(BFM Bourse) - L’ensemble des rendements des obligations souveraines connaissent un important mouvement de hausse alors que la Banque centrale européenne se prépare à poursuivre la remontée de ses taux.
Il n’a fallu que quelques mois pour que le rendement de la dette française à 10 ans s’installe au-dessus de 3%. Mardi, le taux a clôturé au-dessus de cette barre pour la première fois depuis avril 2012. En séance, le taux avait déjà dépassé très brièvement les 3% au cours du mois d’octobre, mais était ensuite repassé sous ce seuil à la clôture.
Le taux à 10 ans évolue à 3,024% ce mercredi sur le marché secondaire, où les titres des emprunts souverains s’échangent entre les investisseurs, vers 10h30.
Ce mouvement de hausse des rendements s’observe sur l’ensemble des obligations des pays de la zone euro. Le rendement sur le Bund allemand à 10 ans s’inscrit à 2,490% au plus haut depuis mi-2011, et a même brièvement franchi le seuil des 2,5%. Le taux de la dette italienne à 10 ans évolue de son côté à 4,596%. Si la dette italienne a connu des sommets plus importants ces récents mois, tutoyant les 5%, son rendement a néanmoins pris environ 100 points de base (1%) depuis le début du mois de décembre.
Une BCE plus agressive
Cette envolée est notamment due aux anticipations sur la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE). Sa présidente, Christine Lagarde, a surpris les marchés, en déclarant, lors de sa dernière conférence de presse, que leurs anticipations sur les relèvements de taux de la BCE n’étaient pas suffisamment élevées.
"Pour ceux qui pensaient que Christine Lagarde allait adoucir son discours face à l’imminence de la récession en zone euro, il faudra se raviser. En effet, il semble que le retard pris par la Banque centrale européenne sur le cycle économique préoccupe beaucoup plus les membres de la BCE que la baisse de la vigueur économique", soulignait alors John Plassard, de Mirabaud.
Ces derniers jours, plusieurs membres "faucon" - c’est-à-dire réputés pour adopter une ligne dure, focalisée sur la lutte contre l’inflation au détriment de l’emploi – de la BCE ont pris la parole pour enfoncer le clou. Klaas Knot, le gouverneur de la banque centrale néerlandaise – qui est donc également membre du conseil des gouverneurs de la BCE – a ainsi mis en garde lundi dans un entretien au Financial Times, assurant que le "le risque que nous en fassions trop peu reste le plus grand risque". "Nous ne sommes qu'au début de la seconde moitié" des hausses de taux, a également estimé le banquier central. L’Allemande Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, avait plus tôt affirmé samedi au Frankfurter Allgemeine Zeitung que l’institution européenne augmenterait ses taux autant qu’il le faudrait pour ramener l’inflation sous les 2%.
Par ailleurs, l’annonce de la levée de la quarantaine sur les arrivées en Chine inquiète les investisseurs, car elle pourrait s’accompagner de nouvelles pressions inflationnistes. "C'est une mauvaise nouvelle pour l'inflation" estime Ipek Ozkardeskaya, de Swissquote Bank, citée par l’AFP, car la reprise économique chinoise devrait entraîner une hausse de la demande et donc "des prix de l'énergie et des matières premières".
Des prévisions fragiles
Cette remontée des taux d’intérêts sur le marché secondaire survient alors que la France, via l’Agence France Trésor, va émettre l’an prochain un montant record de 270 milliards d’euros de titres de dette à moyen et long terme.
Rappelons par ailleurs que la loi de programmation des finances publiques du gouvernement français table sur un taux de l'obligation assimilable du Trésor (OAT) à 10 ans à 2,5% à fin 2022 et 2,6% à fin 2023… Le spécialiste des finances publiques François Ecalle prévenait dès octobre que cette prévision s’avérait fragile au regard de l’envolée des taux. "Si les taux des emprunts publics étaient supérieurs de 1,0 point pour toutes les échéances sur toute l’année 2023, la charge d’intérêts serait majorée de presque 3 milliards d’euros cette même année", écrivait-il alors dans un post sur fipeco.fr.
Pour 2023, la charge budgétaire de la dette est prévue à 51,7 milliards d’euros après 51,4 milliards d’euros en 2022.