(BFM Bourse) - Les tensions inflationnistes et la hausse des taux d’intérêt compliquent l'émergence des futures pépites de la "tech". Malgré des conditions de financement moins favorables, l'introduction en Bourse reste une étape incontournable dans la vie de ces entreprises.
Nouvelle étape dans leur rapide croissance autant qu'une mise à l'épreuve, l'introduction en Bourse reste le point de mire des entreprises "tech" européennes, malgré des investisseurs exigeants et un premier semestre chahuté sur les marchés.
Il existe "un vrai phénomène d'une tech européenne renouvelée et conquérante, financée de plus en plus via les marchés financiers", explique Franck Sebag, associé du cabinet de conseil EY. L'Europe a du retard à combler par rapport au marché américain plus habitué aux valeurs technologiques, déjà nombreuses à Wall Street.
Mais le potentiel est là. Selon le dernier rapport "Titans of Tech" du cabinet spécialisé GP Bullhound, après des années de croissance effrénée, le secteur "tech" du Vieux continent comptait 283 licornes (des sociétés valorisées à plus d'un milliard de dollars) en 2021, dont certaines déjà cotées.
Pour le patron d'Euronext, opérateur boursier paneuropéen, Stéphane Boujnah, le secteur possède "des perspectives de croissance suffisamment fortes pour entrer en Bourse au sein de plusieurs entreprises".
Son groupe a lancé début juillet un indice technologique rassemblant plus d'une centaine d'entreprises, "Euronext Tech Leaders", afin de donner plus de lisibilité aux investisseurs.
Chute de 93% des cotations de licornes en Europe
Après des chiffres records en 2021, le nombre de cotations en Europe effectué par des licornes a chuté de 93% au premier semestre 2022 sur un an, passant de 54 à 4, selon le cabinet EY. Il faut dire "que 80% des sociétés cotées sont désormais en dessous de leur cours d'origine" ces trois dernières années, constate Franck Sebag. Et le sort réservé aux introductions en Bourse est variable.
La plateforme française de streaming musical Deezer a par exemple perdu plus de la moitié de sa valeur depuis son arrivée sur la cote parisienne début juillet.
En revanche, l'hébergeur de données français OVHcloud (défenseur du développement d'un marché européen à même de rivaliser avec les acteurs américains et asiatiques) a résisté. Valorisée à plus de 3,5 milliards d'euros à son entrée sur le marché à l'automne 2021, la société vaut fin juillet 2022 encore un peu plus de 2,9 milliards.
Malgré les soubresauts, le fait que de nombreuses entreprises "tech" se lancent en Bourse ces dernières années est "un excellent signal", qui montre que notre secteur "gagne en maturité", considère Yann Leca, directeur financier de la licorne OVHcloud.
"C'est bien le secteur de la tech qui demain va irriguer la Bourse", assure Franck Sebag tandis que Stéphane Boujnah estime que malgré les circonstances, "c'est ce secteur qui continuera de produire le plus de croissance".
"Les plus forts tiendront et les autres non"
Alors pourquoi cette frilosité des marchés ? "Les entreprises de la "tech" ont bénéficié pendant plusieurs années d'afflux massifs de capital", rappelle Maximilien Monot, gérant de portefeuille de Monocle AM et cette période de "l'argent facile", semble révolue.
La crise que traversent les cours boursiers du fait du contexte macroéconomique particulièrement détérioré "nous amène dans un nouveau cycle darwinien ou les plus forts tiendront et les autres non", faute parfois de capacité à tenir leurs objectifs une fois entrés en Bourse, développe-t-il.
"Je ne m'inquiète pas pour les résultats de ces entreprises, qui ont souvent de belles croissances mais davantage de leurs niveaux de valorisation en Bourse très élevés" et en décalage avec leurs activités, souligne M. Monot.
Adyen, le spécialiste néerlandais des paiements en ligne qui a fait son entrée en Bourse dès 2018, a affiché un bénéfice annuel en 2021 de 470 millions d'euros alors que sa valorisation, la plus importante des entreprises européennes, dépasse actuellement 55 milliards d'euros, un écart bien trop important selon l'analyste de Monocle.
"Les investisseurs seront très sélectifs pour choisir les entreprises" désormais, a souligné lors d'une rencontre avec la presse début juillet Jacques-Aurélien Marcireau, en charge de l'investissement technologique chez Edmond de Rothschild AM.
"Si vous êtes une boîte européenne un peu ambitieuse avec un vrai leadership, c'est votre moment" a-t-il affirmé, considérant qu'à ces yeux "les entrepreneurs de la tech européens n'ont jamais vécu avec l'argent gratuit et sont culturellement plus aguerris face à l'environnement actuel" que leurs homologues américaines.
(Avec AFP)