(BFM Bourse) - L'Allemagne a décidé de desserrer l'étau budgétaire pour renforcer sa défense et ses infrastructures. Cette annonce alimente l'appétit pour le risque dans son ensemble mais soutient particulièrement certaines valeurs.
L'Allemagne s'inspire de Mario Draghi. En panne de croissance depuis plusieurs années et confronté à l'impératif de renforcer sa sécurité dans une monde où les États-Unis ne veulent plus assurer la défense de l'Europe, le pays a acté un début de révolution copernicienne.
La CDU-CSU (conservateurs) et le SPD (socialiste), les partis en charge de former la future coalition gouvernementale à la suite des élections législatives, ont annoncé un plan massif pour renforcer la défense allemande, les infrastructures et donc l'économie.
Des centaines de milliards d'euros seront investis dans ces deux domaines. Les deux partis prévoient, dans le cas de la défense, de réformer le mécanisme allemand dit du "frein à l'endettement" qui limite le déficit budgétaire fédéral à 0,35% du PIB allemand et à 0% au niveau des régions ("Länder").
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"Le retour de la force"
Le chef de fil de la CDU/CSU, Friedrich Merz, a évoqué un "whatever it takes" ("quoi qu'il en coûte") comme mot d'ordre pour la défense, en raison des "dangers qui menacent notre liberté et la paix sur notre continent". L'expression est une référence explicite au "whatever it takes" prononcé en 2012 par Mario Draghi, alors président de la Banque centrale européenne, pour assurer son engagement à défendre la pérennité de l'euro.
La presse allemande évoqué des projets d'investissements dans la défense allant de 200 milliards à 400 milliards d'euros.
Les dirigeants ont aussi annoncé un "accord" sur un gigantesque plan de subventions publiques pour améliorer les infrastructures et la compétitivité du pays. Un fonds spécial de 500 milliards d'euros doit être voté dans cette optique.
Deutsche Bank évoque "un moment 'whatever it takes' historique". "Le réveil de la force", titre de son côté Barclays, en référence au septième épisode de la saga "Star Wars".
Ces annonces ont déclenché ce mercredi un enthousiasme prononcé sur les Bourses européennes. Si le DAX 40, l'indice phare de la Bourse allemande, prend 3,3%, le CAC 40 bénéficie aussi de ce virage historique, et gagne 1,9% à 8.204,14 points.
La construction et les sidérurgistes bondissent
Ce plan allemand bénéficie à de nombreuses actions, notamment cycliques. Certaines se distinguent plus particulièrement.
Concerné au premier plan par la hausse des budgets militaires, les groupes de défense progressent nettement. Les allemands Rheinmetall et Hensoldt avancent respectivement de 4,5% et 8,7%. À Paris, Thales grimpe de 6,8% et Dassault Aviation de 4,5%.
"Je suis ravi de voir que l'Allemagne va peut-être changer de cap" mais "j'attends, 'j'observe", a déclaré Éric Trappier, le PDG de Dassault Aviation, aux journalistes lors d'une conférence de presse, ce mercredi. "S'il y a des opportunités on saura les prendre", a-t-il néanmoins conclu.
Les groupes de constructions sont également particulièrement concernés par la volonté d'investir dans les infrastructures. Wienerberger, spécialisé dans les matériaux de construction prend 11,8% à Francfort tandis qu'Heidelberg Materials, une entreprise de ciment, avance de 14,3%.
À Paris, Saint-Gobain, producteur français de matériaux de construction, signe la deuxième plus forte hausse du CAC 40 et avance de 7,8%. Le groupe de BTP Eiffage, le spécialiste du génie civil et mécanique Spie et le cimentier Vicat gagnent respectivement 8,3%, 9% et 7,4%.
La même logique prévaut pour les sidérurgistes. Thyssenkrupp bondit de 12,2% à Francfort, Salzgitter prend 9,9% et l'autrichien Voestalpine s'adjuge 8,6%. Arcelormittal, de son côté, signe la plus forte hausse du CAC 40 et prend 8%.
"L’Allemagne pèse 10% du chiffre d'affaires du groupe et elle représente 20% de la capacité du groupe en Europe soit également autour de 10% de la capacité groupe (au niveau mondial, NDLR)", explique Maxime Kogge, analyste chez Oddo BHF.
Arcelormittal "réalise environ 30% de son activité en Europe dans la construction et les travaux publics, donc il bénéficierait évidemment du plan de relance, sans doute un peu moins toutefois que des acteurs plus tournés vers l’Allemagne comme Salzgitter, Thyssenkrupp et Voestalpine", ajoute-t-il.
Le ferroviaire progresse
Le renouvellement des infrastructures devrait passer par des dépenses dans le ferroviaire, le réseau allemand étant connu pour sa vétusté. Le groupe suisse Stadler spécialisé dans le matériel ferroviaire prend 8,7%, Knorr-Bremse, groupe allemande centré sur les systèmes de freins pour camions et trains, gagne 7% et Siemens, dont la filiale Siemens Mobility est spécialisée dans le ferroviaire prend 7,9%. Vossloh, un groupe autrichien spécialisé dans les infrastructures ferroviaires bondit de 15,6%.
À Paris, Alstom grimpe de 14%. Un spécialiste de la valeur estime que "les annonces allemandes devraient bénéficier à moyen-long terme plutôt qu'à court terme au concepteur du TGV".
Alstom a une large empreinte industrielle en Allemagne, surtout depuis le rachat de Bombardier Transport (en 2021, NDLR). Le groupe est quasiment en situation de duopole avec Siemens car Stadler rencontre des difficultés et à long terme les dépenses ferroviaires devraient augmenter car la Deutsche Bahn (la SNCF allemande) a souffert pendant des années de sous-investissement", développe-t-il.
La hausse des dépenses allemandes peut également laisser entrevoir une meilleure conjoncture allemande. Ce qui soutient les banques. À Francfort, Deutsche Bank et Commerzbank prennent toutes deux près de 10%. Les établissements français sont bien orientés également: Société Générale s'adjuge 6,3%, BNP Paribas 5% et Crédit Agricole SA 3,4%.