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Marché : Le Japon va-t-il devenir un eldorado pour les investisseurs en Bourse?

samedi 20 mai 2023 à 12h00
La Bourse de Tokyo fait pression sur les sociétés japonaises

(BFM Bourse) - Le Nikkei 225 enregistre une belle progression depuis le début de l'année, alors que les stratégistes commencent à recommander aux investisseurs étrangers de mieux considérer le marché japonais, jusqu'à présent négligé.

Le moindre mouvement et déplacement de Warren Buffet est scruté avec attention, au vu du succès du célèbre investisseur américain. Or, en avril, "l'oracle d'Omaha", comme on le surnomme, s'est rendu dans un pays quelque peu tombé dans l'oubli des investisseurs étrangers: le Japon.

Cela a donné un coup de projecteur bienvenu au marché japonais. D'autant que Warren Buffet a déclaré au célèbre quotidien japonais Nikkei qu'il avait l'intention d'accroître ses investissements dans les actions japonaises, ajoutant qu'il était "très fier" de ses positions dans les "sogo sosha". Ces sociétés sont des maisons de commerce qui servent d'intermédiaires dans les exportations et importations. Warren Buffett a investi dans cinq d'entre elles (Mitsubishi, Sumitomo, Marubeni, Itochu et Mitsui).

Les déclarations de Warren Bufffett ont provoqué "une effervescence inattendue" autour du Japon, notait alors John Plassard de Mirabaud, dans une note.

Le milliardaire n'est pas le seul à regarder du côté du pays du Soleil Levant. Ken Griffin, un des plus célèbres gérants de hedge funds au monde, a décidé d'ouvrir un bureau à Tokyo pour sa société d'investissement Citadel, 15 ans après avoir quitté le pays à la suite de la crise financière, selon Nikkei.

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La Bourse de Tokyo connaît un bon millésime

Au-delà des marques d'intérêt de ces deux grandes personnalités de la finance, la Bourse de Tokyo connaît un excellent millésime 2023. L'indice phare de la Bourse de Tokyo, le Nikkei 225, a repassé cette semaine la barre des 30.000 points, et a atteint vendredi son plus haut niveau depuis 1990 . Depuis le début d'année, le Nikkei 225 s'adjuge 17% (*), soit davantage que les 15% du CAC 40, les 16% du DAX 40, les 8,5% du S&P 500, et, certes, moins que les 20,4% du Nasdaq, qui bénéficie de la ferveur autour des groupes de tech et de l'intelligence artificielle. L'autre grand indice japonais, le Topix, a lui aussi atteint son plus haut niveau depuis 1990, cette semaine.

Les actions japonaises bénéficient d'un certain regain de confiance qui peut s'expliquer par la bonne tenue de l'économie japonaise. Le produit intérieur brut a progressé de 0,4% en rythme trimestriel sur les trois premiers mois de l'année, bénéficiant notamment d'un retour du tourisme, depuis la réouverture, en octobre, de l'archipel aux voyageurs étrangers. La reprise de la Chine est également favorable. L'inflation reste relativement contenue autour de 3% tandis que la croissance est anticipée par la Banque du Japon, à 1,4% cette année, soit un niveau plus engageant que celle des Etats-Unis, attendue à moins de 1% par le réassureur Swiss Re.

L'économie japonaise sort d'une longue période où la déflation représentait une menace permanente et semble se retrouver à l'écart de la "stagflation" qui s'annonce en Europe et aux Etats-Unis. UBS estime que le Japon pourrait même, sur le long terme devenir une "économie normale" avec une croissance annuelle de 2-3% par an, plutôt que son 1% plus traditionnel.

La Banque du Japon, la banque centrale du pays, a récemment changé de gouverneur, avec Kazuo Ueda, perçu selon Nikkei, comme moins proche de l'exécutif japonais que son prédécesseur, et donc plus indépendant. Ce qui peut être un signal encourageant pour les investisseurs. UBS considère que la Banque du Japon pourrait ainsi sortir progressivement de sa politique monétaire ultra-accommodante, ce qui marquerait la fin totale de la lutte contre la déflation.

