(BFM Bourse) - Le phénomène du "rallye de Noël" met en évidence une forte progression des indices sur les dernières semaines de l'année. Mais attention à ne pas le considérer comme acquis. Ce rallye ne s'est d'ailleurs pas produit en 2024.
C'est la traditionnelle question qui brûle les lèvres des investisseurs alors que 2025 est sur le point de s'achever: les marchés auront-ils leur rallye de fin d'année? Si les indices restaient sur une pente ascendante, ce mois de décembre, ils boucleraient une année faste en Bourse marquée par de nombreux records, que ce soit aux États-Unis et en Europe.
Même le CAC 40, qui reste à la traîne de ses homologues européens en raison des soubresauts politiques, est parvenu à atteindre un plus haut historique à 8.280,97 points, mi-novembre.
Les investisseurs espèrent donc avoir été assez sages pour avoir des copieuses plus-values au pied du sapin.
C'est quoi le rallye du Père Noël?
Cet espoir est nourri par un effet calendaire bien connu des habitués des marchés, à savoir le "rallye de Noël" (en anglais Christmas Rally). Le mois de décembre est, en effet, statistiquement l'un des meilleurs de l'année sur les marchés boursiers.
Ce phénomène technique que certains qualifieraient de "magique", apparaît quasiment toujours à la même période. Les indices actions progressent durant les cinq derniers jours de Bourse de décembre et les deux premiers jours de janvier, souvent accompagnée d’un affaiblissement du dollar, rappelle John Plassard, responsable de la stratégie d'investissement de Cité Gestion.
Dès les années 1970, la prééminence du mois de décembre a été popularisée par "l'almanach du trader" (Stock Trader's Almanac, l'une des premières publications à s'attacher à la mise en évidence des différents cycles saisonniers en Bourse). L'almanach, créé par Yale Hirsch et édité aujourd'hui par son fils Jeffrey, a mis en évidence ce "Santa Claus Rally" (le "rallye du Père Noël").
Il n'y a pas de cause unique à cet emballement des marchés. Cette humeur festive sur les places boursières serait liée à l'esprit de fêtes qui "alimente l'optimisme" des opérateurs en cette période de l'année. Avec leurs primes de fin d'année en poche, les investisseurs seraient également plus enclins à passer à l'action sur les marchés financiers.
John Plassard évoque aussi la "récupération de pertes fiscales" ("tax-loss harvesting"), une stratégie d'investissement qui consiste à liquider des positions en pertes dans un portefeuille pour réduire les gains imposables et donc optimiser la fiscalité.
Selon le spécialiste de marché, cette stratégie, souvent pratiquée en fin d'année d'après Morgan Stanley, vient réduire la pression vendeuse sur les dossiers les plus volatils. John Plassard cite également le réinvestissement des bonus de fin d’année dans les plans d’épargne, fonds de pension et ETF (fonds indiciels) actions.
L'expert mentionne aussi le possible effet "window dressing" ou "habillage de portefeuille", selon lequel les gérants renforceraient leurs positions sur les gagnants de l’année pour présenter des portefeuilles qui seraient plus "présentables" à leurs clients au 31 décembre. Le tout se déroule dans des volumes amoindris, ce qui amplifie l’impact de tout flux net acheteur, ajoute-il.
Un rallye favorable aux actions américaines
"Le Santa Rally ne se produit pas dans le vide: il s’inscrit dans un schéma plus large où novembre et décembre sont statistiquement parmi les meilleurs mois de l’année pour les actions", rappelle John Plassard.
Le spécialiste note que le rendement médian du S&P 500 sur les deux derniers mois de l’année ressort à 3,41% en moyenne depuis 1945. Et sur les marchés mondiaux, la probabilité que les indices progressent est proche de 78% depuis la fin des années 1980, avec une hausse moyenne d’environ 1,7%, et de 1,31% depuis 1950, selon des travaux de Schroders cités par John Plassard.
Sur la période 1950-2024, le S&P 500 a enregistré une performance positive lors de ce créneau de sept jours dans près de 80% des cas, avec une hausse moyenne de 1,3 %, des résultats similaires étant observés sur le Dow Jones et le Nasdaq.
Le spécialiste rappelle que le Stock Trader’s Almanac a recensé 58 Santa Rallys "réussis" sur 73 années, ce qui en fait l’une des anomalies calendaires les plus persistantes à Wall Street.
Pour autant, les performances passées ne préjugent pas des performances futures. Le mois de décembre 2024 a été "un accident statistique" et "restera dans les annales comme l’un des rares millésimes où la magie du Père Noël n’a tout simplement pas opéré", remarque aussi John Plassard.
2024, une anomalie statistique
Pour la première fois de son histoire, l’indice S&P 500 a reculé chaque jour ouvré entre Noël et le Nouvel An, signant un "reverse Santa Rally", soit un rallye de Noël inversé, "inédit et déstabilisant pour les investisseurs", explique-t-il.
La conjonction de plusieurs vents contraires a mis en échec ce rallye de fin d'année. La Réserve fédérale américaine avait tenu un discours plus ferme qu'attendu, lors de sa réunion de décembre 2024. Ce virage restrictif avait été motivé par les incertitudes liées aux politiques de la future administration Trump, et des inquiétudes sur l'orientation des prix à la consommation.
"Et c’est précisément ce traumatisme collectif qui rend le test de 2025 encore plus crucial : assiste-t-on à un simple accident de parcours… ou à la fin d’un cycle saisonnier qui dominait Wall Street depuis plus d’un demi-siècle ?", s'interroge John Plassard.
Pour cette année, les conditions sont réunies pour un rallye du Père Noël, mais elles sont "séduisantes et piégeuses", prévient-il. Il met en avant une saison des résultats de bonne qualité aux États-Unis puisque les entreprises du S&P 500 ont récemment dépassé les attentes, venant offrir un socle de bénéfices réel sous la hausse des cours.
John Plassard cite aussi les projections de consommation pour la saison des fêtes, qui restent "fortes", sur la base des derniers chiffres des fédérations de détaillants. Les dépenses effectuées entre Thanksgiving et Noël devraient franchir à nouveau la barre symbolique des 1.000 milliards de dollars.
"La grande question est de savoir si ces éléments positifs suffiront à compenser des valorisations déjà tendues, une concentration extrême sur quelques titres IA, et un climat de méfiance alimenté par les discussions sur une 'bulle' technologique, les incertitudes politiques et le niveau élevé de la dette publique", s’interroge le spécialiste.
Selon lui, le Santa Rally édition 2025 pourrait ainsi ressembler moins à un feu d’artifice généralisé qu’à une rotation plus discrète, où les gagnants de l’année cèdent une partie du relais à des segments en retard.
"Plus que jamais, la clé sera d’observer la psychologie des marchés: si le Père Noël revient, il confirmera la normalisation du cycle ; s’il échoue à nouveau, il faudra probablement se préparer à un début d’année bien plus agité qu’attendu", conclut John Plassard.
À noter qu'une autre croyance boursière un peu moins connue va prendre le relais du rallye de fin d'année. Il s'agit de l'effet janvier qui veut que les petites capitalisations surperforment les poids lourds de la cote lors du premier mois de l'année.
