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Marché : Alstom, Renault-FCA, Air France-KLM… Ces dossiers chauds en Bourse qu'a dû gérer Bruno Le Maire

samedi 14 septembre 2024 à 07h00
Bruno Le Maire a du gérer beaucoup de dossiers

(BFM Bourse) - Le ministre de l'Économie a officialisé jeudi son départ de Bercy lors d'un discours de remerciements. Pendant sept années, Bruno Le Maire a dû intervenir ou porter nombre de dossiers boursiers avec plus moins de difficultés. Retour sur cinq d'entre eux.

Après avoir occupé avec une longévité impressionnante la tête du ministère de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire tire sa révérence. Le futur ex-membre du gouvernement a livré ses remerciements jeudi à Bercy, qu'il s'apprête à quitter, le nouvel exécutif devant être formé la semaine prochaine par le Premier ministre, Michel Barnier.

"Je pars avec le sentiment profond que ces sept années ont été utiles pour la France", a-t-il déclaré.

Depuis 2017, le ministre a dû gérer plusieurs dossiers brûlants sur des entreprises cotées. Retour sur cinq d'entre eux.

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> L'échec de la fusion entre Alstom et Siemens Mobility

Le premier de ces dossiers survient quelques mois après sa prise de fonction, en septembre 2017. Le concepteur du TGV Alstom et le spécialiste allemand de la signalisation ferroviaire Siemens Mobility décident de fusionner. L'idée s'avère simple: créer un champion européen du rail, à même de résister à l'offensive du mastodonte chinois CRRC, qui commence à poser des pions en Europe.

L'attelage franco-allemand s'avère prometteur, avec 470 millions d'euros de synergies annuelles promises en rythme de croisière. Le cours d'Alstom progressera de plus de 6% sur les deux séances suivant cette annonce. Certaines sociétés de conseil aux actionnaires – Phitrust et Poxinvest – tiqueront toutefois sur la prime de contrôle consentie par le conglomérat allemand Siemens (qui aurait détenu plus de 50% du nouvel ensemble), insuffisante à leurs yeux.

Cette annonce est accueillie avec entrain par Bruno Le Maire, de même que par son homologue allemande de l'époque, Brigitte Zypries. Le locataire de Bercy salue "un rapprochement historique". Mais la fusion n'échappe évidemment pas à la vigilance de Bruxelles, qui ouvre une enquête. Et dès fin 2018, la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, met en garde contre l'émergence de champions industriels, sans citer explicitement les deux groupes. En février 2019, la Commission européenne pose son veto en raison d'atteintes à la concurrence sur les trains à grande vitesse et la signalisation ferroviaire.

Bruno Le Maire fustige cette décision, la qualifiant d'"erreur économique" et de "faute politique". Alstom, de son côté, portera son dévolu un an plus tard sur le canadien Bombardier Transport, opération qui obtiendra cette fois l'aval de Bruxelles. Mais l'intégration de Bombardier sera douloureuse pour Alstom et pour ses actionnaires…

>Les fiançailles rompues entre Renault et Fiat Chrysler

Nous sommes au printemps 2019 et Renault vit peut-être la pire période de son histoire. L'affaire Ghosn n'a éclaté que quelques mois plus tôt. Jean-Dominique Senard et Thierry Bolloré ont pris les rênes de la société, aux postes respectifs de président et de directeur général. Mais dans ce contexte tendu, un beau mariage franco-italo-américain pointe le bout de son nez. Fiat Chrysler Automobiles (FCA) et Renault annoncent l'existence de ce projet de fusion fin mai, avec des synergies gigantesques (5 milliards d'euros en base annuelle) à l'horizon. La Bourse s'enchante et l'action Renault prend 12%.

Le gouvernement accueille favorablement le projet (l'État possède 15% de Renault), même si Bruno Le Maire émet un certain nombre de conditions, telles que la préservation des sites industriels français. Et, surtout que cette union se fasse dans le cadre de l'Alliance avec Nissan. Renault doit ainsi convaincre son partenaire japonais, pas franchement enthousiaste.

C'est là que les choses se compliquent. Lors d'un conseil d'administration de Renault destiné à entériner le projet de mariage, les représentants de Nissan s'abstiennent. Cette abstention est présentée comme constructive par Renault, et ne constitue pas un point de blocage, selon le constructeur. Mais Bruno Le Maire veut le soutien explicite de Nissan et l'administrateur de Renault représentant l'État demande un report sur la décision.

Excédé, Fiat Chrysler retire sa proposition de fusion, invoquant le lendemain dans un communiqué "les conditions politiques en France". "On a travaillé avec des gens qui voulaient toujours plus et ne semblaient pas fiables", raille une source proche du camp italo-américain. Quelques jours plus tard, lors d'une assemblée générale sous haute tension, Jean-Dominique Senard – qui aurait alors été au bord de la démission – fustige le rôle de l'État, se "désolant" de sa position. Bruno Le Maire, lui, se défendra d'avoir fait capoter le "deal".

La suite est connue: Fiat Chrysler se jettera quelques mois plus tard dans les bras de l'autre grand constructeur français, PSA, ce qui donnera naissance à Stellantis, en janvier 2021. Renault de son côté ira de mal en pis, avec la révocation de Thierry Bolloré, un lourd avertissement sur résultats et plusieurs crises (semi-conducteurs, Covid-19, retrait de la Russie). Mais son patron actuel, Luca de Meo a réussi à redresser la société, récemment devenue le chouchou des analystes en Bourse.