Des changements structurels

Est-ce suffisant pour que les opérateurs de marché étrangers s'intéressent franchement à ce marché négligé? Comme le soulignait en avril John Plassard, le Japon a eu tendance à rester "hors du champ de vision de nombreux investisseurs". La dernière enquête d'opinion de Bank of America auprès des gérants de fonds, publiée cette semaine, montrent en tout cas que ces mêmes gérants continuent de sous-pondérer nettement les actions-japonaises.

Mais la donne pourrait changer, avec de nombreuses évolutions structurelles dans le pays. Connues pour une certaine prudence dans la gestion des risques et leur retour aux actionnaires, les sociétés cotées japonaises commencent à davantage rendre du cash à leurs porteurs. Selon des prévisions de Jefferies mentionnées par le Wall Street Journal, l'enveloppe totale de retour à l’actionnaire (dividendes et rachats d'actions) pourrait atteindre un record à 27.000 milliards de yens (180 milliards d'euros) sur l'année fiscale 2023 pour l'ensemble des sociétés constituant l'indice Topix.

Le Wall Street Journal explique par ailleurs que les efforts lancés par le défunt ex-Premier ministre japonais Shinzo Abe pour améliorer la gouvernance des entreprises – une des réserves des investisseurs étrangers – portent leurs fruits.

Dans une note Lazard asset management souligne d'ailleurs les propositions "positives" de Bourse de Tokyo, émises en janvier, pour contraindre les sociétés cotées à accélérer leurs initiatives en matière de gouvernance, sous peine de radiation de la cote.

Dans le cadre de ces propositions, la Bourse de Tokyo "exigerait que la direction et le conseil d'administration identifient correctement le coût du capital et l'efficacité du capital de l'entreprise", en particulier pour les entreprises qui ont toujours été cotées en dessous de leur valeur comptable, souligne le gérant d'actifs. "Nous pensons que cette directive de type 'se conformer ou expliquer' exercera une pression supplémentaire sur les équipes de direction japonaises pour qu'elles s'attaquent aux problèmes d'inefficacité du capital", conclut Lazard Asset Management.

Des investisseurs activistes s'intéressent par ailleurs aux sociétés cotées japonaises, comme Elliott Management, qui a récemment acquis une position dans le spécialiste des imprimantes Dai Nippon printing, note le Financial Times.

Un virage à ne pas manquer

"Les investisseurs nationaux et étrangers sont favorables sur le Japon par rapport aux États-Unis et à l'Europe, car il n'est pas confronté à une récession imminente et ses valorisations sont très faibles", a déclaré à Bloomberg John Vail, stratégiste mondial en chef chez Nikko Asset Management Co.

"Nous sommes entrés dans une période de marché haussier de deux à trois ans pour le Japon, qui a des jambes", a également affirmé auprès de l'agence de presse, Neil Newman, directeur adjoint de la recherche sur le Japon chez Macquarie Capital Securities.

Les stratégistes de Goldman Sachs, cités par CNBC dans un article publié mardi, voient eux un nombre important de raisons d'être optimiste sur les actions japonaises. "Nous notons la solidité des fondamentaux par rapport aux actions des marchés étrangers, et nous pensons également que les attentes en matière de changements/réformes structurels pourraient pousser les actions japonaises à la hausse", jugent-ils.

Également cités par CNBC, Frank Benzimra et Tsutomu Saito, stratégistes chez Société Générale, jugent eux que "les investisseurs étrangers sont de retour", soulignant la robustesse de la demande intérieure du pays et le retour à l'actionnaire qui s'améliore. Selon Bloomberg, qui fait référence à des données de la Bourse de Tokyo, les investisseurs japonais ont acheté pour 15,8 milliards de dollars d'actions japonaises en avril, le plus haut niveau depuis octobre 2017.

Drew Edwards, gérant de portefeuille chez GMO Usonian, cité par le Financial Times, prévient que les investisseurs ayant pour habitude de négliger le Japon risquent de passer à côté d'un virage majeur.

"Il s'agit d'un changement de génération. Les gens doivent cesser de se demander ce qu'il faudra faire pour que le Japon change, car il est en train de changer", assure-t-il.

(*) Les cours ont été arrêtés jeudi après la clôture du marché

Julien Marion - ©2025 BFM Bourse
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