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Marché : Qu'est-ce que le T+1, cette mini-révolution qui est arrivée à Wall Street cette semaine?

dimanche 2 juin 2024 à 07h00
Une petite révolution est arrivée à Wall Street

(BFM Bourse) - Depuis mardi, les achats de nombreux titres comme des actions et obligations sont réglés un jour après l'ordre passé et non plus deux comme auparavant, à Wall Street. Cette initiative menée par le gendarme de la Bourse américaine vise à limiter les risques de défaut.

C'est un changement de paradigme qu'a connu Wall Street, mardi. Depuis ce jour, le délai de règlement ("settlement" en anglais) sur de très nombreux titres sur les marchés américains a été raccourci d'un jour à la suite d'une initiative adoptée en février par le gendarme de la Bourse américaine, la SEC (Securities and Exchange Commission).

Concrètement, les Etats-Unis sont passés du "T+2" au "T+1", la lettre "T" renvoyant à la date où une transaction boursière est passée.

Comme le rappelle très bien la SEC sur son site, le "settlement" correspond à la date officielle de transfert du titre sur le compte de l'acheteur et à la remise des fonds sur celui du vendeur, ce qui survenait auparavant deux jours ouvrables après la date de transaction. "En 'T+2', si vous avez vendu des actions ABC le lundi, la transaction sera réglée le mercredi", explique la SEC.

Le règlement a donc désormais lieu le lendemain de la transaction (ou plus exactement le jour ouvrable suivant).

Historiquement, le gendarme de la Bourse américaine avait établi un cycle de réglement à T+3 en 1993 (contre T+5 auparavant) avant de le raccourcir à T+2 en 2017.

Le T+1 concernera les actions, les obligations, les ETF ou encore des titres émis par les municipalités, précise la SEC.

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Limiter les risques

Pourquoi avoir décidé d'aller un cran plus loin? Le régulateur américain estime que le "T+1" réduira le risque de contrepartie, c'est-à-dire qu'un vendeur ou un acheteur fasse défaut sur son engagement et que donc la transaction échoue.

"Le raccourcissement du cycle de règlement profite aux investisseurs et réduit les risques de crédit, de marché et de liquidité auxquels sont confrontés les acteurs du marché dans les transactions sur titres", a déclaré le président de la SEC, Gary Gensler, dans un communiqué publié le 21 mai. .

Bloomberg et Reuters expliquent tous deux que cette décision a aussi été motivée par la fièvre sur les "meme stocks" de 2021, notamment sur l'action du distributeur de jeux vidéo Gamestop. Des investisseurs particuliers s'étaient alors ligués sur des forums pour acheter massivement des actions de groupe qu'ils appréciaient, forçant ainsi les vendeurs à découvert à jeter l'éponge. Ce qui s'était traduit par des mouvements de hausses vertigineuses (+2.000% pour Gamestop), déconnectées des fondamentaux des entreprises en question.

Problème: les courtiers, dont Robinhood, plateforme prisée des particuliers aux Etats-Unis, doivent déposer des fonds en garanties (des collatéraux) auprès des chambres de compensation pour couvrir les positions de leurs clients particuliers durant le délai de deux jours lié au "T+2". Avec l'explosion des ordres passés sur certaines actions, Robinhood avait dû restreindre le trading sur certains "meme stocks" pour s'assurer qu'elle possédait suffisamment de collatéraux. Ce qui lui avait valu de vives critiques de la part des boursicoteurs américains et avait attiré l'attention du Congrès, rappelle Bloomberg. La réforme à "T+1" pourrait donc réduire le risque si de tels épisodes venaient à se reproduire.

Quid des autres pays?

Si le "T+1" possède donc théoriquement certaines vertus, des difficultés ne sont pas à exclure. La SEC a reconnu que son implantation pourrait à court terme poser certains soucis. Gary Gensler, lui-même, a souligné que "le passage à un cycle de règlement plus court peut entraîner une augmentation à court terme des échecs de règlement et des difficultés pour un petit segment de participants au marché". Bloomberg cite un autre membre de la SEC, Mark Ueda, qui a expliqué que "l'accélération des règlements laisserait moins de temps aux participants pour corriger les erreurs dans le processus de transaction et aux régulateurs pour bloquer les produits potentiels des fraudes".

Pour ce qui est des pays en dehors des Etats-Unis, l'Europe a adopté le T+2 depuis 2014 (depuis 2010 pour la France), selon John Plassard, conseiller en investissement chez Mirabaud. L'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) a toutefois lancé en 2023 un appel à contribution auprès des participants de marché pour raccourcir le cycle de règlements. En mars dernier, l'autorité a publié un premier rapport "mitigé" sur les impacts évoqués par les acteurs de marché qui ont répondu à son appel.

Les participants de marché se sont montrés "divisés" sur la question du T+1, notait Société Générale en avril. L'AEMF doit rendre son avis final sur le sujet au Parlement européen d'ici le 17 janvier 2025.

"La synchronisation des différentes devises, des dépositaires centraux de titres, des contreparties centrales et des lieux de négociation rend l'éventuel T+1 européen beaucoup plus complexe que la version américaine", souligne John Plassard.

Du côté du Royaume-Uni, un groupe de travail spécial a été mis en place fin 2022 avec un rapport rendu fin mars 2024. Ce document a préconisé l'adoption du T+1 avec une mise en œuvre d'ici à la fin 2027, des recommandations qui ont été acceptées par le gouvernement britannique. Un groupe d'expert technique doit désormais évaluer les modalités nécessaires pour assurer la transition vers le T+1.

Par ailleurs, selon Reuters, l'Inde et la Chine ont déjà mis en œuvre ce cycle de règlement sur un jour tandis que le Canada, le Mexique, l'Argentine, et la Jamaïque l'ont adopté lundi, soit un jour avant les Etats-Unis.

Quant à la question de savoir sur le "T+0" peut un jour à son tour gagner les marchés, la réponse semble assez clairement "non". La Securities Industry and Finance Markets (Sifma), groupe qui représente plusieurs acteurs du marché aux Etats-Unis, a consacré une longue analyse détaillée sur ce sujet. Si cette organisation juge "optimal" le "T+1", le "T+0" poserait, selon elle, un nombre important de risques pour des avantages limités. Elle cite notamment des échecs de transactions plus importants, en raison du manque de temps pour corriger de potentielles erreurs, et une possible augmentation des fraudes ou de la cybercriminalité. L'AEMF a d'ailleurs, elle, totalement écarté cette option dans la consultation qu'elle mène.

Julien Marion - ©2025 BFM Bourse
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