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Marché : Préserver les banques ou juguler l'inflation, un dilemme pour la Fed?

lundi 20 mars 2023 à 14h14
La Réserve fédérale se trouve prise entre le marteau et l'enclume

(BFM Bourse) - La Reserve fédérale américaine, qui se réunit mardi et mercredi, se retrouve tiraillée entre, d'un côté, l'impératif de stabiliser un secteur bancaire en difficulté et, de l'autre côté, la nécessité de poursuivre ses hausses de taux directeurs pour enrayer une inflation persistante.

Entre la stabilité des prix et celle du système financier, que faut-il choisir? Les deux, répond Christine Lagarde. "Je pense qu'il n'existe pas de trade-off [un arbitrage, un choix, NDLR]" entre ces deux sujets, a déclaré la présidente de la Banque centrale européenne (BCE) jeudi dernier, lors de sa conférence de presse.

Le président de la Réserve fédérale (Fed), Jerome Powell, n'aura peut-être pas les mêmes mots, alors que son institution se réunit de mardi à mercredi soir pour prendre, notamment, une décision sur ses taux directeurs.

"La BCE n'est pas du tout dans la même situation que la Fed, aucune banque européenne n'est au bord de la faillite et les contrôles ne sont pas les mêmes. Il n'est pas possible de dresser un parallèle", souligne Philippe Waechter, directeur de la recherche économique chez Ostrum Asset Management.

Liquidités d'urgence

La récente crise bancaire qui a conduit à la faillite de Silicon Valley Bank, de Signature Bank et à des injections de dépôts de onze grandes banques à First Republic, a largement compliqué l'équation de la Fed.

Jusqu’à vendredi 10 mars, "la Fed avait un gros problème complexe à résoudre. Maintenant, elle en a deux. Et peut-être même trois", résume Oddo BHF.

Créée en 1913 à la suite d'une panique bancaire en 1907, la Réserve fédérale doit par essence maintenir la stabilité du système financier. C'est d'ailleurs pour cela qu'elle a mis en place une nouvelle facilité de crédit, le 12 mars dernier, appelée Bank Term Funding Program (BTFP).

"Cette nouvelle facilité peut accorder aux banques des prêts allant jusqu’à un an contre des titres du Trésor, d’agences et des RMBS [Residential mortgage backed securities, des produits financiers adossés à des créances immobilières] qui sont valorisés au pair, évitant ainsi aux institutions en difficulté d’avoir à les liquider dans de mauvaises conditions de marché", note Oddo BHF.

Face à la détermination de la Réserve fédérale, les banques n'ont pas hésité à activer des lignes pour trouver de l'argent frais. Selon Capital Economics, la "discount window" soit la facilité de prêt marginal de la Fed s'est envolée la semaine dernière, en étant mobilisée à hauteur de 153 milliards de dollars, un niveau supérieur au maximum de la crise financière de 2008. En on ne parle que d'un seul instrument.

Xavier Chapard, de La Banque Postale Asset Management, note que les opérations de prêt d'urgence de la Fed ont "entraîné un rebond de 440 milliards de dollars des réserves des banques à la Fed, annulant en une semaine un an de leur baisse liée aux Quantitative Tightening [resserrement monétaire, NDLR]".

Stop ou encore sur les hausses de taux directeurs?

De facto, le bilan de la Réserve fédérale augmente alors que la banque centrale devait jusqu'à présent réduire les liquidités pour combattre l'inflation persistante dans la première économie mondiale. Autrement dit, la Fed se retrouve dans une situation où elle doit éteindre deux incendies en prenant des mesures qui, dans un cas, risque de ranimer un des deux feux.

"Le dilemme pour la Fed est qu'en l'absence de turbulences dans le secteur bancaire, les données économiques publiées cette semaine auraient pu renforcer les arguments en faveur d'une hausse des taux de 50 points de base (0,5%)", souligne Capital Economics.

"La Fed est dans une situation difficile à l’approche de sa réunion (…) Si elle continue de monter les taux, elle renforce sa crédibilité anti-inflationniste mais risque de renforcer les tensions financières. Cela peut à posteriori apparaître comme une erreur historique car l’expérience nous enseigne qu’un dysfonctionnement grave de notre système bancaire est d’une certaine façon au-dessus de tout autre risque", expose de son côté Xavier Chapard de La Banque postale Asset Management.

"Si elle ne monte pas ses taux, elle peut limiter la pression sur les marchés financiers mais risquerait de désancrer les anticipations d’inflation et pourrait même renforcer les craintes sur les banques (la situation des banques qu’elle suit de près est pire qu’on ne le pense?)", poursuit-il. L'économiste table sur une hausse de taux mercredi soir limitée à 25 points de base, soit 0,25 point de pourcentage.

"Une question de hiérarchie dans les priorités"

"Si la Fed et les autres régulateurs ne parviennent pas à garder le contrôle de la situation, il y a un risque de crise financière, avec au bout du compte un choc déflationniste et une récession. Ce n’est pas ainsi qu’il est souhaitable de faire baisser l’inflation. A l’opposé, s’ils en font trop et injectent trop de liquidités, ils peuvent attiser la surchauffe", abonde Oddo BHF qui considère qu'une hausse de 25 points de base peut être "un bon compromis".

Un avis que ne partage pas Philippe Waechter, qui pense que la Réserve fédérale s'abstiendra de remonter ses taux.

"C'est une question de hiérarchie dans les priorités. La Fed doit parer au plus pressé et dans ce cadre, l'objectif d'inflation passe en arrière-plan", par rapport à la stabilité financière. "il n'y pas à avoir de dilemme", insiste-t-il.

Julien Marion - ©2025 BFM Bourse
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