>La lourde recapitalisation d'Air France-KLM

Air France-KLM a beaucoup occupé Bruno Le Maire, alors que l'État a été le premier actionnaire du groupe de transport franco-néerlandais tout au long de son mandat. Il a par exemple fallu chercher un nouveau directeur général en 2018, après la démission de Jean-Marc Janaillac. Le choix se porte alors sur Ben Smith, véritable amoureux de l'aérien, qui parviendra à apaiser les relations sociales dans l'entreprise tout en définissant une stratégie probante pour le groupe, selon les analystes. Ou encore gérer la montée au capital surprise de la part des Pays-Bas dans la société, qualifiée "d'inamicale" par Bruno Le Maire.

Mais le chantier le plus herculéen reste les efforts que l'État français a fourni pour sauver le soldat Air France-KLM durant la pandémie. Le groupe aérien subit cette crise alors que son bilan financier s'avère déjà plus fragile que ses concurrents. Les avions étant cloués au sol, ses revenus et ses résultats s'effondrent. Au deuxième trimestre 2020, son chiffre d'affaires est divisé par six, et le groupe accuse une perte de 2,6 milliards d'euros, représentant plus de deux fois son chiffre d'affaires.

Bruno Le Maire annonce dans un premier temps, au printemps 2020, 4 milliards d'euros de prêts garantis par l'État et 3 milliards de prêts directs. Le ministre précise que ce "soutien historique" ne constitue pas un "chèque en blanc".

Mais cette montagne de dettes, bouée d'urgence, n'est évidemment pas soutenable pour Air France-KLM. En avril 2021, l'État décide de transformer son prêt de 3 milliard d'euros en titres de quasi-capital tout en participant à une augmentation de capital d'Air France-KLM d'un milliard d'euros (à hauteur d'un peu moins de 600 millions d'euros). "C'est le signe d'un engagement fort de l'État aux côtés de la compagnie Air France, aux côtés de ses salariés, et pour garantir la pérennité d'une entreprise stratégique pour la nation française", déclare Bruno Le Maire à l'époque.

Air France-KLM mène ensuite en 2022 une seconde augmentation de capital de 2,256 milliards à laquelle l'État français participe pour maintenir sa participation de 28,5%.

Sous "l'ère" Bruno Le Maire, le gouvernement aura donc pleinement soutenu la société, et Air France-KLM parviendra à redevenir une société rentable avec près d'un milliard d'euros de bénéfices en 2023. Mais la restauration du bilan financier s'est faite au prix d'une importante dilution des actionnaires, et le cours de l'action s'est effondré de 80% en cinq ans.

>Haro sur les avances de Couche-Tard à Carrefour

C'est peut-être le dossier qui a le plus suscité la polémique. En janvier 2021, le groupe canadien Alimentation Couche-Tard, un "dépanneur" spécialiste de la distribution de proximité, notamment dans les stations-services, approche le français Carrefour, premier employeur du secteur privé en France. Des discussions préliminaires sont engagées sur la base d'un prix de l'action Carrefour à 20 euros quand le titre tourne autour de 15 euros. D'ailleurs Carrefour décolle de 13,4% en Bourse à la suite de cette annonce.

Mais Bruno Le Maire coupe court à ces discussions. Le ministre oppose un "non courtois" mais "définitif", invoquant la "sécurité alimentaire" des Français comme enjeu stratégique pour refuser cette opération. Ce dans un pays qui compte nombre de grands distributeurs et dans un calendrier qui interpelle (l'épisode survient un peu plus d'un an avant l'élection présidentielle). La réglementation sur le contrôle des investissements étrangers lui fournit l'arsenal juridique nécessaire à ce veto.

Carrefour et Couche-Tard n'ont d'autres choix que d'annoncer la fin de leurs discussions en vue d'un éventuel rapprochement et le marché déchante. Et l'action Carrefour s'échange actuellement autour de 14 euros, bien loin des 20 euros envisagés.

Alors que l'État n'est en rien actionnaire de Carrefour, il s'est comporté "ces derniers jours en unique propriétaire du distributeur", fustigera L'Agefi dans un éditorial. "Rarement un tel déni de démocratie actionnariale avait été à ce point assumé par un pouvoir se prétendant réformateur en matière économique", écrira également le média spécialiste de la finance.

>Arbitre du duel homérique VeoliaSuez

Cela a peut-être été l'opération de fusion-acquisition la plus marquante des dix dernières années. En août 2020, Veolia se lance à l'assaut de son concurrent Suez en annonçant un accord pour racheter la participation des 29,9% du capital détenu par Engie pour ensuite lancer une offre publique d'achat (OPA) sur son rival.

Il s'ensuit un bras de fer violent, Suez refusant de se laisser racheté par son concurrent. Les deux sociétés multiplient les recours juridiques, Suez dégaine même une "pilule empoisonnée" pour réfréner les ardeurs de Veolia. Ce dernier doit relever par deux fois son offre avant que les deux parties finissent par acter la paix des braves au printemps 2021. Ce qui permet à Veolia de racheter la majeure partie des filiales à l'international de Suez, le solde et les activités en France donnant naissance à un "nouveau Suez".

Bruno Le Maire appellera constamment les acteurs de ce dossier à trouver un accord amiable qui semblera longtemps inatteignable. Ce qui l'amènera à dénoncer "la précipitation" de Veolia ou "l'intransigeance" de Suez, le ministre ne croyant pas à "un mariage de force". Quitte à se brouiller avec Engie qui acceptera en octobre 2020 de vendre ses parts dans Suez à Veolia, alors que l'État, actionnaire de l'énergéticien, s'y était opposé. Mais Bruno Le Maire finira donc par obtenir gain de cause.

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