par Matthias Blamont

PARIS (Reuters) - Air-France-KLM sera confrontée cette année à un triple défi : mettre la main sur Alitalia, s'adapter à la dérégulation prévue par l'accord "Ciel Ouvert" entre les États-Unis et l'Europe et réagir aux projets de fusion de compagnies américaines.

La première compagnie mondiale par le trafic va devoir également s'habituer à la volatilité du prix du baril - donc poursuivre la maîtrise drastique de ses coûts pour protéger ses marges -, apaiser les tensions sociales et se préparer à un éventuel ralentissement du transport aérien si la récession aux États-Unis devait s'installer.

Fin décembre 2007, l'Italie a donné sa préférence à Air France-KLM pour la reprise des 49,9% que l'État détient dans Alitalia, une compagnie qui perd plus d'un million d'euros par jour et dont l'endettement net dépasse le milliard d'euros.

Les premières conclusions des discussions devraient être connues vers la deuxième moitié du mois de mars. La chute du gouvernement Romano Prodi est toutefois de nature à modifier le calendrier, voire à remettre le projet en question.

Au-delà des seules modalités financières de l'opération, l'exécution concrète de la fusion sera suivie de près par les marchés.

"CIEL OUVERT": CONCURRENCE TOUS AZIMUTS

À partir du 31 mars, toutes les compagnies européennes ou américaines pourront relier les deux continents à partir de l'aéroport de leur choix en vertu de la nouvelle directive "Ciel Ouvert".

Air France-KLM va être contrainte de trouver une réponse appropriée à la forte concurrence induite par la mise en application de cet accord négocié de longue date.

Ses concurrents ont déjà pris des initiatives plus ou moins importantes, à l'image de British Airways et de sa nouvelle filiale OpenSkies. Lufthansa a récemment mis la main sur 19% du capital de l'américain Jetblue et s'intéresserait à BMI, la deuxième compagnie britannique, et à ses créneaux horaires à Londres-Heathrow.

Air France-KLM a de son côté annoncé des vols transatlantiques à partir de Londres.

"Les accords Ciel Ouvert permettront le développement de l'offre avec une meilleure répartition au sein des principaux 'hubs' (plates-formes de correspondances) européens et réduiront progressivement la part de marché de Heathrow", explique un analyste du courtier Raymond James.

"Le développement de la concurrence pourrait cependant pénaliser les opérateurs qui ne bénéficient pas des meilleurs outils tant en termes de fréquence et de réseau que de productivité. De ce point de vue, la mise en place d'une JV (coentreprise) entre Air France et Delta (en octobre 2007, ndlr) est bénéfique", ajoute-t-il.

INÉVITABLE CONSOLIDATION AUX ÉTATS-UNIS?

Face au ralentissement économique attendu outre-Atlantique, de nombreux analystes estiment qu'un nouveau cycle de consolidation est imminent. La dernière opération de rapprochement remonte à 2005, quand America West s'était mariée avec US Airways.

D'après la presse, Delta, récemment sortie de la faillite, oeuvre à une fusion avec Northwest pour se mettre à l'abri d'une décélération du marché du transport aérien.

"Une consolidation aux États-Unis est nécessaire et semble de plus en plus probable, remarque Yan Derocles, analyste auprès d'Oddo Securities, Delta à l'air de pencher pour Northwest, une compagnie alliée à KLM, c'est un scénario de rêve pour Air France. En revanche, une alliance entre Delta et United (membre de l'alliance Star Alliance à laquelle appartient notamment la Lufthansa, ndlr) serait, pour le franco-néerlandais, très négative."

Si le secteur aérien est réputé difficile - les marges annuelles dépassent rarement 7% - tous les spécialistes s'accordent sur le fait qu'Air France-KLM ne manque pas d'atouts pour tirer son épingle du jeu.

Outre sa situation financière, jugée saine, et son abondante trésorerie, la compagnie est numéro un sur la plupart des grandes "routes" aériennes mondiales. Sa flotte est l'une des plus jeunes d'Europe.

En addition au soutien de l'alliance Skyteam, qui compte aujourd'hui 10 membres à part entière, Air France-KLM dispose de deux "hubs" à fort potentiel, Paris-Charles de Gaulle et Amsterdam-Schipol.

Les réserves foncières de Roissy ont par ailleurs permis de bâtir l'aéroport le plus puissant du Vieux continent avec quatre pistes et le nouveau satellite S3.

La direction d'Air France-KLM doit toutefois mettre fin, côté français, à son conflit avec les personnels navigants sur les salaires. La CGT appelle à une grève le 31 janvier.

Elle aura également à veiller sur ses postes de coûts, en jouant notamment sur la variable des surcharges carburant, si elle ne privilégie pas la croissance externe. Certains spécialistes identifient déjà l'Asie comme la zone à retenir.

Matthias Blamont

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