'entreprise pourrait également chasser sur le marché des "services" de défense ou de sécurité, secteur en forte croissance où l'on recense des sociétés comme CACI International, CSC ou URS.
Une troisième voie consisterait à prendre le contrôle d'un groupe britannique bien implanté aux États-Unis. C'est le cas de Cobham dont la capitalisation est estimée à près de trois milliards d'euros.
"En dernier ressort, EADS peut très bien multiplier les acquisitions de petite envergure comme celle de PlantCML et consolider ses parts de marché sur une longue période, jusqu'en 2015-2020. C'est ce dernier scénario qui nous semble, actuellement, le plus crédible compte tenu des conditions de marché", affirme le spécialiste.
"Si l'on s'en tient aux multiples qu'EADS devra consentir pour s'offrir une entreprise américaine (10 fois l'Ebitda en moyenne dans le secteur, ndlr) EADS aura besoin de cash provenant de ses propres actifs, rappelle Rupinder Vig (Morgan Stanley). "En prenant en compte l'environnement de crédit, l'entreprise peut vendre sa participation dans Dassault Aviation (46,3%, ndlr) ou céder une partie de son patrimoine immobilier, actuellement évalué à quelque quatre milliards d'euros", observe-t-il.
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