Connexion
Mot de passe oublié Pas encore de compte ?

Marché : Comment le marché obligataire a fait plier Trump sur les droits de douane

jeudi 10 avril 2025 à 10h22
Donald Trump présentant les surtaxes douanières

(BFM Bourse) - Bien que l'administration Trump s'en défende, les marchés ont au moins partiellement poussé le président américain à revoir sa copie sur les droits de douane, selon plusieurs médias et experts.

Ce qu'espéraient les investisseurs s'est finalement produit. Mercredi soir, Donald Trump a annoncé une pause de 90 jours sur les surtaxes douanières qu'il avait dévoilées le 2 avril. Plus exactement, les droits de douane pour l'ensemble des pays seront ramenés à 10% pendant cette période.

Une exception notable: la Chine. Les États-Unis, ont décidé d'alourdir le taux de taxation des produits chinois à 125%, contre 104% précédemment. Avec les autres pays, une phase de négociations va désormais s'ouvrir pour tenter d'aboutir à des accords.

Sur Truth Social, Donald Trump a justifié sa volte-face en expliquant que 75 pays avaient entamé des discussions avec les États-Unis pour trouver des solutions tout en s'abstenant de prendre des mesures de représailles. Le Secrétaire au Trésor, Scott Bessent, a expliqué que "c'était sa stratégie" depuis le début.

Autrement dit, le locataire de la Maison Blanche aurait suivi à la lettre son plan: mettre une énorme pression avec les droits de douane pour pousser ses partenaires commerciaux à négocier et soumettre des concessions.

>> Accédez à nos analyses graphiques exclusives, et entrez dans la confidence du Portefeuille Trading

"Un mur de refinancement"

Il est permis de penser que Donald Trump n'a pas, par ailleurs été insensible aux récentes turbulences de marché. Interrogé par CNBC, le secrétaire au Commerce, Howard Lutnick a assuré que le plongeon des marchés n'était "absolument pas" un facteur qui a poussé Donald Trump à opérer un virage à 180 degrés.

Ce n'est pas tout à fait ce que jugent les experts ou racontent les médias américains.

Rappelons que l'annonce des surtaxes douanières a provoqué un plongeon des marchés actions. Le CAC 40 a ainsi perdu en cinq séances plus de 12,5%. Ce en raison des craintes de récession qu'ont causé ces mesures.

Mais plus que les marchés actions, ce sont les marchés obligataires, c'est-à-dire ceux de la dette, qui semblent avoir exercé une influence notable sur la décision du président américain.

"Il a plié devant un des marchés financiers: le marché financier de la dette", a d'ailleurs déclaré sur BFMTV-RMC l'ancien commissaire européen Thierry Breton, qui connaît bien les marchés pour avoir dirigé des groupes cotés (France Telecom, Atos).

Des taux qui s'envolent

Donald Trump "fait face à un mur de refinancement" sur la dette des États-Unis et a ainsi intérêt "à ce que les taux d'intérêt soient le plus bas possible", a poursuivi l'ancien dirigeant d'entreprises.

Or, depuis plusieurs jours, les États-Unis étaient sous pression sur le marché de la dette. Ce qui n'est pas le moindre des paradoxes. Normalement, lorsque les Bourses sont à la dérive, les obligations sont plébiscitées et les taux (qui évoluent en sens inverse du prix des obligations) baissent car les investisseurs recherchent de la sécurité.

Le taux de la dette à 10 ans de l'obligation américaine avait d'ailleurs reculé, jeudi et vendredi derniers, dans la foulée des annonces de Donald Trump sur les surtaxes douanières.

Mais tout a changé cette semaine. D'environ 3,8% lundi, le rendement du bon du Trésor à 10 ans est remonté à plus de 4,44% mercredi dans l'après-midi, sur le marché secondaire, c'est-à-dire celui où les investisseurs s'échangent entre eux leurs titres de dette.

Une telle hausse est très importante sur ce type de marché et peut se traduire par un lourd alourdissement des intérêts payés par les États-Unis sur leur dette. En 2024, ces coûts d'intérêt ont atteint 949 milliards de dollars, selon le Congressionnel budget office.

Par ailleurs, une adjudication, c'est-à-dire une vente de dette par les États-Unis sur les marchés, s'est mal passée mardi. Au cours de cette adjudication à trois ans le ratio de couverture, un indicateur de la demande des investisseurs pour le papier américain, est tombé à un plus bas de six mois.

Une "tempête parfaite" sur la dette américaine

Les marchés ont donc commencé à se détourner des obligations américaines, probablement inquiets des risques économiques posés par les surtaxes douanières. Bank of America a estimé qu'une "tempête parfaite" se présentait aux investisseurs sur la dette américaine avec à la fois un risque d'inflation due aux droits de douane mais aussi un risque d'aggravation du déficit public.

Certains experts ont par ailleurs redouté que la Chine, voire le Japon, qui possèdent respectivement 760 millions de dollars et plus de 1.000 milliards de dollars d'obligations américaines, vendent des titres et fassent encore remonter les rendements américains.

"Les investisseurs asiatiques en particulier semblent vendre des actifs américains", suggérait ainsi Paul Diggle du gérant d'actifs Aberdeen.

"À l'extrême, cela pourrait se transformer en un 'dumping' (une vente massive, NDLR) des bons du Trésor par la Chine, comme on l'a longtemps spéculé", ajoutait-il.

Trump a bien regardé le marché obligataire

La situation devenait donc tendue. Au point d'influencer Donald Trump? "Bien que le président Donald Trump ait été en mesure de résister à la chute des marchés boursiers, une fois que le marché obligataire a commencé à s'affaiblir, ce n'était qu'une question de temps avant qu'il ne renonce à ses droits de douane excessivement élevés", juge Paul Ashworth de Capital Economics.

"Soyons clairs : ce ne sont pas les actions qui l'ont dérangé. C'est le marché obligataire qui s'est illuminé comme un arbre de Noël et la rue du financement qui a clignoté en rouge", abonde Stephen Innes de Spi AM.

Dans une note publiée mercredi soir, George Saravelos de Deutsche Bank remarque que Donald Trump a opéré sa volte-face après avoir "indiqué qu'il surveillait le marché obligataire".

Le Washington Post écrit, lui, qu'il a fallu "un marché obligataire effrayant" pour que Donald Trump infléchisse sa position sur les droits de douane. Le média américain rapporte que le président américain a confié à des journalistes que les gens étaient devenus "un peu nauséeux" sur le marché de la dette.

CNN raconte de son côté que Donald Trump a confié à un de ses journalistes avoir "observé le marché obligataire". "Le marché obligataire est très délicat. Je l'observais. Mais si vous le regardez maintenant, il est magnifique", a-t-il déclaré sur la chaîne de télévision.

Ce n'est pas franchement le cas. Certes le taux de l'obligation américaine à 10 ans a reculé passant de 4,44% à 4,31% ce jeudi. Mais ce dernier reste bien plus élevé que le 3,8% atteint lundi…

Julien Marion - ©2025 BFM Bourse
Forum suspendu temporairement
Portefeuille Trading
+336.20 % vs +58.90 % pour le CAC 40
Performance depuis le 28 mai 2008

Newsletter bfm bourse

Recevez gratuitement chaque matin la valeur du jour